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cela me surprend bien. Je n'aurois jamais osé vous envoyer une telle rapsodie, de telles ordures, de pareilles infamies, qui ne sont sauvées par aucun trait d'esprit ; je ne me mêle plus de ce qui vous regarde, sans quoi je vous aurois envoyé une épître d'un moine de la Trappe, où il y a à mon gré de grandes beautés; mais j'ai supprimé avec vous tous soins et toutes attentions; en ne faisant rien, en ne disant rien, et même ne pensant rien, (car il est à propos d'aller jusques-là) on évite de déplaire, on se procure de la tranquillité à soi-même, on ouvre les lettres qu'on reçoit sans crainte et sans terreur, on est sûr de n'y rien trouver qui choque, on s'en tient là, parce qu'à toute force on se passe de ce qui fait plaisir.

Je vous remercie de vos livres (1), j'en ferai la distribution. Quelle idée que votre Richard III! j'aurois passé cette fantaise à notre abbé de Longuerue (2); mais votre tête, votre tête, ah! je ne dis pas ce que j'en pense!

(1) Some of the Books, printed at Strawberry-hill, which Mad. du Deffand had asked of M. Walpole for l'Abbé Barthelemi and Mr. de Pontdeveyle.

(2) L'Abbé Longuerue wrote a latin dissertation upon

LETTRE XXVIII.

Paris, Samedi, 23 Mai, 1767. Vous voulez que j'espère vivre quatre-vingtdix ans ? Ah! bon dieu, quelle maudite espérance! ignorez-vous que je déteste la vie, que je me désole d'avoir tant vécu, et que je ne me console point d'être née? Je ne suis point faite pour ce monde-ci; je ne sais pas s'il y en a un autre; en cas que celui-ci soit, tel qu'il puisse être, je le crains; on ne peut être en paix ni avec les autres, ni avec soi-même; on mécontente tout le monde; les uns, parce qu'ils croient qu'on ne les estime, ni ne les aime pas assez; les autres par la raison contraire; il faudroit se faire des sentimens à la guise de chacun, ou du moins les feindre, et c'est dont je ne suis pas capable; on vante la simplicité et le naturel, et on hait ceux qui le sont; on connoît tout cela, et malgré tout cela on craint 1 mort, et pourquoi la craint-on ? Ce n'est pas

Tatien, a disciple of St. Justin's, Annales Arsacidarum, and some other works upon obscure points of history, to which Mad. du Deffand compares Mr. Walpole's Historic Doubts about Richard III,

seulement par l'incertitude de l'avenir, c'est par une grande répugnance qu'on a pour sa destruction que la raison ne sauroit détruire. Ah! la raison, la raison, qu'est-ce que c'est que la raison? quel pouvoir a-t-elle ? quand est-ce qu'elle parle? quand est-ce qu'on peut l'écouter? quel bien procure-t-elle (1)? elle triomphe des passions; cela n'est pas vrai; et si elle arrêtoit les mouvemens de notre âme, elle seroit cent fois plus contraire à notre bonheur que les passions ne peuvent l'être; ce seroit vivre pour sentir le néant, et le néant (dont je fais grand cas) n'est bon que parce qu'on ne le sent pas. Voilà de la métaphysique à quatre deniers, je vous en demande très-humblement pardon; vous êtes en droit de me dire: contentez-vous de vous ennuyer, abstenez-vous d'ennuyer les autres. Oh! vous avez raison; changeons de conversation.

Vous m'avez alarmée pour votre sourde(2); mais

"(1) What the grave triflers on this busy scene,
"When they make use of that word Reuson, mean,
"I know not; but according to my plan,

""Tis Lord Chief Justice in the Court of Man;

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Equally formed to please in age and youth,

"The Friend to Virtue, and the Guide to Truth.

See Churchill's Poems.

(2) Henrietta Hobart, Countess Dowager of Suffolk, then living at Marble Hill, near Twickenham.

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je ne sais pas quel est le mal St. Antoine (3); je l'ai demandé (non pas encore à un médecin) et l'on m'a dit manière de peste; c'étoit une que s'il est vrai cela doit être contagieux, je suis ravie qu'elle soit guérie. Je le suis aussi, quoique j'aie toujours des insomnies, et passablement de vapeurs; mais je m'y accoutume.

J'ai reçu avant hier une lettre de Voltaire; je serois assez tentée de vous l'envoyer; elle vaut mieux que son poëme de Genève; mais je me contenterai de vous en transcrire un article; il me fait l'éloge de la Czarine: "Je suis" (ditil) "son chevalier envers et contre tous. Je "sais bien qu'on lui reproche quelques baga"telles au sujet de son mari; mais ce sont des "affaires de famille dont je ne me mêle point, "et d'ailleurs il n'est pas mal qu'on ait une faute "à réparer, cela engage à faire de grands ef"forts pour forcer le public à l'estime et à "l'admiration." II joint à sa lettre un petit imprimé sur les panégyriques plein d'éloge de cette Catherine (3).

(3) St. Anthony's Fire.

(4) Mr. Walpole says in reply to this, " Voltaire me "fait horreur avec sa Cathee; le beau sujet de badinage que l'assassinat d'un mari, et l'usurpateur de son trône! "Il n'est pas mal, dit-il, qu'on ait une faute à réparer :

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J. Jacques est un grand fou; il vous donne quelques remords; je le comprend aisément: on doit éviter de faire le malheur de personne, mais surtout de ceux qui nous estiment et nous aiment. Je ne sais ce que c'est que mon bon mot (5), hors celui de St. Denis, je ne sache pas en avoir jamais dit.

LETTRE XXIX.

Paris, Dimanche, 31 Mai, 1767.

RIEN dans le monde ne peut me procurer de sommeil (et quoique vous l'espériez) vos lettres n'auront point cette gloire; elles me font beaucoup de plaisir, mais elles me laissent comme elles me trouvent; c'est l'effet que vous en désirez, et j'ose me flatter d'être très-conforme en tout point à ce que vous souhaitez que je sois, que je reconnois être très-raisonnable, et qui sera je vous le jure un état permanent.

"Eh! comment répare-t-on un meurtre? Est-ce en rete"nant des poëtes à ses gages? en payant des historiens "mercenaires, et en soudoyant des philosophes ridicules à "mille lieues de son pays? Ce sont ces âmes viles qui "chantent un Auguste, et se taisent sur ses proscriptions." (5) See her own account of this bon mot in the next letter.

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