des députés du congrès américain, qui venoit d'arriver de Paris, fut préfenté, comme fimple voyageur, au prince de Kaunitz, chancelier de la cour, par le baron de Breteuil, ambaffadeur de France. L'épouse de ce député, qu'une indifpofition a retenue à Francfort-fur-le-Mein, eft attendue ici avec fes enfans.

L'empereur, accompagné de l'archiduc Maximilien & du feldt-maréchal de Loudohn, se rendit à Prague, le 15 du mois dernier, pour y affifter à la fête de St. Jean Népomucene, qui fut célébrée le 6. Cette folemnité attire ordinairement un grand nombre de pélerins; mais cette fois-ci, les troupes qui environnent la ville en ont empêché l'affluence. S. M. I. retourna le foir à l'armée, & l'on apprend qu'elle eft actuelle ment à Olmutz, dont les habitans ont reçu ordre de se pourvoir de vivres pour 4 mois. Tout eft encore tranquille en Bohême, où les troupes cantonnées n'ont fait aucun mouvement; il n'y a que les invalides qui ayant témoigné un vif defir de fervir ont été envoyés plus avant dans ce royaume, & poftés fur les frontieres de Saxe. Le quartier de l'empereur est à Brandeis, où l'on a publié une ordonnance portant défense à tous officiers, bas-officiers & foldats d'exiger des voitures, ou chevaux gratis des payfans ou autres habitans, fous peine pour les premiers d'être caffés, & pour les autres d'être poursuivis fuivant la rigueur des loix. Cette ordonnance a fait renaître la confiance parmi les cultivateurs, dont elle protege les travaux & lat propriété.

Quantité de Juifs polonois fe font réfugiés ici pour y implorer la protection du gouvernement; ces malheureux, qui font expulfés de leur patrie, demandent à former des établissemens en Hongrie.

En creufant les fondemens du nouveau laza❤ reth que l'impératrice fait conftruire ici à fes frais, on a trouvé à Presbourg un fquelette & 25 ducats, dont 41 font des fequins de Venife. L'un des ducats porte l'effigie de Louis I, roi de Hongrie, & 3 autres l'effigie du roi Sigifmond. Tous avoient un cordon en argent & fe font trouvés entaffés les uns fur les autres.

FRANCFORT fur le Mein ( le 18 Juin. ) S'il est vrai qu'on doive lever encore 60 mille hommes dans les états de la maison d'Autriche ; fi les fourbiffeurs, même en travaillant jour & nuit, ne peuvent fournir affez d'armes à fes troupes nombreuses; fi toutes les mefures qui fe prennent annoncent des intentions hoftiles; fi l'on eft fcrupuleusement attentif à cacher à l'étronger la pofition des armées, en défendant, fous, les peines les plus féveres aux officiers de marquer en quels endroits ils fe trouvent; comment peut-on fe flatter de voir conjurer l'orage dont l'Allemagne est menacée ?

Les amis de la paix ont encore quelque ef pérance fondée fur les négociations qui, quoi qu'on en ait dit, fubfiftent encore, entre le miniftere de Pruffe & le comte de Cobenzl, ambaffadeur de L. M. I. à la cour de Berlin. Un autre motif d'efpérance, c'eft le peu de difpofition que les puiffances de l'Europe montrent à foutenir par les armes les prétendans à la fucceffion de Baviere. On obferve furtout que La France ne fait à cette occafion aucune démar che qui ne tende à conferver la paix ou du moins à concentrer le feu de la guerre dans le fein du` pays qui la voit naître. On affure que cette puiflance a garanti les Pays-Bas Autrichiens, du confentement de S. M. Pruff., qui, de fon côté, agit de concert avec le cabinet de Versailles,

en lui communiquant tout ce qui fe paffe dans les négociations entamées tant à Berlin qu'à Vienne. C'est ainsi qu'on négocie de loin, tandis que les armées des deux monarques intéres fés à leur fuccès font en préfence l'une de l'autre, fituation extraordinaire & qui fixe les regards de toute l'Europe.

Les derniers avis de la Siléfie portent que l'armée Pruff. a fait un mouvement retrograde qui l'éloigne des frontieres de Bohême du côté de Glatz, & la porte un peu plus vers la HauteSiléfie.

On affure que l'avis de Hanovre dans la gran de affaire de la fucceffion de Baviere a été donné depuis peu de jours à la diete de l'empire, & qu'il eft entierement contraire à la convention du 3 Janvier. On ajoute que le baron d'Affe bourg, miniftre de Ruffie, à fait à la même affemblée une déclaration qui n'annonce rien moins la neutralité dont on s'étoit flatté de que la part de cette puiffance. Quelques lettres particulieres portent même que le roi de Pruffe exige d'elle 60 mille hommes, fecours ftipulé par le traité d'alliance conclu entre les deux cours.

