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blage des vices et des travers dont il compose le cortège du vice principal. Avec quelle adresse il les fait servirà le mettre en évidence! Quelle finesse sans subtilité, quelle précision sans métaphysique dans les nuances d'une même vie! Quelle différence entre la dureté du superstitieux Orgon, attendri malgré lui, par les pleurs de sa fille, et la dureté d'Harpagon, insensible aux larmes de la sienne!

C'est ce même sentiment des convenances, cette sû→ reté de discernement qui a guidé Molière, lorsque mettant sur la scène des vices odieux, comme ceux de Tartufe et d'Harpagon, c'est un homme et non pas une femme qu'il offre à l'indignation publique.

Molière se délassoit de tous ses chefs-d'œuvre par des ouvrages d'un ordre inférieur, mais qui, toujours marqués au coin du génie, suffiroient pour la gloire d'un autre. C'est là qu'il sacrifie volontairement à la force de ses tableaux cette mésure précise qui réunit la vérité de la peinture à l'exagération théâtrale.

Mais s'il a renforcé les traits de ses figures, jamais il n'a peint à faux ni la nature ni la société. Chez lui jamais de ces marquis burlesques, de ces vieilles amoureuses, de ces Aramintes folles à dessein , personnages de convention parmi ses successeurs, et dont le ridicule forcé ne peignant rien, ne corrige personne. Point de ces supercheries sans vraisemblance, de ces faux contrats qui concluent les mariages dans nos comédies, et qui nous feront regarder par la postérité comme un peuple de dupes et de faussaires.

sonnes,

S'il a mis sur la scène des intrigues avec de jeunes perc'est qu'alors on s'adressoit à elles plutôt qu'à leurs mères, qui avoient rarement la prétention d'ètre les sœurs aînées de leurs filles. Jamais il ne montre ses personnages corrigés par la leçon qu'ils ont reçue : il envoie le misanthrope dans un désert, le tartufe au cachot; ses jaloux n'imaginent qu'un moyen de ne plus l'ètre, c'est de renoncer aux femmes. Le superstitieux Orgon, trompé par un hypocrite, ne croira plus aux hounètes gens ; il croit abjurer son caractère, et l'auteur le lui conserve par un trait de génie. Enfin son pinceau a si bien réuni la force et la fidélité, que s'il existoit un être isolé qui ne connût ni l'homme de la nature, ni l'homme de la société, la lecture réfléchie de Molière pourroit lui tenir lieu de tous les livres de morale et de philosophie. >>

(CHAMFORT. Eloge de Molière, qui a remporté le prix de l'académie françoise en 1769.)

VIII.

CHAPITRE XXVIII.

ÉLOGES DES SAVANS, PAR FONTENELLE.

QUAND

UAND on eut une fois donné l'exemple de louer ceux qui cultivent les sciences et les arts, cet exemple fut suivi. Les hommes imitent tout, même le bien. A l'institution des académies en France il fut réglé qu'on prononceroit l'éloge de chaque académicien après sa mort; cet usage ou cette loi a eu, comme tout, ses approbateurs

et ses censeurs.

Ces éloges, composés par des mains différentes, portent chacun le caractère de leur auteur. Ainsi l'éloge de La Mothe prononcé par Fontenelle, ne ressemble nullement à celui de Corneille prononcé par Racine, ni celui de Pélisson prononcé par Fénélon à celui de Bossuet par le cardinal de Polignac.

Fléchier louoit en antithèses, la Bruyère en portraits, Massillon en images, Montesquieu en épigrammes, et l'auteur de Télémaque en phrases tendres et harmo

nieuses.

M. de Boze, antiquaire, écrivain correct et facile, a composé trois volumes d'éloges prononcés dans l'académie des inscriptions dont il étoit secrétaire. Le mérite de ces éloges est d'être simple et naturel ; cette simplicité pa

Foît aujourd'hui trop uniforme, et ce naturel n'est pas assez piquant pour des lecteurs usés, véritables sibarites qui demandent de nouveaux plaisirs, et s'endorment à chaque instant si on ne les réveille pas. Fontenelle a cet avantage il réveille ses lecteurs à chaque page. Nous avons de lui soixante-dix éloges qu'il prononça dans l'espace de quarante ans.

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Ce recueil est un des plus beaux monumens qui ait été élevé en l'honneur des sciences, et l'un des ouvrages qui laissent le plus dans l'esprit le sentiment de son élévation et de sa force. Tous les objets dont on s'y occupe sont grands et en même temps sont utiles : c'est l'empire des connoissances humaines. C'est là que vous voyez paroître tour à tour la géométrie, qui analyse les grandeurs et ouvre à la physique les portes de la nature; l'algèbre, espèce de langue qui représente par un signe une suite innombrable de pensées, espèce de guide qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, • poursuit et atteint ce qu'il ne connoît pas; l'astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante cinq millions de lieues tire des lignes de communication avec l'homme; la géographie, qui connoît la terre par les cieux; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s'éclipsant; la manoeuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure sépare, unit, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l'homme; le génie, qui sert dans

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les combats; la mécanique, qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l'industrie, et, sous des mains stupides, crée des prodiges; l'optique, qui donne à l'homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras; enfin les sciences qui s'occupent uniquement de notre conservation : l'anatomie, par l'étude des corps organisés et sensibles, la botanique par celle des végétaux, la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes, et la science aussi dangereuse que sublime qui naît des trois ensemble, et qui applique leur's lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent; tels sont les magnifiques objets sur lesquels roulent ces éloges savans. Vous y voyez l'homme dans les cieux, sur les mers, dans les profondeurs des abîmes, l'homme bâtissant des palais, perçant des montagnes, creusant des canaux élevant des remparts, remuant la nature et faisant servir tous les êtres à ses besoins, à sa défense, à ses plaisirs, à ses lumières. Il semble qu'on soit admis dans l'atelier du génie qui travaille en silence à perfectionner la société, l'homme et la terre.

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Si maintenant vous passez aux hommes même à qui nous devons ces connoissances, un autre spectacle vient s'offrir. Vous les voyez presque tous nés avec une espèce d'instinct qui se déclare dès le berceau et les entraîne. C'est l'énigme de la nature; qui pourra l'expliquer ? Vous voyez les parens, calculant la fortune, contredire le génie, et le génie indomptable surmonter tout. Les uns, nés dans la pauvreté, ou se précipitant dans une indigence

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