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vent encore laiffer quelque chofe à defirer à certains égards, & je l'ai prouvé par des queftions meme dont la folution feroit illufoire de l'aveu des plus célebres Analyftes, fi on s'en tenoit aux regles ordinaires pour réfoudre ce genre de queftions.

La feconde branche eft l'extenfion qu'on a faite de l'analyfe des probabilités dans les jeux de hazard, à différentes questions relatives à la vie commune, comme celles qui ont rapport à la durée de la vie des hommes, au prix des rentes viageres, aux affurances maritimes, à l'inoculation (b), & autres objets femblables. Elles different des queftions fur les jeux de hazard, en ce que dans celles-ci, les regles des combinaifons mathématiques fuffifent (au moins prefque toujours) pour déterminer le nombre & le rapport des cas poffibles; au lieu que dans celles-là, l'expérience & l'obfervation feules peuvent nous inftruire du nombre de ces cas, & ne nous en instruisent qu'à peu près.

Néanmoins dans cette, feconde branche même de l'art de conjecturer, le calcul mathématique eft encore applicable; l'incertitude, s'il y en a, ne tombe que fur les faits qui fervent de principes; ces faits fuppofés, les conféquences font hors d'atteinte.

(b) Voyez dans ce volume les Réflexions fur l'inoculation..

Il n'en eft pas ainfi d'une troifieme branche de l'art de conjecturer, dans laquelle même confifte réellement cet art proprement dit; car les deux premieres branches n'y appartiennent que d'une maniere impropre, parce qu'elles ont pour base ou des principes certains, ou des faits qui le font à peu près, & une méthode füre de raifonner d'après ces principes & ces faits.

Cette troifieme branche a pour objet les fciences dans lesquelles il eft rare ou impoffible de parvenir à la démonftration, & dans lefquelles cependant l'art de conjecturer eft néceffaire.

Il faut diftinguer ces fciences en spécu latives & en pratiques. Les premieres peuvent fe réduire à la Phyfique & à l'Hiftoire, les autres à la Médecine, à la Jurifprudence & à la fcience du monde ; j'entends ici par la fcience du monde, l'art de fe conduire avec les hommes pour tirer de leur commerce le plus grand avantage poffible, fans s'écarter néanmoins des obligations que la morale impofe à leur égard.

Parcourons fucceffivement ces différen tes fciences, & voyous dans chacune en quoi confifte l'art de conjecturer, relativement à leurs différens objets.

En Physique l'art de conjecturer peut avoir pour but

ou de trouver la caufe

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des faits que l'expérience & l'obfervation nous découvrent, ou de nous conduire à la découverte de nouveaux faits qui ajoutent quelques degrés de perfection aux connoiffances que nous avons fur les phénomenes de la nature. C'eft en rempliffant ce dernier objet que l'art de conjecturer en Phyfique peut avoir l'utilité la plus réelle & la plus fenfible. On fera d'autant plus en état d'y parvenir, qu'on aura une connoiffance plus étendue des faits déja décou verts. En rapprochant les uns des autres ceux de ces faits qui ont entr'eux quelque chofe de commun, quelque analogie plus ou moins facile à appercevoir, on en vient à foupçonner les phénomenes qui pourroient réfulter de quelque combinaifon nouvelle; & la conjecture fe change en démonftration, quand l'expérience confirme ce qu'on avoit foupçonné.

Il femble que cet art de conjecturer dans la Physique devroit en étendre très-rapidement les bornes. La multitude des phénomenes connus, les rapports qu'ils ont entre eux, les nouvelles combinaisons qu'on peut faire pour généralifer ces rapports ou pour les reftreindre, tout cela paroîtroit devoir enrichir prodigieufement de jour en jour la maffe de nos connoiffances phyfiques. Mais foit négligence de la part des Philo

fophes, foit fatalité attachée au progrès des connoiffances humaines pour le ralentir, il s'eft écoulé des fiecles entre les découvertes qui fembloient avoir le plus d'analogie. L'art de frapper les monnoies & les mé dailles a été connu des anciens; ceux de la gravure & de l'imprimerie, qui paroiffent y toucher, ne le font que depuis trois cens ans. Toutes les hiftoires anciennes font pleines des phénomenes de l'électricité & de l'aurore boréale; ce n'eft que depuis peu que les Phyficiens ont donné une attention fuivie à ces phénomenes, regardés jufque-là comme des efpeces de prodi ges que racontoit la crédulité des hiftoriens. La direction de l'aimant vers le nord a été connue plus d'un fiecle avant qu'on fongeât à faire ufage de la bouffole. Les anciens fe fervoient de fpheres de verre remplies d'eau pour augmenter le feu & la lumiere, foit quand ils vouloient brûler certains corps, foit quand ils avoient à faire certains ouvrages qui demandoient que l'objet fur lequel ils travailloient fût bien éclai ré; ils s'étoient même apperçus (c) qu'une boule de verre pleine d'eau groffiffoit les objets; comment n'ont-ils pas fait plus d'ufage en Phyfique de ces fortes de microfcropes, formés d'une petite boule de verre

(c) Seneque, quest. nat. Ch. 6.

pleine d'eau, qui groffit affez considérablement les corps placés à fon foyer? Comment de plus ne leur eft-il pas venu en idée d'employer des verres lenticulaires au lieu de fpheres? Ces verres fi utiles pour aider la vue, n'ont pourtant commencé d'être en ufage qu'à la fin du treizieme fiecle. Mais (ce qui eft peut-être plus extraordinaire) comment s'eft-il écoulé trois fiecles entiers entre l'invention des lunettes fimples à un feul verre, & celle des lunettes à deux verres? il femble pourtant que cette nouvelle combinaifon étoit bien facile à imaginer, & qu'il étoit bien naturel d'effayer ce qui en réfulteroit, fans attendre que le hazard en fournit l'occafion. Combien d'autres exemples pourrions-nous apporter de la lenteur avec laquelle les décou vertes fe fuivent, lors même qu'elles femblent avoir entr'elles une connexion néceffaire?

L'analogie, c'eft à-dire la reffemblance plus ou moins grande des faits, le rapport plus ou moins fenfible qu'ils ont entr'eux, eft donc l'unique regle des Phyficiens, foit pour expliquer les faits connus, foit pour en découvrir de nouveaux. Mais en même tems, que de précautions ne doivent-ils pas apporter dans l'application de cette regle, fi fujette à les tromper, foit par des

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