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à leur largeur ancienne, nonobstant les usurpations, parquelque laps de temps qu'elles puissent avoir été faites.»

« On ne peut, dit l'art. 2226 du Code civil, prescrire le domaine des choses qui ne sont pas dans le commerce. »

L'ordonnance de Blois, dont la disposition n'a été ni formellement ni tacitement abrogée par les lois nouvelles, ne statue que pour le cas de rétrécissement de la route. La disposition de l'art. 2226 atteint les usurpations totales; mais l'une et l'autre de ces lois n'ont évidemment pour effet d'empêcher la prescription, qu'autant que la route reste affectée à un usage public.

S'il était prouvé que la destination du terrain servant originairement de route a changé, il serait alors considéré comme étant rentré dans le commerce, et par conséquent susceptible d'être acquis par prescription.

VII. Comment sera faite cette preuve d'abandon de la route? Sera-t-il nécessaire de rapporter un acte administratif qui ordonne la suppression de cette route? M. Isambert, dans son Traité de la Voirie, soutient l'affirmative, et cette opinion, contraire à celle professée par M. Vazeille, Traité des Prescriptions, n° 89, est combattue par M. Garnier, dans son excellent ouvrage sur les chemins, 3o édition, p. 24 et suivantes. C'est à l'avis de ces derniers auteurs que nous nous rangeons. La raison de décider, suivant nous, c'est qu'aucune loi n'a déterminé les caractères du changement de destination des choses servant à un usage public, et qu'on ne peut étendre l'exception d'imprescriptibilité en créant à son appui une condition extralégale. Toutes les circonstances de fait qui seront de nature à faire présumer l'abandon du chemin, pourront donc déterminer le juge dans l'appréciation de la possession invoquée devant lui. Cette doctrine a été consacrée par un arrêt de la cour de Rouen, à la date du 11 février 1825. Dans l'espèce jugée par cet arrêt, il s'agissait à la vérité d'un chemin vicinal; mais il y a pour les grandes routes même motif de décision.

« Attendu, porte l'arrêt, que la prescription commence, » pour les places de guerre, dès qu'elles cessent d'être consi» dérées comme telles; qu'il en est de même pour les chemins » qui, tant qu'ils sont chemins, ne peuvent être prescrits, mais qui deviennent soumis à la prescription lorsqu'ils ne servent >> plus à l'usage pour lequel ils étaient originairement destinés; >> que la possession dispense les époux Divrac de représenter » l'acte qui, dans des temps éloignés, aurait prononcé la suppression du chemin, etc. »

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VIII. Il est impossible de signaler tous les faits qui se

raient de nature à prouver le changement de destination d'une route. Les circonstances modifient ces faits à l'infini, et les exceptions seraient trop nombreuses pour que nous puissions déterminer une règle quelconque.

IX. Les limites d'une route ne sont pas toujours fixées d'une manière certaine. Des contestations peuvent naître sur ce point entre l'état et les riverains. Dans ce cas, une double question se présente, l'une administrative, car l'intérêt général exige que les limites de la route soient bien établies; l'autre judiciaire, car le droit de propriété, qu'il soit privé ou public, réclame protection.

La solution de la question administrative est nécessairement préjudicielle. En effet, selon que l'administration déclarera que le terrain litigieux fait partie de la route, ou qu'il doit en être séparé, il y aura licu pour le juge saisi du possessoire, soit à constater seulement la possession du riverain, sauf l'action de ce dernier à fin d'indemnité, soit à ordonner la maintenue possessoire avec dommages-intérêts, s'ils sont dus. Le juge, dans ces circonstances, devra donc, non se déclarer incompétent, mais surseoir à statuer jusques après la décision de l'autorité administrative.

Ces principes nous paraissent résulter de deux décisions du conseil-d'état, rendues à la date des 28 août 1827 et 30 juillet 1828.

