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qu'on les croit authentiques et légitimes, puisqu'on donne au défenseur de celui contre lequel ils sont produits, le loisir de les examiner. Cette communication est mème avantageuse pour les parties; quelquefois l'avocat y découvre des faits qu'on lui avoit dissimulés ; il n'emploie alors son éloquence que contre son propre client, il le dissuade de la poursuite d'un procès injuste.

La manière dont la communication des pièces se fait entre les avocats, est bien, ainsi que la qualifie un de nos anciens, un apanage d'incorruptibilité sublime; il n'est question ni de récépissé, ni d'inventaire des pièces communiquées. Les titres originaux les plus précieux sont remis sans formalités, parce qu'ils sont toujours rendus tels qu'ils ont été donnés, et à la première réquisition de l'avocat qui les a communiquées. Cet usage, établi depuis plusieurs siècles, et dont il n'est jamais advenu faute, pour me servir des expressions de Pasquier dans le dialogue des avocats, suffiroit pour attester les sentimens d'honneur qui font l'âme de leur profession.

Mais les fonctions de l'avocat ne sont pas seulement de parler ou d'écrire pour la défense des droits de l'honneur, ou même de la vie de ceux qui se sont adressés à lui; son ministère n'est pas moins important, lorsqued'une main prudente il trace la route qu'on doit suivre pour assurer des conventions justes; ou lorsque, par des réflexions adroitement amenées, il fait passer dans ses cliens l'esprit de paix qui l'anime. Quelles actions de grâces ne lui doit pas une famille où la guerre commen

çoit à naître, où le feu des divisions alloit embraser le patrimoine commun, fruit des travaux d'un père économe; lorsque, rappelée à des sentimens plus raisonnables par les sages conseils de l'avocat, elle voit ses membres s'embrasser et se jurer une amitié éternelle ! >>

(CAMUS. Lettres sur la Profession d'Avocat.)

CHAPITRE XVII.

PROGRÈS DE L'ÉLOQUENCE DU BARREAU PARMI

NOUS.

Ca furt

Efut vers les premières années de Louis XV qu'il se forma comme une génération de bons avocats, qui, en s'éloignant des routes battues, s'en frayèrent de nouvelles, et firent du langage du barreau celui de la raison, dégagée du pédantisme des déclamations scolastiques et de la rouille de la chicane.

C'est à ce titre que la renommée nous a transmis les noms des Reverseaux, des Degennes, et surtout d'un Lenormand et d'un Cochin. Nous savons qu'ils étoient de leur temps l'ornement et la lumière du barreau françois, et que la lecture de leurs mémoires est encore une des études de leurs successeurs. Ils y trouvent une excellente discussion, et une diction saine : Cochin, particulièrement, a le mérite le plus rare peut-être dans un avocat, celui d'aller toujours au fait et d'ètre précis et serré dans l'exposé de ses preuves, toutes rattachées à une première proposition de fait ou de principes qu'il conduit jusqu'à l'évidence.

Donnez-lui, ainsi qu'à Lenormand, des mouvemens,

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des tableaux et de l'imagination dans le style, ce seront des orateurs; mais ce ne sont encore que de bons avocats. Ce n'est pourtant pas la seule raison qui fait que leurs écrits ne sont guère lus que de ceux qui suivent la même route: telle est la nature du gouvernement monarchique et des mœurs qui en dépendent, que les modèles d'éloquence judiciaire, fussent-ils même au point d'atteindre ceux de la Grèce et de Rome, ne sortiroient guère de la classe des lecteurs qui s'occupent des mêmes études.

D'abord, il est constant que l'intérêt des causes privées, quelque bruit qu'elles fassent un moment, ne s'étend pas au-delà de la durée du procès; ensuite nous voyons qu'il n'y a qu'une classe de citoyens intéressés à l'éloquence du barreau; ceux qui le suivent par état.

Chez les Grecs et les Romains tous les états pouvoient également figurer dans les actions juridiques, d'où il arrivoit que la lecture des plaidoyers pouvoit être utile et familière à tout le monde. Quant à noùs, quel charme de talent ne faudroit-il pas pour nous faire lire des mémoires écrits il y a cinquante ans, lorsque personne ne şe souvient des causes qui en étoient le sujet.

Chez les anciens, les causes étoient souvent des événemens liés à la cause publique, et que dès lors on n'oublioit pas. Or, pour suppléer parmi nous à cet intérêt qui manque aux lecteurs, il faudroit les prendre au moins par celui de leur plaisir, et pour cela il faudroit une réunion fort rare, celle du talent de parler et de celui d'écrire. Ce sont deux choses différentes, et ce qui le

prouve, c'est que nous ne manquons pas d'avocats qui parlent bien, et il en est très-peu qui sachent écrire.

Si le talent d'écrire est le plus essentiel pour perpétuer la gloire et les ouvrages, le talent de parler est réellement le plus utile à l'avocat et à ses cliens. C'étoit aussi celui de presque tous ces hommes qui ont brillé dans le barreau, et c'est ce qui explique pourquoi leurs écrits nous paroissent au-dessous de leur célébrité, sans que pour cela nous soyons en droit de démentir le témoignage unanime de leurs contemporains.

L'habitude de tirer parti de tous leurs moyens extérieurs dans des plaidoyers qu'ils n'écrivoient même pas, le jeu de la figure et les effets de la voix, la véhémence ou la noblesse dans l'action, la présence d'esprit dans les repliques, le regard, le geste, tout cela est nul sur le papier, mais puissant à l'audience.

Il y a plus: tel homme ne peut s'animer que devant un auditoire, et devient froid la plume à la main. Tel fut M. Gerbier : il falloit que ses sens fussent émus pour qu'il trouvat lui-même de quoi émouvoir les autres. Il avoit besoin d'action et de spectacle, de l'appareil des tribunaux, de la présence de ses adversaires et de ses cliens, de l'aspect et de la voix du public assemblé. C'estalors qu'il étonnoit par ses ressources, qu'il avoit tour à tour de la chaleur et de la dignité, de l'imagination et du pathétique, du raisonnement et du mouvement; qu'avec quelques lignes tracées sur un papier, pour lui rappeler au besoin les points principaux, il se fioit d'ailleurs à l'éloquence du moment, qui ne le trompoit

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