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est placé de manière qu'il ne paroît pas qu'on ait pu placer autrement.

le

Le tissu de sa diction est tel qu'on n'y peut rien déplacer, rien ajouter, rien retrancher : c'est un tout qui semble éternel. Ses inexactitudes mèmes, et il y en a bien peu, sont presque toujours des sacrifices faits par le bon goût. Rien ne seroit si difficile que de refaire un vers de Racine.

Nul n'a enrichi notre langue d'un plus grand nombre de tournures; nul n'est hardi avec plus de bonheur et de prudence, ni métaphorique avec plus de goût et de justesse; nul n'a manié avec plus d'empire un idiome souvent rebelle, ni avec plus de dextérité un instrument toujours difficile; nul n'a mieux connu la mollesse du style, qui dérobe au lecteur la fatigue du travail et les ressorts de la composition; nul n'a mieux entendu la période poétique, la variété des césures, les ressources du rhythme, l'enchaînement et la filiation des idées.

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Enfin, si l'on considère que sa perfection peut être opposée à celle de Virgile, et si l'on se souvient qu'il parloit une langue moins flexible, moins poétique et moins harmonieuse, on croira volontiers que Racine est celui de tous les hommes à qui la nature avoit donné le plus grand talent pour les vers.

Un des caractères du génie, et surtout du génie dramatique, est de passer d'un genre à un autre, sans s'y trouver étranger, et d'être toujours le même sans se ressembler jamais. Britannicus offrit un genre de beautés qui n'étoit pas dans Andramaque ; et le même pinceau,

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qui avoit si supérieurement crayonné le cœur de Néron; qui dans Monime et dans Iphigénie a tracé depuis avee tant de vérité la modestie, la retenue, le respect filial que l'éducation inspiroit aux filles grecques; qui dans Athalie nous montra avec tant d'éloquence les effets de la théocratie sur un peuple toujours conduit par des prodiges, ou égaré par des superstitions, a su peindre encore dans Bajazet, les mœurs, nouvelles pour nous, d'une nation avec qui nous avions aussi peu de commerce, que si la nature l'eût placée à l'extrémité du globe; là politique sanglante du sérail, la servile existence d'un peuple renfermé dans cette prison du despotisme, les passions des sultanes, qui s'expliquent le poignard à la main, et qui sont toujours près du crinie et du meurtre, parce qu'elles sont toujours près du danger, etc., etc....:

(LA HARPE.)

Extrait du discours qui concourut en 1772, au prix proposé par l'académie de Marseille, et ne remporta pas le prix, parce qu'il arriva trop tard.

CHAPITRE XXVII.

ÉLOGE DE MOLIÈRE.

...... C'EST ce désir d'être utile qui décèle un poëte philosophe. Heureux s'il conçoit quels services il peut rendre! il est le plus puissant des moralistes. Veut-il faire aimer la vertu? une maxime honnête, liée à une situation forte de ses personnages, devient pour les spec

tateurs une vérité de sentiment. Veut-il proscrire le vice? il a dans ses mains l'arme du ridicule, arme terrible avec laquelle Pascal a combattu une morale dangereuse ; Boileau le mauvais goût, et dont Molière a fait voir sur la scène des effets plus prompts et plus infaillibles.

Mais à quelles conditions cette arme lui sera-t-elle confiée ? Avoir à la fois un cœur honnête, un esprit juste, se placer à la hauteur nécessaire pour juger la société; savoir la valeur réelle des choses, leur valeur arbitraire dans le monde, celle qu'il leur importeroit de leur donner; ne point accréditer les vices l'on attaque, en les associant à des qualités aimables, méprise devenue trop commune chez les successeurs de Molière, qui renforce les mauvaises moeurs, au lieu de les corriger; connoître les maladies de son siècle; prévenir les effets de la

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destruction d'un ridicule, tels sont dans tous les temps les devoirs d'un poëte comique; tel fut l'emploi dont Molière s'acquitta avec un succès inoui.

Si jamais auteur comique a fait voir comment il avoit conçu le système de la société, c'est Molière dans le · Misantrope; c'est là que montrant les abus qu'elle entraîne, il enseigne à quel prix le sage doit acheter les avantages qu'elle procure; que dans un système d'union fondé sur l'indulgence mutuelle, une vertu parfaite est déplacée parmi les hommes, et se tourmente elle-même sans les corriger. C'est l'or qui a besoin d'alliage pour prendre de la consistance, et servir aux diyers usages de la société. Mais en même temps l'auteur montre, par la supériorité constante d'Alceste sur tous les autres personnages, que la vertu, malgré les ridicules où son austérité l'expose, éclipse tout ce qui l'environne; et l'or qui a reçu l'alliage n'en est pas moins le plus précieux des

métaux.

Après le Misantrope, Molière fut sans contredit le premier écrivain de la nation (1). Lui seul réveilloit sans cesse l'admiration publique. Corneille n'étoit plus le Corneille et du Cid et de Cinna. Les apparitions du lutin, qui, selon l'expression de Molière même, lui

> (1) Il y a ici un peu de cette exagération commune à tous les panégyristes. Le Misantrope parut en 1666, c'est-à-dire, un an avant l'Andromaque de Racine; or, peut-on dire que Molière fut le meilleur écrivain de la nation, lorsque Racine écrivoit ces chefs-d'oeuvre qui ont fixé la langue, et sont aujourd'hui regardés comme les ouvrages les plus parfaits de notre théâtre?

dictoit ses beaux vers, devenoient tous les jours moins fréquentes.

Ce fut dans ce moment que l'envie qu'il réveilloit autant que l'admiration, lui chercha des torts, et le força même d'en avoir avec Boursault. Boursault, Cotin, Montfleury et l'hôtel de Rambouillet, cherchèrent à lui ravir l'honneur de ses plus belles scènes, en les attribuant à son ami Chapelle; artifice d'autant plus dangereux, que l'amitié même, en combattant ces bruits, craint quelquefois d'en triompher trop complètement.

Mais ce fut Molière lui-même qui se chargea de les faire tomber, et d'en faire rejaillir la honte sur ses ennemis. Au milieu de ces vaines intrigues, il songeoit à immoler les vices sur la scène, et s'élevant tout à coup au comble de son art et au-dessus de lui-même, il commença par démasquer le plus odieux; en donnant son Tartufe.

C'est là qu'il montre l'hypocrisie dans toute son horreur; la fausseté, la perfidie, la bassesse, l'ingratitude qui l'accompagnent; l'imbécillité, la crédulité ridicule de ceux qu'un tartufe a séduits; leur penchant à voir partout de l'impiété et du libertinage, leur insensibilité cruelle ; enfin l'oubli des noeuds les plus sacrés.

Ici le sublime est sans cesse à côté du plaisant. Femmes, enfans, domestiques, tout devient éloquent contre le monstre, et l'indignation qu'il excite n'étouffe jamais le comique. Quelle circonspection, quelle justesse dans la manière dont l'auteur sépare l'hypocrisie de la piété ! Quelle connoissance du cœur! quel choix dans l'assem

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