صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

JE

CHAPITRE XVI.

QU'EST-CE QU'UN AVOCAT?

E ne vous dissimulerai pas, Monsieur, que lorsque j'entends M. le chancelier d'Aguesseau appeler l'ordre des avocats un ordre aussi ancien que la magistrature, aussi noble que la vertu, aussi nécessaire que la jus¬ ticé, mon amour propre est flatté de ce que je suis compté au nombre de ses membres..... Mais la meilleure manière, peut-être, de prouver combien une profession est recommandable, c'est d'énoncer les qualités qu'elle exige et les devoirs qu'elle impose.

il

L'élévation de ses qualités, la sublimité de ses devoirs, sont, à mon avis, la juste mesure de la considération qui lui est due. Pour que ma proposition soit exacte, faut que je commence par vous rendre compte, Monsieur, de l'idée que me présente le nom d'avocat.

L'état d'un homme qui ne se seroit livré à l'étude des lois que dans la basse espérance de multiplier ses richesses aux dépens des victimes infortunées de la chicane; l'état de celui qui n'auroit cultivé l'art oratoire que pour vendre à plus haut prix l'usage de talens souvent dangereux et perfides, sont, l'un et l'autre, deux états diamétralement opposés à celui d'avocat. L'exercice

de la profession d'avocat doit mener à l'honneur, non à la fortune; et dans l'ordre des idées que je me suis faites sur cette profession, un premier titre pour mériter, à celui qui l'embrasse, la considération des gens sensés, c'est de voir qu'il méprise les professions lucratives, la plupart moins pénibles et moins laborieuses, pour se dévouer à des fonctions qui ne promettent que de l'honneur à ceux qui les exercent avec le plus de succès.

Qu'est ce donc, Monsieur, que j'entends par un avocat? Un homme de bien capable de conseiller et de défendre ses concitoyens. Cicéron définissoit l'orateur, un homme de bien qui sait parler, vir probus dicendi peritus. J'ajoute au talent de parler, celui de conseiller. En même temps que l'avocat parle et écrit comme un orateur, je veux qu'il pense et raisonne comme un jurisconsulte; mais j'établis ma définition sur la même base sur laquelle Cicéron fonda la sienne : la qualité d'homme de bien en est toujours la première partie. L'importance des affaires, dont on dépose le secret entre les mains de l'avocat ; la confiance qu'il lui est nécessaire de mériter; la certitude qu'il doit inspirer, qu'en s'adressant à lui, on sera toujours fidèlement conseillé, jamais trompé, encore moins trahi, exigent qu'il joigne les qualités du coeur à celles de l'esprit. Une probité scrupuleuse, une décence soutenue, parce qu'elle n'est que la conséquence des principes profondément imprimés dans l'âme, sont ici des qualités essentielles.

C'est cet homme, tel que je viens de vous le décrire, qui paroît à mes yeux infiniment estimable. Il est beau

sans doute, de voir Démosthènes arracher le masque aux pensionnaires de Philippe ; échauffer les Athéniens et les animer à la défense de la patrie; se défendre, lui et son ami, des calomnies d'un méchant et d'un traître : Cicéron ouvrir sa carrière par la défense d'un innocent accusé dẹ parricide; dénoncer à la justice un gouverneur coupable d'avoir dépouillé des provinces confiées à sa vigilance et à ses soins; poursuivre, tantôt Catilina, tantôt MarcAntoine; mais, dans tout ceci, c'est l'orateur seulement que vous apercevrez. Voici ce qu'il faut y ajouter, pour rendre complète l'idée qu'on doit avoir d'un véritable

avocat.

Se sacrifier, soi et toutes ses facultés, au bien des autres; se dévouer à de longues études, pour fixer les doutes que le grand nombre de nos lois a multipliés; devenir orateur pour faire triompher l'innocence opprimée; regarder le bonheur de tendre une main secourable au pauvre comme une récompense préférable à la reconnoissance la plus expressive des grands et des riches; défendre ceux-ci par devoir, ceux-là par intérêt : tels sont les traits qui

caractérisent l'avocat.