On apprend de Deutz, près de Cologne, que le 26 Mai, M. Boulle, riche négociant de Zundorff, étant dans fa caleche avec son épouse, âgée de 19 ans, en attendant fur les bords du Rhin le retour du batelier, les chevaux prirent le mors aux dents & se précipiterent dans ce fleuve, où les deux jeunes époux périrent fans qu'on ait pu les fecourir. Le corps du négociant fut retrouvé le 27; mais celui de la femme ne le fut que le 2 de ce mois, à une lieue au-deffous de Cologne. Ils ont été inhumés l'un & l'autre à Mühlheim.

Il circule ici des copies de lettres qu'on attribue au roi de Pruffe & dans lefquelles il y

a des traits d'une gaîté piquante. Ce monarque écrivant à M. de Voltaire, qui travailloit à Paris à retoucher ses nouvelles tragédies, lui dit: « Nous fommes bien fous, vous, de vous exposer à être fifflé, & moi de me mettre à la merci d'un coup de canon ». Le même prince dans une autre lettre à un grand fouverain, lui marquoit : « Vous êtes, il eft vrai, le chef de l'empire; mais j'en fuis le doyen, & de plus un vieux foldat qui une fois parvenu à monter à cheval, a bien de la peine à pouvoir en defcendre ».

Le voyage de M. Guillaume Lée à Vienne n'eft point de pure curiofité, & il a fûrement pour objet quelque miffion de la part du con grès. On ne peut guere douter non plus que ce député ne fe foit affuré des difpofitions de la cour de Vienne, avant que de s'y préfenter; cependant des papiers publics qui s'impriment dans l'empire, rapportent mot pour mot l'article fuivant :

Quelques nouvelliftes ayant affecté de faire accroire au public que le Sr. Lée, l'un des agens américains, avoit été reçu à Vienne fous la protection de l'ambafladeur de France dans cette cour, nous fommes autorisés non-feulement à contredire cette nouvelle, mais à y ajouter que' S. M. l'impératrice-reine, par une fuite de fon attention fcrupuleufe aux droits réciproques des fouverains, & par fon defir de donner une preuve non équivoque de fes fentimens dans cette occafion, a fait informer ceux qui defiroient introduire le Sr. Lée, que ce dernier ne devoit pas s'attendre à être jamais admis dans fa prélence, foit en public, foit en particulier ».

ITALIE.

ROME (le 5 Juin. ) Le chevalier Renier, am

baffadeur de la république de Venise, se rendit le 26 du mois dernier, à l'audience du pape & y dépofa fon caractere public, ainfi qu'il eft d'ufage parmi les miniftres de cette puiffance. Dans cette audience, S. S. lui fit préfent d'un rofaire précieux monté en or, d'un tableau en points de tapifferie, repréfentant St. Marc l'évangélifte, & d'un corps faint, fous le nom de St. Innocent , martyr.

Le 1er. de ce mois, le fouverain pontife tint un confiftoire fecret dans lequel il déclara les 8 cardinaux fuivans d'après la nomination des

couronnes.

Jean-Henri de Frankesberg, archevêque de Malines, nommé par l'empereur; Jofeph de Batthiani, archevêque de Strigonie, nommé par l'impératrice-reine; Dominique de la Rochefou cault, archevêque de Rouen, nommé par le roi de France; François-Xavier Delgado, archevêque de Séville, patriarche des Indes, nommé par le roi d'Espagne; Ferdinand Sylva de Parcira, patriarche élu de Lisbonne, nommé par le roi de Portugal; Louis-René-Edouard de Rohan, évêque de Canope, coadjuteur de Strasbourg, grandaumônier de France, nommé par le roi de Pologne; Charles-Jofeph-Philippe de Martiniana, évêque de St. Jean de Maurienne, nommé par le roi de Sardaigne; Jean Cornaro, noble Vénitien, ci-devant gouverneur de Rome, recommandé par la république de Venife.

- Indépendamment de ces 8 cardinaux, le pape, dans le même confiftoire, a créé cardinaux de fon choix, Thomas-Marie Ghilini, archevêque de Rhodes, ci-devant nonce à Bruxelles, & en dernier lieu fecrétaire de la confulte à Rome & Romuald Guidi, recteur de l'hofpice-général du St. Efprit en cette ville. Il refte encore dans le facré college fix chapeaux, dont quatre font