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On se tromperoit pourtant si on croyoit qu'il n'y a dans les éloges de Fontenelle que de ces beautés fines et délicates. On en trouve aussi d'un genre plus relevé, et faites pour contenter le goût le plus austère; telles sont les idées générales répandues sur chaque science, sur leur origine, leurs progrès, leur but, les moyens de les perfectionner, leur liaison et les points de communication par où elles se touchent.

On citera toujours le tableau de la police de Paris comme un morceau très-éloquent, non pas à la vérité de cette éloquence de l'âme qui remue, mais de celle de l'esprit qui fait voir et présenter un grand objet sous toutes les faces (1).

(THOMAS, Essai sur les éloges.)

(1) Les plus estimés et les plus connus de ces éloges, sont ceux de M. d'Argenson, du Czar Pierre, du maréchal de Vauban, de Newton et de Léibnitz : on peut y joindre dans un ordre inférieur ceux de Tournefort, de Boerhave, de Mallebranche, du marquis de l'Hôpital, de Homberg, du géographe de Lisle, de Renau, et du célèbre anatomiste hollandois Ruïsch.

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CHAPITRE XXIX.

EXTRAIT DU DISCOURS PRONONCÉ PAR M. DE BUFFON, LORS DE SA RÉCEPTION A L'ACADÉMIE FRANÇOISE.

..IL s'est trouvé dans tous les temps des hommes qui ont su commander aux autres par la puissance de la parole; mais ce n'est que dans les siècles éclairés qu'on a bien écrit et bien parlé. La véritable éloquence suppose l'exercice du génie et de la culture de l'esprit ; elle est bien différente de cette facilité naturelle de parler qui n'est qu'un talent, une qualité accordée à tous ceux dont les passions sont fortes, les organes souples et l'imagination prompte. Ces hommes sentent vivement, s'affectent de même, le marquent fortement au dehors, et par une impression purement mécanique, ils transmettent aux autres leur enthousiasme et leurs affections.

C'est le corps qui parle au corps ; tous les mouvemens, tous les signes concourent et servent également. Que faut-il pour émouvoir la multitude et l'entraîner? que faut-il pour ébranler la plupart des autres hommes et les persuader? Un ton véhément et pathétique, des gestes expressifs et fréquens, des paroles rapides et sonnantes. Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, il faut des choses, des

pensées, des raisons, il faut savoir les présenter, le énoncer, les ordonner; il ne suffit pas de frapper l'oreill et d'occuper les yeux, il faut agir sur l'àme et touche le cœur en parlant à l'esprit.

si on

Le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on me dans ses pensées; si on les enchaîne étroitement les serre, le style devient fort, nerveux et concis ; si on les laisse se succéder lentement et ne se joindre qu'à la faveur des mots, quelqu'élégans qu'ils soient, le style sera diffus, làche et traînant.

Le plan d'un ouvrage n'est pas le style, mais il en est la base, il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois : sans cela le meilleur écrivain s'égare, sa plume marche sans guide, et jette à l'aventure des traits irréguliers et des figures disparates. Quelque brillantes que soient les couleurs qu'il emploie, quelques beautés qu'il sème dans les détails, comme l'ensemble choquera, ou ne se fera point sentir, l'ouvrage ne sera point construit, et, en admirant l'esprit de l'auteur, on pourra bien soupçonner qu'il manque de jugement.

C'est par cette raison que ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu'ils parlent très-bien, écrivent mal; que ceux qui s'abandonnent au premier feu de leur imagination, prennent un ton qu'ils ne peuvent soutenir ; que ceux qui craignent de perdre des pensées isolées, fugitives, et qui écrivent en différens temps des morceaux détachés, ne les réunissent jamais sans transitions forcées; qu'en un mot il y a tant d'ouvrages faits de pièces de rapport et si peu qui soient fondus d'un seul jet.

Cependant tout sujet est un, et quelque vaste qu'il soit il peut être renfermé dans un seul discours.

Pourquoi les ouvrages de la nature sont-ils si parfaits? C'est que chaque ouvrage est un tout, et qu'elle travaille sur un plan éternel dont elle ne s'écarte jamais. Elle prépare en silence le germe de ses productions; elle ébauche par un acte unique la forme primitive de tout être vivant; elle la développe et la perfectionne par un mouvement continu et dans un temps prescrit. L'ouvrage étonne, mais c'est l'empreinte divine dont il porte les traits qui doit nous frapper.

C'est faute de plan, c'est pour n'avoir pas assez réfléchi sur son objet qu'un homme d'esprit se trouve embarrassé; il ne sait par où commencer à écrire. Il aperçoit à la fois un grand nombre d'idées ; comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres : il demeure donc dans la perplexité.

Mais lorsqu'il se sera fait un plan, lorsqu'il aura mis en ordre toutes les idées essentielles à son sujet, dès lors il sentira le point de maturité de son ouvrage, il sera pressé de le faire éclore, il n'aura même que du plaisir à écrire, les pensées se succéderont aisément, et le style sera na– turel et facile. La chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout et donnera de la vie à chaque expression. Tout s'animera de plus en plus, le ton s'élevera, les objets prendront de la couleur, et le sentiment se joignant à la lumière, l'augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l'on dit à ce que l'on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux.

Mais rien ne s'oppose plus à la chaleur que le désir de montrer partout de l'esprit ; rien n'est plus contraire à la lumière qui doit se répandre uniformément dans un écrit, que ces étincelles qu'on ne tire que par force, en choquant les mots les uns contre les autres et qui n'éblouissent un moment que pour nous laisser ensuite dans les ténèbres.

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Rien n'est plus opposé à l'éloquence que l'abus des pensées fines et la recherche de ces idées légères et sans consistance, qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l'éclat qu'en perdant de la solidité.

Rien n'est plus opposé au beau naturel que la peine qu'on se donne pour exprimer des idées communes d'une manière singulière ou pompeuse : ce défaut est celui des esprits cultivés, mais stériles; ils ont des mots en abondance, mais point d'idées. Ces écrivains n'ont point de style; le style doit graver des pensées: ils ne savent que tracer des paroles.

Les ouvrages bien écrits sont les seuls qui passent à la postérité. L'étendue des connoissances, la singularité des faits, la nouveauté même des découvertes ne sont pas de sûrs garans de l'immortalité ; si les ouvrages qui les contiennent ne roulent que sur de petits objets, s'ils sont écrits sans goût, sans noblesse et sans talens, ils périront, parce que les connoissances, les faits et les découvertes s'enlèvent aisément, se transportent et ga gnent même à être mises en œuvre par des mains plus habiles. Ces choses sont hors de l'homme le style est l'homme même.

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