Toutes les personnes qui s'adressent à lui, sont écoutées indistinctement; mais il ne défend pas les causes de tous sans distinction. Son cabinet est un tribunal privé; il y juge les causes avant de se charger de les défendre. Ce seroit faire un usage criminel de ses talens, que de les employer à pallier les injustices; en manquant à son devoir, on l'exposeroit à perdre sa réputation. Celui-là même qui entreprend de réussir par des voies crimi

nelles, sait quelle distance il y a entre lui et la probité; il méprise quiconque s'éloigne de la probité pour se rapprocher de l'injustice. Si l'avocat se trompe dans ce jugement particulier qu'il prononce sur les prétentions de son client, que son erreur ne soit pas une suite de l'éblouissement que cause aux yeux du vulgaire, l'éclat ou du nom ou du rang, ou des richesses. Qu'elle soit l'effet de la compassion qu'avoient excitée dans son cœur les larmes d'un malheureux, en s'annonçant comme opprimé, il faisoit oublier qu'il pouvoit être coupable.

L'examen des demandes du nouveau client lui est-il favorable? ses intérêts deviennent, dès ce moment, plus chers à son avocat qu'ils ne le sont à lui-même ; en lui déclarant que ce qu'il demande est conforme à la raison et aux lois, on s'est rendu en quelque manière garant du succès. D'ailleurs, la passion dominante de l'avocat étant l'amour de ce qui est juste, droit et honnête, comment pourroit-il ne pas réunir tous ses efforts pour faire triompher ce qu'il regarde comme juste, droit et honnête?

pas

Le zèle avec lequel l'avocat se livre à la défense d'une cause dont il s'est chargé, deviendroit bientôt stérile; son courage pour attaquer de front l'injustice, lorsqu'elle marche à découvert ; son adresse pour dévoiler des sions, qui, honteuses d'elles-mêmes, s'enveloppent des apparences de la vertu, seroient inutiles s'il n'avoit pas la liberté entière de parler. En Lorraine, une ordonnance expresse assure aux avocats, sous la protection du souverain, une liberté absolue d'employer leur ministère, soit en plaidant, soit en écrivant, soit en consultant contre

toute personne, de quelque rang, qualité, naissance ou dignité qu'elle soit. L'ordonnance ajoute que, si

aucune

partie puissante, ou autres, venoieut par ressentiment, à insulter un avocat, ou à commettre à son égard quelque voie de fait, il sera procédé extraordinairement contre les coupables, et il en sera fait une punition exemplaire, à la satisfaction de la partie offensée et du public. (Ordonnance de 1707, pour l'administration de la justice.) Nous n'avions pas besoin, en France, d'une ordonnance semblable; les magistrats devant lesquels nous défendons les intérêts des citoyens sont trop convaincus de la liberté qu'exige notre ministère, pour ne pas la maintenir, sans qu'une ordonnance le leur enjoigne. Lojsel rapporte quelques arrêts dont il avoit été témoin, et qui prononcèrent des peines sévères contre des parties puissantes, pour les punir d'avoir menacé de se venger de la liberté d'un défenseur généreux. Il a été rendu de nos jours des arrèts aussi favorables à notre liberté : dans les cas mêmes où il a paru qu'il y avoit lieu de se plaindre de quelques faits trop légèrement avancés par un avocat, sur le témoignage de sa partie, on a reçu la plainte contre cette partie; jamais on n'a permis de comprendre dans la plainte le nom ou la personne de l'avocat.

Comme c'est uniquement la vérité et la justice que les avocats cherchent à faire triompher, il s'est établi entre eux un usage constant de ne point plaider sans s'ètre communiqué toutes les pièces qui doivent appuyer leur défense. On ne combat que parce qu'on est assuré de la justice de la cause, et on n'emploie des titres que parce

« السابقةمتابعة »