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LETTRE XV.

Lundi, 20 Octobre, 1766,

Je suis dans une grande inquiétude; Mr. Selwyn vint hier chez moi, et me dit qu'un Anglois avoit reçu une lettre qui lui apprenoit que Mr. Craufurd étoit mort en Ecosse: je vous laisse à juger l'effet que cela me fit; Mr. et Mad. Fitzroy et leur demoiselle2 arriverent au même instant; ils tâcherent de me persuader que cette nouvelle étoit fausse. Ce matin, à dix heures, un nommé Mr. Dickinson est venu chez moi; il avoit appris hier au soir le chagrin où j'étois, et il a eu la bonté d'aller aux informations, et par tout ce qu'il m'a rapporté, il en résulte que je suis dans le doute; mais je vous avoue que je suis du moins bien inquiéte, et que mon ame est bien troublée ; non seulement par rapport à Mr. Craufurd, que j'estime et que j'aime beaucoup,

(1) John Craufurd, Esq. of Auchinames, in Scotland. (2) Mrs. R. Lloyd.

mais cela m'a jetté un noir dans l'ame sur tout ce qui m'intéresse. Ah, mon Dieu! que vous avez bien raison! l'abominable, la détestable chose que l'amitié! par où vient elle? à quoi mène-t-elle ? sur quoi est elle fondée? quel bien en peut on attendre ou espérer ? Ce que yous m'avez dit est vrai, mais pourquoi sommes nous sur terre, et surtout pourquoi vieillit on? Ob, mon Tuteur, pardonnez le moi, je déteste la vie.

J'admirois hier au soir la nombreuse compagnie qui étoit chez moi; hommes et femmes me paroissoient des machines à ressorts qui alloient, venoient, parloient, rioient sans penser, sans réfléchir, sans sentir; chacun jouoit son tole par habitude: Mad. la Duchesse d'Aiguillon crévoit de rire, Mad. de Forcalquier dé. daignoit tout, Mad. de la Valiere3 jabotoit sur tout. Les hommes ne jouoient pas de meilleurs roles, et moi j'étois abimée dans les ré

(3) La Duchesse de la Valiere, daughter of the Duc d'Usez. She had been one of the handsomest women in France, and preserved her beauty even to old age: she died about the year 1792, at the age of 80.

flexions les plus noires; je pensois que j'avois passé ma vie dans les illusions, que je m'étois creusée moi-même tous les abimes dans lesquels j'étois tombée, que tous mes jugemens avoient été faux et téméraires, et toujours trop précipités, et qu'enfin je n'avois parfaitement bien connu personne; que je n'en avois pas été connue non plus, et que peut-être je ne me connoissois pas moi-même. On désire un appui, ón se laisse charmer par l'espérance de l'avoir trouvé ; c'est un songe que les circonstances dissipent et qui font l'effet du réveil. Je vous assure, mon Tuteur, que c'est avec remords que je vous peins l'état de mon ame; je prévois non seulement l'ennui, mais l'indignation que je vous causerai, mais à qui puis-je avoir recours? Vous penserez si vous ne l'articulez pas pourquoi faut il que ce soit à moi? pourquoi faut il que des soins, des attentions que la bonté de mon caractère m'ont porté à avoir, ayent pour moi l'inconvénient d'être devenu l'objet d'une correspondance aussi triste? Vous avez raison, mon Tuteur, et vous aurez une grande patience si vous consentez à la continuer.

Le frère du Duc de Buccleugh mourat hicr

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après diner; les Georges sont revenus pour consoler le duc; il loge chez eux, et il est dans la plus excessive douleur: je crois qu'ils partiront tous vendredi.

Je compte faire partir ce soir cette lettre avec l'histoire de Mr. Hume et de Jean Jacques; les éditeurs passent pour être le Baron d'Olbach et Mr. Suard, mais tout le monde y reconnoit d'Alembert. Pour Mad. de Luxembourg, elle ne doute pas que la préface ne soit de Mr. Hume; cela seroit bien ridicule de se louer soi-même de cette force: ce qui n'est pas douteux, c'est qu'il a fourni des faits, et qu'elle lui a été communiquée. Tous ces gens là sont bien modestes et bien philosophes, et justifient bien le choix qu'ils ont fait de leurs Idoles et la protection qu'elles leur accordent. A l'égard de la déclaration de Mr. d'Alembert, vous verrez combien il vous désapprouve, et qu'il ne veut pas vous faire l'hon

(5) Lord and Lady George Lenox.

only brother to the late Duke of Richmond.

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He was

(6) From Aubigni, the country seat of his brother as Duc d'Aubigni.

(7) Afterwards of the French Academy.

(8) Relative to Mr. Walpole's letter to Rousseau,

neur du stile; il dit que vous convenez de le devoir à une personne que vous ne voulez pas nommer, mais qu'elle devroit bien se faire connoitre: Mad. de Luxembourg m'a dit que c'étoit apparemment moi qu'il vouloit désigner ;cela pourroit bien être, Madame, lui ai-je répondu; je ne doute pas que ce ne soit son intention, mais je ne vois pas bien pourquoi ni moi ni tout autre devraient bien se faire connoitre; mais lui, d'Alembert, devroit nommer les gens à qui Mr. Walpole a dit qu'il avait fait corriger le stile de sa lettre; je suis très certaine que telle qu'elle est,

under the name of the King of Prussia, which had been written and circulated at Paris, and in the composition of which it seems he was supposed to have been assisted by Mad. du Deffand. That this was not the case, the following account of it, given in a letter to Marshal Conway at the time, will prove:

"I was one evening at Mad. Geoffrin's, joking on Rousseau's affectations and contradictions, "and said some things that diverted them. When "I came home, I put them into a letter, and shewed "it the next day to Helvetius and the Duc de "Nivernois, who were so pleased with it, that after "telling me some faults in the language, which you

may be sure there were, they encouraged me to "let it be seen."-See Lord Orford's Works, vol. 5. p. 129.

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