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LETTRE XXXVIII.

Paris, Vendredi, 11 Décembre, 1767, à 2 heures.

JE reprends pour cette fois le journal; j'ai trouvé un lecteur pour votre Richard III; ainsi ne tardez pas un seul moment à me l'envoyer. Ce lecteur est un nommé M. Mallet, Génevois (1); c'est une connoissance que M. Craufurd m'a fait faire, et dont je crois que je me trouverai fort bien; mon étoile est singulière, ce n'est que dans les autres nations que je trouve ce qui me convient; il y a une princesse Lubormirka, qui me plaît beaucoup, et à qui je ne déplais pas, qui seroit pour moi une trèsbonne société, et elle s'en retournera en Pologne dans le courant de l'année prochaine. Tous mes compatriotes ne me sont ni ne me

(1) Since distinguished by the name of Mallet du Pan. He was the editor of some periodical works at Paris at the beginning of the French Revolution, whose moderation gave offence to both parties. After various persecutions during the reign of Jacobinism he took refuge in England, and published in London a periodical paper called the Mercure Britannique. He died at Richmond, in the

Year 1800.

peuvent être d'aucune ressource, mais je me dis, pour me consoler, qu'il seroit bien tard pour former des liaisons, et qu'il me suffit aujourd'hui de m'assurer du lendemain; cependant, mon Tuteur, je ne saurois m'empêcher de porter mes vues un peu plus loin, et d'espérer au printems ou à l'été prochain. Je me fais un plaisir d'entendre votre Richard III. Je maudis bien mon éducation; on fait quelquefois la question si l'on voudroit revenir à tel âge? Oh! je ne voudrois pas redevenir jeune à la condition d'être élevée comme je l'ai été, de ne vivre qu'avec les gens avec lesquels j'ai vécu, et d'avoir le genre d'esprit et de caractère que j'ai; j'aurois tous les mêmes malheurs que j'ai eus; mais j'accepterois avec grand plaisir de revenir à quatre ans, d'avoir pour gouverneur un Horace, qui me feroit tout apprendre; langues, sciences, etc. et qui m'empêcheroit bien de devenir pédante ou précieuse; il me formeroit le goût, le jugement, le discernement; il m'apprendroit à connoître le monde, à m'en méfier, à le mépriser, et à m'en amuser; il ne brideroit point mon imagination, il n'éteindroit point mes passions, il ne refroidiroit point mon âme, mais il seroit comme les bons

maîtres à danser, qui conservent le maintien naturel, et y ajoutent la bonne grâce. Ces pensées causent des regrets, font faire de tristes réflexions, et confirment l'idée que j'ai toujours eue, que personne n'a tout l'esprit et tout le mérite qu'il auroit pu avoir.

Il va paroître une estampe colorée de Louis XV, on dit qu'elle est fort belle; en êtes-vous curieux? vous ne pourrez l'avoir que le mois prochain.

Une Présidente d'Aligre (2), grande amie et protectrice de la Demoiselle l'Espinasse (3), vient de mourir; je croyois qu'elle lui laisseroit quelque rente; jusqu'à présent on n'en a pas connoissance.

Dimanche.

CETTE Présidente d'Aligre n'a rien laissé à la Demoiselle; on prétend qu'elle s'enivroit les derniers jours de sa vie pour éviter les horreurs de la mort; M. le Prince de Conti affiche de

(2) Wife of the Président Aligre, afterwards Premier President of the Parliament of Paris.

(3) See the life of Mal. du Deffand, prefixed to these Letters, for some account of Mademoiselle l'Espinasse, and her connexion with Mad. du Deffand.

grands regrets de sa perte; il avoit eu, dit-on, ses bonnes grâces.

Je n'ai point encore entendu parler de Mademoiselle Lloyd (4), cela m'impatiente; j'ai grande envie d'avoir vos estampes. La grand'maman vient à Paris Mardi; elle m'a dit que l'époux lui avoit demandé à souper avec moi Mercredi; vous ne saurez des nouvelles de ce souper que dans trois semaines; cela fait unė correspondance fort vive; mais le proverbe italien dit: qui va piano, va sano, et qui va sano, va lontano.

Mardi, 15, à 8 heures du matin. ENFIN j'ai vu Mademoiselle Lloyd; j'ai les trois Horaces (5); ils sont entre les mains de M. Mariette pour les faire encadrer. Vous êtes extrêmement ressemblant. Qu'est-ce que que cela me fait ; j'en suis cependant fort aise, J'eus, hier, la visite de Milady Pembroke (6),

(4) The late Miss Rachael Lloyd, who was now again. at Paris with Lord and Lady Pembroke.

(5) Three engravings of Mr. Walpole's Portrait which he had sent to Mad. du Deffand by Miss Lloyd.

(6) Elizabeth Spencer, sister to the present Duke of Marlborough, and widow of the late Earl of Pembroke.

et de son frère (7); ils souperont tous chez moi Dimanche; je vous dirai dans quelques jours quel succès a sa beauté, peu de gens l'ont

encore vue.

LETTRE XXXIX.

Paris, Mercredi, 2 Décembre, 1767.

IL y a long tems que je n'ai lu les lettres de Mad. de Sévigné à M. de Ponponne; mais autant qu'il m'en peut souvenir, elles sont beaucoup plus tendres que les miennes ; il y a des gens dont l'amitié a ce caractère: l'agrément du style peut sauver l'ennui de ce langage, et le faire paroître simple et naturel; il ne choque que bien peu de personnes personnes dans Mad. de Sévigné. Il est vrai que dans les lettres de Mad. de Scuderi à Bussi (1), les tendresses dont elles

(7) Lord Robert Spencer.

(1) Nothing can be more unlike than the letters of M. du Deffand and those of Mademoiselle de Scuderi to the Count de Bussy, which last are a tissue of compliments, in affected language, on the writings, character, wit, &c. &c. of her correspondent.

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