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pique, adoptée par l'Assemblée, ne fût pas encore en usage.

Suivons un peu l'histoire de la guillotine. Comme toutes les découvertes nouvelles, il lui restait, avant de triompher de ses antagonistes, bien des difficultés à surmonter.

La guillotine, car le nom que lui avait donné dans sa chanson le pauvre Suleau, directeur du journal les Actes des Apôtres, lui resta; la guillotine, disonsnous, n'était pas précisément une invention de M. Guillotin; et si l'histoire du moyen âge eût été aussi présente à l'esprit des critiques de 4790 qu'elle l'est à ceux de 1850, M. Guillotin eût, certes, été accusé de plagiat.

Que voulez-vous? il est difficille à une imagination, si riche qu'elle soit, de ne pas emprunter quelque chose aux imaginations ses devancières; l'homme a toujours été jusqu'à la prodigalité riche d'inventions mortelles.

On retrouve quelque chose de pareil à la guillotine en Écosse, en Allemagne et surtout en Italie, où la mannaja se perd dans la nuit des temps.

Le maréchal de Montmorency lui-même, cet illustre rebelle, qui fut reconnu par les ennemis parce que, ayant renversé six de leurs rangs, il avait encore eu la force de tuer un homme au septième; le maréchal de Montmorency fut décapité à Toulouse à l'aide d'une machine qui, si nous en croyons Puységur, avait de grandes ressemblances avec l'invention du docteur Guillotin..

En ce pays-là, dit l'historien, on se sert d'une doloire qui est entre deux morceaux de bois; quand on a la tête posée sur le bloc, quelqu'un lâche la

corde, et cela descend et sépare la tête du corps. D'abord ce ne fut que le 3 juin 1791, c'est-à-dire dix-huit jours avant la fuite du roi, que la machine de M. Guillotin fut définitivement adoptée par l'Assemblée nationale.

Voici le texte du décret :

ART. 1er.

Les peines qui seront prononcées contre les accusés trouvés coupables par le jury sont :

La peine de mort;

La chaîne;

La reclusion dans une maison de force;
La gêne;

La détention;

La déportation;

La dégradation civique;

Le carcan.

ART. II.

La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés.

ART. III.

Tout condamné aura la tête tranchée.

Au moment où l'Assemblée avait décidé que tout condamné aurait la tête tranchée, le triomphe de la machine du docteur Guillotin était assuré.

Le 4, un décret de l'Assemblée retire au roi le droit de grâce.

Maintenant ce n'était pas tout: la peine de mort était votée.

Le condamné devait avoir la tête tranchée.

Cette tête tranchée devait l'être à l'aide de la machine du docteur Guillotin.

Restait à exécuter et à essayer la machine.

Si partisan qu'il fût de son invention, si confiant qu'il fût dans la douceur de ce genre de supplice, le philanthrope docteur ne pouvait essayer sa machine sur lui-même.

Et cependant il fallait que la machine fût essayée. Voici ce qu'il imagina :

Mais, pour assister au spectacle, il faut que nous introduisions nos lecteurs dans une des cours de Bicêtre.

Ce sera, s'ils le veulent bien, le 17 avril 1792 que nous les y conduirons.

Il est sept heures du matin. Une petite pluie tombe fine comme un crêpe, tandis que cinq ou six ouvriers charpentiers, sous la direction d'un maître, s'occupent à dresser dans cette cour une machine d'une forme inconnue et étrange.

C'était une plate-forme en bois, surmontée de deux poteaux de dix à douze pieds de hauteur.

Ces deux poteaux étaient ornés d'une rainure dans laquelle glissait, au moyen d'un ressort, qui, en s'ouvrant, lui donnait toute liberté de se précipiter avec la force de son propre poids, multiplié par un poids étranger, une espèce de couperet en forme de croissant.

Une petite ouverture était pratiquée entre ces deux poteaux; les deux battants de cette ouverture, à travers laquelle un homme pouvait passer sa tête, se

rejoignaient de façon à lui prendre le cou comme dans un collier.

Une bascule était établie de façon à se redresser tout à coup et à se présenter horizontalement à la hauteur de cette fenêtre.

En regardant aux ouvertures grillées pratiquées dans les quatre murailles qui formaient cette cour, on pouvait voir quelques têtes pâles et inquiètes, dont les regards plongeaient sur la machine qui allait s'élevant toujours.

C'étaient les têtes des prisonniers réveillés par les coups de marteau, on a le sommeil léger en prison, et ils regardaient quel événement inattendu allait se passer dans cette cour.

Quelques personnes entraient les unes après les autres, et malgré la pluie qui continuait de tomber, elles examinaient cette machine avec curiosité.

Ce fut d'abord le docteur Philippe Pinel, puis le célèbre Cabanis, dans les bras duquel Mirabeau venait de mourir il y avait quinze jours.

On demandait naturellement des explications au maître charpentier qui s'appelait Guidon, et qui, il faut le dire, s'empressait de donner ces explications avec une complaisance parfaite.

Et maître Guidon expliquait de son mieux les vertus de la machine, pour laquelle il paraissait avoir une prédilection toute particulière, et qu'il appelait, en riant, sa demoiselle, attendu, disait-il, qu'elle était vierge.

Dans un coin de la cour se tenait un autre groupe de quatre personnes.

Celles-là étaient vêtues fort simplement et portaient des cheveux non poudrés.

Le chef de ces quatre hommes était un homme de

cinquante à cinquante-cinq ans, dont la taille était haute, le sourire bienveillant, la physionomie ouverte. Cet homme s'appelait Charles-Louis Sanson; il était né le 15 février 4738, et exerçait depuis vingt ans, sous la direction de son père, les fonctions.de bourreau de Paris.

Les trois autres hommes étaient son fils et ses deux aides.

Cette présence de M. de Paris, comme on appelait alors l'exécuteur des hautes-œuvres du département de la Seine *, donnait une terrible éloquence à la machine en question, qui, dès lors, parlait toute seule.

Aussi, nous l'avons dit, le bourreau, son fils et ses deux valets formaient-ils un groupe à part, qui ne se mêlait point aux autres groupes.

Vers huit heures, deux hommes apparurent à la grille qui s'ouvrit devant eux.

D'un âge de 70 ans, pâle, souffrant de la maladie dont il devait mourir bientôt, était le docteur Louis, médecin par quartier du roi.

L'autre était l'inventeur de la fameuse machine, le. citoyen Joseph-Ignace Guillotin.

Tous deux s'approchèrent, Louis lentement, Guillotin avec cette vivacité qui faisait le côté remarquable de sa personne.

Ce dernier parut enchanté de la manière dont maltre Guidon avait traduit sa pensée; aussi lui demanda-t-il combien l'instrument pouvait coûter.

Foi d'homme, dit Guidon, dont c'était le serment habituel, je ne puis pas le livrer à moins de cinq mille cinq cents francs.

*La France était divisée en départements depuis le 16 février 1790.

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