X. L'intérêt de l'état à suivre une action possessoire contre le riverain qui aurait empiété, n'est pas bien évident pour nous. L'état trouve, en effet, dans les mesures administratives, une répression plus prompte et plus certaine; et après s'être fait ainsi maintenir en jouissance, son rôle devant le juge de paix est tout naturellement celui de défendeur. Toutefois, s'il lui convenait de prendre l'initiative de l'action, pour faire résoudre en sa faveur une question de possession civile, et par là éviter le paiement d'une indemnité, sa demande serait recevable.

XI. Un particulier, troublé par un autre dans la jouissance d'une route, serait, en général, fondé à exercer l'action possessoire; nous disons en général, car il existe plusieurs exceptions qu'il est important de signaler. C'est ce que nous ferons sous le paragraphe relatif aux chemins vicinaux. Les règles sont les mêmes, et la jurisprudence que nous aurons à citer s'applique plus spécialement aux chemins communaux.

S II. Chemins de halage.

I. On nomme chemin de halage l'espace de terrain que

d'un

les propriétaires riverains d'un fleuve, d'une rivière, cours d'eau navigable ou flottable, sont obligés de laisser libre pour le passage des hommes et chevaux employés à la navigation.

II. D'après l'ordonnance de 1669, dont les dispositions ont été remises en vigueur par un arrêté du directoire, du 13 nivôse an 5, et par un décret du 22 janvier 1808, la largeur du chemin de halage doit être, du côté où se tirent les bateaux, de vingt-quatre pieds, et de dix pieds du côté opposé. L'art. 3 de l'arrêté du 13 nivôse an 5 ajoute aux dispositions de l'ordonnance de 1669, en ce qu'il prescrit aux propriétaires d'héritages aboutissants aux rivières et ruisseaux flottables à bûches perdues, de laisser le long des bords quatre pieds pour le passage des employés à la conduite des flots. L'administration peut, aux termes de l'art. 4 du décret de 1808, modifier les dispositions qui précèdent, lorsque les circonstances l'exigent.

III. Il n'entre pas dans notre plan de nous étendre davantage sur les règles purement administratives qui seraient applicables aux chemins de halage. Nous ne devons nous attacher ici qu'à faire ressortir un principe qui, au possessoire, différencie essentiellement les chemins de halage des chemins publics; c'est que le terrain compris dans les premiers ne cesse pas d'être la propriété des riverains, que seulement cette propriété est grevée d'une servitude de passage dans un intérêt public, celui de la navigation.

C'est ce que démontrent les termes mêmes des anciennes ordonnances, et surtout ceux de plusieurs dispositions du Code civil.

Un édit de François Ier, du mois de mai 1520, porte : « Ordonnons que chacun, sur son héritage, souffre, fasse ou maintienne convenablement ledit chemin de vingt-quatre pieds de largeur pour le trait des chevaux, etc. »

L'art. 7, tit. 28, de l'ordonnance de 1669, oblige tous les propriétaires d'héritages aboutissants aux rivières navigables, à laisser, le long des bords, un espace de terrain pour chemin royal et trait de chevaux.

Le Code civil est encore plus formel.

L'art 556 est ainsi conçu : « L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit qu'il s'agisse d'un fleuve ou d'une rivière navigable, flottable ou non, à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux réglements. >>

Art. 649. « Les servitudes établies par la loi ont pour objet

l'utilité publique ou communale, ou l'utilité des particuliers. »

Art. 650. « Celles établies pour l'utilité publique ou communale ont pour objet le marchepied le long des rivières navigables ou flottables, etc. »

La jurisprudence du conseil-d'état et des cours n'est pas moins positive.

Deux ordonnances en date des 26 août 1818, et 22 janvier 1823 portent, entre autres motifs, « que l'obligation consacrée par l'ordonnance de 1669 et par le Code civil, de laisser sur ic bord des rivières navigables un chemin pour le halage des bateaux, impose une servitude, et ne caractérise pas une expropriation. »

Enfin, deux arrêts, l'un de la cour de cassation, du 14 mai 1823, l'autre de la cour de Toulouse, du 19 janvier 1825, ont statué dans le même sens.

Il y a donc, comme le dit M. Garnier, cette différence entre les routes et les chemins de halage, que les premières appartiennent de plein droit à l'état, et les autres demeurent de plein droit la propriété des riverains jusqu'à preuve contraire.

