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d'avoir été trop royaliste pour les uns et pas assez pour les autres.

Un instant il fut près d'écouter une proposition de Mirabeau.

Mirabeau avait perdu son patron. Le duc d'Orléans était parti pour Londres; il allait en ambassade. Lisez en exil.

Mirabeau se tourna du côté de la cour.

Voulez-vous renverser Necker et gouverner à nous deux? écrivait-il à Lafayette.

Malheureusement pour le roi, Lafayette méprisait

Mirabeau.

Il refusa.

Qui sait ce qu'eussent fait le génie et la popularité réunis?

Nous disions que la mort du boulanger François avait eu le privilége d'occuper Paris pendant près de huit jours.

Nous nous trompions. Un paysan, arrivé du Jura, vint faire diversion à cette sanglante affaire.

C'était un serf main-mortable du Jura. Il avait cent vingt ans. Il était né en 1668, pendant la jeunesse de Louis XIV: il était amené par ses enfants, et venait remercier l'Assemblée de son décret du 4 août.

On se rappelle cette nuit où chacun brûla ses titres de noblesse et renonça à ses droits féodaux.

Ce vieillard était probablement le doyen de l'humanité. Il venait en députation au nom de l'humanité.

L'Assemblée tout entière se leva devant ce vieillard, le fit asseoir et couvrir. Il avait été serf, un demi-siècle sous Louis XIV, un autre demi-siècle Sous Louis XV, vingt ans sous Louis XVI. Il l'était

encore, car le servage ne fut aboli de fait qu'en mars 1790.

Il mourut deux mois après sa présentation à l'Assemblée, le pauvre vieillard. Il mourut donc serf comme il avait vécu.

Mais en mourant il avait vu la lumière, et de sa main glacée il avait touché la liberté.

Il se nommait Jean Jacob.

C'était le 23 octobre que cet hommage était rendu par la vieillesse à l'Assemblée et par l'Assemblée à la vieillesse. Un de ses membres, M. de Castellane, demanda, puisque la Bastille était détruite, que l'on visitât les trente-cinq prisons de Paris, et surtout les cachots ecclésiastiques, les plus profonds de tous les cachots.

Le 25, une religieuse écrivit, priant l'Assemblée de statuer sur les vœux ecclésiastiques.

L'Assemblée tressaillit presque de crainte. Ne touchait-on point là quelque marbre sacré, quelque arche sainte?

L'Assemblée suspendit l'émission des vœux, mais n'osa les rompre.

Comme Hercule, enfant, elle s'essayait à étouffer des serpents, sans savoir encore qu'elle était de force à étouffer des lions.

Puis vinrent les réclamations des juifs, des comédiens et des protestants.

Les juifs étaient encore souffletés annuellement à Toulouse, et quand on pendait un juif, il en coûtait la vie à deux chiens, qu'on pendait en même temps que lui, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche.

Ils venaient demander s'ils étaient hommes.

Après eux les comédiens, les comédiens excom

muniés, privés de droits civils, enterrés sans cierges ni prêtres.

Ils venaient demander au nom des deux grands esprits de l'Angleterre et de la France, ils venaient demander au nom de Shakespaere et de Molière, s'ils étaient citoyens.

L'Assemblée n'osa leur répondre.

A propos des protestants, elle rendit aux non catholiques l'accès des emplois civils.

Les protestants rentrèrent après plus d'un siècle d'exil.

Rabaud-Saint-Étienne, fils du vieux docteur des Cévennes, de ce martyr de la foi, qui passa cinquante ans à errer proscrit dans les bois sans autre toit que la pierre des cavernes, ou les feuilles des arbres, rentra lors de ce rappel.

Élu membre de l'Assemblée nationale, puis élu président de cette même Assemblée, il écrivit à son père, octogénaire :

<< Mon père, le président de l'Assemblée nationale est à vos pieds. »

Ainsi tout reprenait sa place ou allait la reprendre, ainsi les injustices s'effaçaient peu à peu, ainsi l'aube du dix-neuvième siècle commençait à luire.

Cependant, trébuchant à ses premiers pas qu'elle faisait dans le crépuscule, de temps en temps l'Assemblée tombait dans quelque grave erreur.

Ainsi elle fixe des conditions à l'électorat et à l'éligibilité. Elle décrète que pour voter aux assemblées primaires et de canton il faudra être âgé de 25 ans accomplis, domicilié dans le canton au moins depuis un an, payer une contribution directe de la valeur de trois journées de travail, n'être pas en état de do

mesticité et être inscrit au rôle de la garde nationale. Ceux qui réuniront toutes ces conditions seront appelés citoyens actifs.

Ceux qui ne les réuniront pas, seront appelés citoyens passifs.

Ce n'est pas tout.

Pour être éligible, il faut d'autres conditions encore que pour être électeur.

Pour être éligible aux assemblées électorales et aux administrations du département et du district, il faut payer une contribution directe de la valeur de dix journées de travail.

Pour être éligible à l'Assemblée nationale, il faut payer un marc d'argent, et de plus être propriétaire foncier.

C'était encore de la réaction.

A l'Assemblée nationale, Robespierre et Grégoire soutinrent avec chaleur la cause du peuple.

« Les hommes et non la propriété sont l'objet de la Représentation nationale, dit Robespierre, il ne faut pas considérer les biens mais les qualités personnelles, la confiance du peuple doit être le seul, le véritable titre à consulter.>>

» Substituez la confiance au marc d'argent! s'écria Prieur de La Marne.

Et comme le clergé avait appuyé la loi, Camille Desmoulins s'écrie:

« O prêtres misérables, ô bonzes, fourbes et stupides, ne voyez-vous pas que votre Dieu n'était pas éligible, et que vous venez de reléguer Jésus-Christ parmi la canaille. »>

Le marc d'argent fut attaqué non-seulement par les journalistes, mais par des caricatures et des chan

sons. On fit le portrait du futur député, dont un marc d'argent remplaçait la tête, et au-dessous l'on écrivit les deux vers de Boileau :

Et souvent tel y vient qui sait pour tout secret
Cinq et quatre font neuf, ôtez deux, reste sept.

Une autre caricature intitulée la Romaine Aristocratique, portait cette légende ou plutôt se carrait au-dessus de ce quatrain :

Le marc d'argent préside en France:
Esprit, talents! dons superflus,
Au diable vertus sans finances,

Beaucoup d'appelés, peu d'élus.

Le 3 novembre, l'Assemblée, pour se repopulariser, décrète que les biens du clergé sont mis à la disposition de la nation. Ce qu'il y a de curieux, c'est que, dès le 10 octobre, la question est posée par l'évêque d'Autun, qui, ainsi que le dit Michelet, se hasarde sur ce terrain glissant et rompt la glace d'un pied boiteux en disant que le clergé n'était pas propriétaire comme les autres propriétaires.

Il est assez curieux que le décret, qui dépouille le clergé de ses biens, soit daté de l'archevêché.

Le même jour l'Assemblée nationale décide que, jusqu'à l'époque où elle règlera définitivement l'organisation du pouvoir judiciaire, les parlements resteront en vacance.

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Et voilà les parlements suspendus. Nous les avons enterrés tout vifs, dit Lameth en sortant de la séance.

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