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assez reculé pour donner aux passions le temps de se fortifier. Leur éducation se faisoit dans l'intérieur même des couvens, à l'exception de celles qui se dévouoient au service des pauvres, des malades, et dont la charité, la modestie étoient, au milieu du monde, un spectacle digne des anges. Les autres, retirées dans leurs saintes maisons y trouvoient un asile inaccessible à la corruption des moeurs et de l'impiété. Brienne eut beau chercher comment il ôteroit encore à l'église cette ressource, les prétextes même lui manquoient.

Pour diminuer le nombre des vraies religieuses, il, imagina qu'elles auroient moins de novices quand il auroit établi et multiplié une autre espèce d'asile, que son intention étoit de rendre moitié mondain, moitié religieux. Il multiplia ces chanoinesses dont la règle semble moins exiger de ferveur, parce qu'elle laisse plus de liberté pour communiquer avec le monde.

Par une sottise inexprimable, si elle n'avoit pas eu son objet secret, il exigea des quartiers de noblesse pour entrer dans ces asiles auxquels il appliquoit ces fondations qui appartenoient auparavant à tous les ordres de citoyens. On eût dit qu'il vouloit à la fois rendre les vraies religieuses méprisables à la noblesse, et la noblesse elle-même odieuse aux autres citoyens, en lui appliquant exclusivement des fondations auxquelles tous avoient le même droit, faute que l'on faisoit aussi en destinant les mêmes fonds à des chanoines nobles..

Ces sortes de réflexions n'entroient pas dans la tête de Brienne. Il tendoit ses embûches et d'Alembert sourioit, se flattant que bientôt on n'auroit plus ni chanoinesses ni religieuses. Ici toutes les ruses de l'un et de l'autre furent insuffisantes. Les unes et les autres ont déjoué le projet de l'impie. Il fallut tout le despotisme des constituans pour tirer de leurs maisons et de leurs

terminés

Nationale.

cellules ces saintes filles, dont la piété et la constance font l'honneur de leur sexe, et avec les martyrs de Septembre, la partie la plus belle de la révolution. Jusqu'à ces décrets dignes de Néron, ni le nombre des religieuses, ni leur ferveur n'étoient diminuées. Mais enfin l'assem- Projets blée dite nationale et constituante envoya ses contre les décrets, ses satellites et même ses canons; trente religieux mille religieuses furent chassées de leurs couvens, par l'Asmalgré un autre décret de la même assemblée semblée qui promettoit de les y laisser mourir en paix. Il n'y eut plus alors en France ni maisons de religieux ni maisons de religieuses. Depuis plus de quarante ans le projet de leur destruction avoit été dicté par le philosophisme aux ministres même d'un Roi très chrétien. Au moment de la consommation il n'existoit plus de ministres du Roi très-chrétien. Le Roi étoit lui-même aux tours du Temple. L'objet tant recherché par l'abolition des ordres religieux étoit déjà rempli. La religion souffroit dans ses ministres la plus atroce des persécutions; mais pour arriver à ce triomphe, les conjurés, dans ce long intervalle d'années, avoient employé d'autres moyens que j'ai à faire connoître.

VI I.

CHAPITRE

Quatrième moyen des Conjurés. Colonie de Voltaire.

DANS le temps même où les conjurés étoient

si occupés de l'abolition des Jésuites et de tous les corps religieux, Voltaire méditoit un projet qui devoit donner à l'impiété même ses apôtres Objet de et ses propagandistes. C'est aux années 1760 et cette colo- 1761, qu'il semble avoir eu les premières idées

nie.

Frédéric

de ce nouveau moyen d'arriver enfin à l'extirpation du christianisme. «Seroit-il possible,

écrivit-il alors à d'Alembert, que cinq ou six » hommes de mérite qui s'entendroient ne » réussissent pas, après les exemples que nous » avons de douze faquins qui ont réussi. » ( 70 Lett. an 1760.) L'objet de cette réunion s'explique et se développe dans une autre lettre que j'ai déjà citée, et dans laquelle il dit : « Que » les philosophes véritables fassent une confré»rie comme les Franc-maçons, qu'ils s'assem» blent, qu'ils se soutiennent, et qu'ils soient » fidelles à la confrérie, et alors je me fais brûler » pour eux. Cette académie secrète vaudra mieux » que celle d'Athènes et toutes celles de Paris. » Mais chacun ne songe qu'à soi, et on oublie » que le premier des devoirs est d'écraser l'infame. (85 Lett. à d'Alemb., an 176.)

