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re l'idée fimple attachée au mot voir, quoiqu'elle renferme les deux idées de fenfation & d'existence, n'eft point formée de ces idées réunies; car d'un côté ces deux idées, même étant réunies, font plus générales que l'idée attachée au mot voir, & par conféquent ne compofent point cette derniere idée; & de l'autre la réunion de l'idée d'existence à celle de fenfation feroit illufoi re, puifque l'idée d'existence n'ajoute proprement rien à celle de fenfation; on ne peut fentir fans cxifter.

Il eft vifible par tout ce que nous venons de dire, qu'une idée abftraite, quoiqu'on en déduise une autre idée abftraite par la généralisation, n'eft pas plus compofée que l'idée plus abftraite qu'on en déduit; & par conféquent que ni les unes ni les autres peuvent ni ne doivent être définies. Mais il y a cette différence entre les idées ab ftraites fimples produites par la généralifa tion, & les idées abftraites qui fervent à les produire, que ces dernieres n'ont befoin ni qu'on les définiffe, ni qu'on en expli que la formation; au lieu qu'il eft fouvent néceffaire au Philofophe de développer la maniere dont certaines idées abftraites fimples fe forment par la généralifation d'au tres idées abftraites fimples; & ce développement devient plus néceffaire à mefu

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re que les idées qui en font l'objet font plus générales. Ainfil'idée attachée au mot voir n'a befoin ni qu'on la définiffe, puifque c'est une idée fimple, ni qu'on en explique la formation, puifque c'eft une idée directe & primitive que l'efprit acquiert tout d'un coup par les fens; mais la maniere dont nous formons les idées fimples de fenfation & d'existence, mérite l'analyfe du Philofophe.

Cette analyse nous fera connoître que le mot fenfation, pris abftractivement, n'exprime proprement aucune idée, mais que ce mot eft feulement une expreffion commune à toutes les idées que nous recevons par les fens. Ces idées n'ont rien de commun entre elles en tant qu'idées, (car qu'y a-t-il de commun, par exemple, entre voir & entendre?) mais feulement en tant qu'elles font occafionnées par l'impreffion que reçoivent certaines parties de notre corps.

Nous verrons enfuite que la notion abftraite d'existence fe forme d'abord en nous par le fentiment du moi qui résulte de nos fenfations & de nos penfées; que de là nous regardons ce fentiment du moi, comme pouvant fe féparer du fujet dans lequel il fe trouve, fans que ce fujet foit anéan ti; & que par ce moyen il nous reite l'idée abftraite d'existence, que nous appliquons enfuite aux êtres différens de nous,

qui nous paroiffent occafionner nos fenfas

tions.

Voilà un exemple abrégé de la maniere dont le Philofophe parvient à développer la formation de certaines idées abftraites générales, trop fimples pour être définies, mais trop abftraites pour être des notions directes & primitives.

Un des principaux ufages de ce déve loppement, eft de nous garantir de l'erreur où nous pourrions tomber en regar dant les objets des idées abftraites comme exiftans réellement hors de nous; erreur que n'ont pas évité des fectes entieres de Philofophes, qui ne faifant point attention à la génération des idées, fe font perfuadé que l'existence, par exemple, dans les objets animés, étoit différente de la fenfation; que de même il exiftoit hors de l'efprit quelque chofe qui étoit l'homme en géné ral, le corps en général, la vertu, le vice en général, & ainfi du refte; au lieu qu'il n'exifte réellement hors de nous que des êtres particuliers, qui poffedent ces propriétés que nous détachons par l'efprit du fujet où elles fe trouvent, en les confidé, rant féparément des autres propriétés aux, quelles elles font unies dans ce même fujet. Je dirai plus; cette méthode de fixer less

idées en développant leur formation, doit être fouvent préférée en Philofophie, à ce qu'on appelle définition proprement dite, même dans les cas où il s'agit de définir; il en résulte un plus grand jour répandu fur les idées mêmes. En effet l'efprit reçoit d'abord par les fens d'une maniere directe & immédiate les idées compofées, & en déduit enfuite, comme nous l'avons fait voir, les idées fimples, ou par la décompofition, ou par la généralisation. Ainfi, au lieu de définir les idées compofées, en réunissant à la fois dans une feule phrase, & fans aucune décompofition préalable, les idées fimples dont cette idée eft formée, il feroit ce me femble, plus conforme à la marche de l'efprit, de féparer par déduction les idées fimples des idées com pofées, & de faire fentir par-là comment les idées abftraites fe fimplifient en naisfant fucceffivement les unes des autres.

Au lieu de dire, par exemple, comme on fait à la tête de prefque tous les élémens de Géometrie, la ligne eft une étendue fans largeur ni profondeur, la furface une étendue fans profondeur, le corps une étendue avec largeur, longueur, & profondeur, j'aimerois mieux procéder de la maniere suivante. Je fuppofe que j'aye entre les mains un corps folide quelconque, j'y diftingue d'abord

trois chofes, étendue, bornes en tous sens, & impénétrabilité; je fais abftraction de cette derniere, il me refte l'idée d'étendue & celle de bornes, & cette idée conftitue le corps géométrique, qui differe du corps phyfique par l'idée de l'impénétrabilité, effentielle à celui-ci. Je fais enfuite abstraction de l'étendue ou de l'efpace que ce corps renferme, pour ne confidérer que fes bornes en tous fens; & ces bornes me donnent l'idée de furface, qui fe réduit, comme il eft vifible, à une étendue de deux dimenfions, enfin dans l'idée de furface je fais encore abstraction d'une des deux dimenfions qui la compofent, & il me refte l'idée de ligne. Voilà un léger effai de la manie. re dont il feroit à défirer qu'on procédât dans les définitions philofophiques.

De quelque maniere au refte qu'on s'y prenne pour définir, remarquons qu'une définition fera vicieufe, toutes les fois qu'on pourra en retrancher quelque chofe fans altérer l'idée que cette définition doit fervir à fixer. Ainfi dans la définition du corps,que donnent plufieurs Philofophes, que c'eft une étendue impénétrable, figurée, divifible & mobile, les mots divifible & mobile paroiffent devoir en être retranchés comme fuperflus; divifible, parce que l'idée attachée à ce mot eft abfolument renfer

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