IV. Une conséquence de ce droit de propriété des riverains, c'est qu'ils peuvent faire, sur le terrain compris dans le chemin de halage, tous les actes de jouissance qui sont compatibles avec l'exercice des droits de la navigation.

V. Alors même qu'ils ne justifieraient pas de faits de possession particulièrement applicables au sol du chemin, il nous semble que leurs droits au possessoire ne sauraient être compromis. En fait de possession, aussi bien qu'en fait de propriété, l'accessoire suit le sort du principal. Le terrain laissé libre pour les besoins de la navigation, n'en est pas moins une dépendance des propriétés riveraines, et comme tel, il participe à la possession commune. Il n'est pas besoin d'ajouter qu'il en serait tout autrement, si un tiers eût exercé sur le chemin des actes de possession ayant le caractère et la durée voulus pour attribuer la saisine.

VI. L'administration serait seule compétente pour statuer sur toutes les questions qui se rattacheraient au maintien ou au mode d'exercice de la servitude de halage; mais il peut s'élever, soit entre l'état et des riverains, soit entre des riverains et des particuliers, des questions de possession tout-àfait étrangères à la jouissance du chemin considérée comme servitude d'utilité publique. Dans ce dernier cas, le juge de paix sera compétent pour statuer, et sa sentence devra présenter l'application des principes que nous venons d'établir. Ainsi, que l'état fasse sur le sol du chemin des actes de pos

session, qui, même d'après sa prétention, ne rentreraient pas dans l'exercice de son droit de servitude légale; ou bien encore, et toujours avec la distinction précédemment faite, qu'il s'oppose à la jouissance du riverain, l'action possessoire sera valablement portée devant le juge de paix. L'état, s'il ne justifie sa possession que par l'usage auquel le terrain aura été soumis pour les besoins de la navigation, devra succomber. Ce ne sera pas, en effet, sa possession à titre de servitude qui sera contestée, ce sera sa possession à titre de propriété.

VII. Mais la décision devra être toute différente, si l'état produit un titre qui lui attribue la propriété du terrain.

Les faits de possession qui, sans cette circonstance, auraient été considérés comme étant uniquement la conséquence de la servitude légale de halage, prendront alors le caractère d'une jouissance effectuée dans un esprit de propriété, animo domini.

VIII. Le juge aurait à observer les mêmes règles dans le cas où, par suite d'attérissements, le chemin de halage ayant été reporté au-delà de son ancienne limite, la possession du terrain qui formait l'ancien chemin serait l'objet d'un litige possessoire entre l'état et le riverain.

IX. Ce que nous disons à l'égard de l'état serait également vrai vis-à-vis des particuliers. Que, par exemple, un tiers prétende être en droit de passer sur un chemin de halage pour l'exploitation de ses terres, d'y déposer des matériaux, dù fumier; la complainte formée par le riverain devra être accueillie, car la propriété de ce dernier, sauf l'exercice de la servitude légale de halage, doit être libre.

X. Le propriétaire d'un terrain aboutissant d'un côté à un chemin de halage, et entouré des trois autres côtés par des propriétés particulières, passe depuis plus d'un an, pour arriver à la voie publique, sur l'une des propriétés voisines. Il est cité par voie de complainte devant le juge de paix. L'action n'est pas recevable, car il y a exercice d'une servitude fondée en titre. Ce titre, c'est la loi qui autorise le propriétaire enclavé à passer sur le fonds d'autrui, et l'existence du chemin de halage, propriété privée, ne fait pas disparaître l'enclave.

XI. Nous terminerons ce paragraphe en rapportant, d'après M. Garnier, l'espèce jugée par la cour de Toulouse le 19 janvier 1825.

Un sieur Grossons est propriétaire d'une vigne bornée d'un côté par un chemin de halage, et dans toutes les autres parties par des héritages privés. Il passait précédemment, pour l'exploitation de sa vigne, sur l'un de ces héritages; mais ce passage lui ayant été ensuite refusé, ille réclama comme en

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