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Vous vous trompez, monsieur, répondit le condamné, il me reste encore celle que je puise dans ma conscience.

Au reste, le temps qui devait s'écouler entre l'arrêt et son exécution était court. Il s'agissait pour messieurs du Châtelet de reconquérir leur popularité perdue, et puisque Favras était condamné, autant valait l'exécuter tout de suite.

D'ailleurs, le peuple n'était pas disposé à laisser passer la nuit sur le jugement, il savait trop ce qu'on peut faire pendant une nuit.

L'exécution fut donc annoncée pour le jour même. La nouvelle, il faut l'avouer, répandit une grande joie dans Paris. On eût dit d'un triomphe.

Il y avait dans les rues des gens qui demandaient des pourboires aux passants.

- A quel propos? répondaient les passants.

A propos de l'exécution de M. de Favras.

A trois heures de l'après-midi la potence était dressée, et le tombereau attendait le condamné à la porte du Châtelet.

Le marquis monta en chemise, tête et pieds nus. Il portait à la main un cierge de cire jaune et avait déjà au cou la corde avec laquelle il devait être pendu.

Le bourreau en tenait le bout.

Arrivé devant Notre-Dame, le patient descendit et se mit à genoux.

Comme il accomplissait le mouvement, l'église s'ouvrit à deux battants, et de la place on put voir le fond du maître-autel éclairé par une multitude de cierges.

Le greffier du Châtelet s'apprêtait à lire le juge

ment, mais Favras le lui prit des mains et le lut à haute voix.

Puis après avoir lu :

Prêt à paraître devant Dieu, dit-il d'une voix ferme, je pardonne aux hommes qui, contre leur conscience, m'ont accusé de projets criminels. J'aimais mon roi, je mourrai fidèle à ce sentiment, mais il n'y a jamais eu en moi ni moyen ni volonté d'employer des mesures violentes contre l'ordre nouvellement établi.

Je sais que le peuple demande ma mort à grands cris. Eh bien! puisqu'il lui faut une victime, je préfère que son choix tombe sur moi, que sur quelque innocent faible, peut-être, et que la présence d'un supplice, non mérité, jetterait dans le désespoir. Je vais donc expier des crimes que je n'ai pas commis.

Puis, s'étant incliné devant l'autel qu'il avait en perspective, il remonta d'un pas ferme dans le tombereau.

Arrivé sur la place de l'Hôtel de Ville, en face de l'instrument du supplice qui pouvait faire naître en lui de nouvelles idées, le condamné, d'habitude, était conduit dans une chambre pour y faire ses dernières déclarations.

Mais le marquis de Favras n'était pas de ces hommes à qui la crainte décèle le cœur. Sa déclaration, nous devrions dire son testament de mort, reçu par Jean-Nicolas Quatremère, conseiller du roi en son Châtelet de Paris, et qui fut imprimé quelques jours après, est un modèle de dignité.

Cette déclaration dictée, Favras prit la plume des mains du greffier et corrigea trois fautes d'orthographe faites par ce dernier.

Lorsqu'il reparut sur les marches de l'hôtel de ville, le peuple battit des mains, comme il avait fait à sa sortie du Châtelet, comme il avait fait devant Notre-Dame.

Cette joie du peuple ne parut ni l'irriter ni l'affliger, sa contenance était celle d'un homme parfaitement calme.

Cependant la nuit était survenue, et l'on avait distribué des lampions sur la place de Grève, on en avait mis jusque sur la potence, qui dessinait dans la nuit sa silhouette de feu.

Favras marcha d'un pas ferme vers l'échelle; au moment où il l'atteignit une voix cria :

Allons, saute, marquis.

Favras demeura insensible à la raillerie comme il était resté insensible à l'injure; au pied du gibet seulement, il éleva la voix en disant :

moi.

Citoyens! je meurs innocent; priez Dieu pour

Au second échelon, il s'arrêta, et d'un ton aussi ferme et aussi élevé que la première fois :

Citoyens! répéta-t-il, je vous demande le secours de vos prières, je meurs innocent. Enfin, arrivé au dernier échelon :

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Citoyens! redit-il une troisième fois, je suis innocent, priez Dieu pour moi!

Puis au bourreau :

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A peine Favras avait-il prononcé ces paroles que le bourreau le poussa et que son cadavre se balança dans le vide.

Le peuple cria: Bis!

Ainsi ce n'était point assez pour le peuple, tant

sa haine contre l'aristocratie était grande, qu'un aristocrate innocent fût pendu une fois.

L'exécution faite, le cadavre fut livré aux sieurs Mahi, baron de Connere, et Mahi de Chitenay, ses frères. Mais il fallut soutenir une lutte terrible. Le peuple voulait traîner par les rues ce cadavre, comme il avait traîné ceux de Flesselles et de Launay.

On se hâta de l'inhumer dans l'église de SaintJean-en-Grève, tandis qu'à la porte de l'église, la garde nationale contenait le peuple.

Une phrase du Mémoire de Favras est restée, accusation terrible contre Monsieur.

Voici cette phrase :

« Une main invisible, je n'en doute pas, se joint à mes accusateurs pour me poursuivre; mais qu'importe! celui qu'on m'a nommé, mon œil le suit partout il est mon accusateur et je ne m'attends pas à un remords de sa part. Un Dieu vengeur prendra ma défense, je l'espère du moins, car jamais, non jamais, des crimes comme les siens ne sont restés impunis. >>

La marquise de Favras, enfermée dans les prisons de l'Abbaye, y demeura jusqu'après l'exécution de son mari, quoiqu'il ne fût présenté aucune charge contre elle.

Nous avons souligné le mot pendu.

En effet, c'était une grande nouveauté que la pendaison d'un noble; c'était l'application du décret de l'Assemblée nationale, en date du 21 janvier 1790, qui proclamait l'égalité dans le supplice.

Cette séance de l'Assemblée fut assez curieuse pour que nous lui consacrions quelques lignes.

---

Séance du 21 janvier 1790.

SOMMAIRE.
Robespierre.

Le docteur Guillotin.

Le rire de l'Assemblée.

pourri.

-

Sa machine.

- La chanson. ·

Duport et

Le pot

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Histoire de la guillotine. Ancienneté de la

machine. · Le maréchal de Montmorency. Décret

du 3 juin 1791. - Peines.

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Triomphe de Guillotin. Retrait du droit de grâce. La matinée du 17 avril

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Sanson. Le docteur Louis. Le citoyen

Les trois cadavres.

Le premier guillotiné.

On applaudit l'io

Discussion sur la peine de Mort.

Louis XVI corrige

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Guillotin. La Guillotine.

Séance du 21 janvier 1790.

« Après les dons patriotiques et la lecture des adresses, parmi lesquelles on a remarqué celle des citoyens patriotes de la ville de Grenoble, on a entendu le rapport relatif aux acquits à caution sur lesquels l'Assemblée a déclaré n'y avoir lieu à délibérer.

>> Puis on a repris la motion de M, Guillotin sur les peines, et l'on a décrété les articles suivants :

» Les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l'état des coupables.

1

» Les délits et les crimes étant personnels, le süp

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