Les conjurés n'avoient pas oublié ce premier seconde le des devoirs, mais ils éprouvoient des obstacles. projet. La religion trouvoit encore en France des défenseurs zélés; Paris ne sembloit pas encore un asile assuré pour une pareille association. Il paroît que Voltaire fut pour quelque temps obligé d'y renoncer. Il reprit cependant son projet quelques années après; il se tourna vers Frédéric pour l'exécution, et lui proposa, dit l'éditeur

même de leur correspondance, « d'établir à "Clèves une petite colonie de philosophes Fran»çois, qui pourroient y dire librement la vé» rité, sans craindre ni ministres, ni prêtres, ni » parlemens. » Frédéric répondit à cette proposition avec tout le zèle que le nouveau fondateur pouvoit espérer de la part du sophiste couronné. « Je vois, lui dit-il, que vous avez à " cœur l'établissement de la petite colonie dont " vous n'avez parlé. . . . Je crois que le moyen » le plus simple seroit que ces gens (ou bien " vos associés) envoyassent à Clèves, pour voir » ce qui seroit à leur convenance, et de quoi je puis disposer en leur faveur. » ( Lett. du 24 Octob. 1765.)

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Il est fâcheux que plusieurs des lettres de Voltaire sur cet objet, se trouvent supprimées dans sa correspondance. Mais celles de Frédéric suffisent pour nous montrer Voltaire constant dans son projet revenant à la charge et insistant avec une ardeur dont on ne peut douter, quand on voit le premier répondre de nouveau : « vous » me parlez d'une colonie de philosophes qui » se proposent de s'établir à Clèves. Je ne m'y » oppose point, je puis leur accorder tout ce » qu'ils demandent, au bois près, que le séjour » de leurs compatriotes a presque entièrement détruit dans ces forêts. Toutefois à condition » qu'ils ménagent ceux qui doivent être ména»gés, et qu'en imprimant, ils observent la » décence dans leurs écrits. » (146 Lett. an 1766.)

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Lorsque nous en serons à la conspiration antimonarchique, nous verrons ce que Frédéric entend ici par ceux qui doivent être ménagés. Quant à cette décence à observer, elle devoit être un moyen de plus pour arriver au grand objet de la nouvelle colonie, sans révolter les esprits, par des éclats qui pouvoient nuire aux conjurés eux-mêmes, et qui auroient néces

sité la politique à réprimer leur hardiesse on leur impudence.

En sollicitant auprès du roi de Prusse les secours et la protection dont les nouveaux apôtres de l'impiété auroient besoin, pour faire en toute sureté la guerre à la religion, Voltaire s'occupoit ailleurs à recruter des hommes dignes d'un tel apostolat. Il étoit prêt à se sacrifier lui-même, pour se mettre à leur tête, tous les délices de Ferney. Votre ami persiste toujours dans son » idéé, écrivoit-il à Damilaville; il est vrai » comme vous l'avez dit, qu'il faudra l'arracher » à bien des choses qui font sa consolation et » qui sont l'objet de ses regrets; mais il vaut » mieux les quitter par philosophie que par la » mort. Tout ce qui l'étonne, c'est que plu» sieurs personnes n'aient pas formé de con» cert cette résolution. Pourquoi un certain » baron philosophe ne viendroit-il pas travailler » à l'établissement de cette colonie? Pourquoi » tant d'autres ne saisiroient-ils pas une si belle » occasion? »

Par cette même lettre, on voit que Frédéric n'étoit pas le seul prince que Voltaire eût déjà fait entrer dans ce projet ; car il ajoute : « Votre » ami a reçu depuis peu, chez lui, deux prin" ces souverains, qui pensent entièrement comme » vous. L'un d'eux offriroit une ville, si celle » concernant le grand ouvrage n'étoit pas convenable.» ( Lett. du 6 Août 1766. )

Le temps où Voltaire écrivoit cette lettre, étoit précisément celui où le Landgrave de HesseCassel venoit de payer son hommage à l'idole de Ferney. La daté du voyage et la conformité de sentimens, nous laissent peu de doute que ce ne fût ce même prince qui se chargeoit de fournir une ville à la colonie antichrétienne, supposé que Clèves ne fût pas convenable. (Voy. la lett. du Landgrave, 9 Sept. 1766. )

Cependant

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