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moitié chemin de fait, il ne s'agissait plus que de venir en aide au poison. Il y songea sérieusement.

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de soleil.

Mirabeau et Cabanis.

M. Frochot.-Sur Pitt.-Lamark.-Theiss.- Le rayon Le dernier entretien. Huit heures et demie du soir. - Mot de Robespierre. Aux grands hommes la patrie reconnaissante. - Mirabeau jugé par ses contemporains.

Mirabeau avait deux passions : les femmes et les fleurs.

Le 15 mars, il passa, au milieu des femmes et des fleurs, une nuit de débauche, une de ces nuits de jeune homme, défendues aux hommes de l'âge de Mirabeau, une de ces nuits qui brisent les santés les plus robustes et qui doublent les maladies.

Or Mirabeau avait déjà, en 1788, été atteint d'une terrible maladie, il l'appelle lui-même un choléra-morbus; on tira au malade plus vingt-deux palettes de sang en l'espace de deux jours.

En 1789, sa santé souffrit encore, à l'ouverture de l'Assemblée; il était atteint d'un ictère qui disparut, mais que suivirent plusieurs indispositions toujours négligées.

Souvent on le vit siéger avec un bandeau sur les yeux il était affligé de tenaces ophthalmies. Voyez-vous cet aveugle qui veut mener le monde, disaient ses ennemis.

En outre, ses entrailles s'étaient affaiblies, il y éprouvait des douleurs sourdes; tout à coup ses jambes s'engorgeaient, les bras et la poitrine étaient attaqués d'un rhumatisme vague, il était devenu sur tous les points d'une irritabilité exagérée; ses muscles, dit Cabanis, étaient ceux d'un Hercule, les nerfs, ceux d'une femme.

Il y avait encore chez lui un simptôme étrange: ses cheveux frisés, presque crépus, en état de bonne santé, tombaient en état de maladie; alors toute ondulation cessait de la racine à la pointe. Lorsque Cabanis venait voir Mirabeau, la première question de Cabanis au valet de chambre, n'était point Comment va Mirabeau? mais: Comment vont ses cheveux?

Il avait toujours eu le pressentiment d'une vie courte. — « J'ai déjà franchi plus de la moitié de ma carrière, » écrivait-il de Vincennes à Sophie.

En même temps que son corps dépérissait, son âme prenait l'empreinte de cette souffrante mélancolie qui affecte les forts lorsqu'ils se sentent faiblir, il demandait des épitaphes à tous ses amis. C'est la mort qui embrasse le printemps, disaitil un jour, en embrassant la troisième fille de madame du Saillant.

Le 27 mars, étant à sa maison d'Argenteuil, il fut saisi de coliques, de sueurs froides, d'angoisses que redoubla l'éloignement de tout secours.

Le 28, la mort sur le visage, il rentra dans l'Assemblée; tout le monde découvrit sur ses traits ce coup de griffe du tigre, qui marque d'avance l'homme pour le tombeau.

On s'occupait de mines, et dans cette question de

mines qu'il avait déjà défendue le 21 mars, il parla, ou plutôt chargea cinq fois.

La dernière charge décida de la victoire, mais il tomba sur le champ de bataille.

En sortant de l'Assemblée, il rencontra sur la terrasse des Feuillants un jeune médecin, ami de Cabanis, et qui se nommait Lachèze,

En apercevant Mirabeau, il alla à lui, et voyant le ravage qu'une nuit de douleur et une journée de lutte avaient produit sur son visage:

· Vous vous tuez, dit-il.

Eh, mon cher, répondit Mirabeau, me tuer tous les jours un peu, c'est ma vie; d'ailleurs, pouvais-je faire moins dans cette cause qui est celle de la justice et de l'amitié.

En effet, son ami le comte de Lamark, celui qui avait servi d'intermédiaire entre Mirabeau et la royauté, le comte de Lamark avait de grands intérêts dans les mines d'Anzin.

La foule s'amassa autour de Mirabeau; c'était ce qui arrivait toujours lorsqu'il paraissait en public, les uns lui présentaient des mémoires, les autres lui demandaient quelques minutes d'entretien.

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Arrachez-moi d'ici, dit-il à Lachèze, et si vous n'avez pas d'engagement, venez passer la journée avec moi à Argenteuil.

Mirabeau passa à Argenteuil le reste du dimanche, et la matinée du lundi, son état paraissant empirer, il revint à Paris, se croisant sur la route avec Caba

nis.

Un bain qu'il prit en arrivant à son hôtel de la Chaussée-d'Antin, qu'il venait d'acheter de Talma, apporta quelque soulagement dans toute cette maLE DRAME, T. 1.

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chine fatiguée; alors il lui fallut aussitôt sortir, il alla passer la soirée à la Comédie Italienne.

Là, les angoisses et les douleurs redoublèrent : il descendit appuyé au bras de Lachèze, mais son cocher prévenu pour dix heures seulement n'était pas à la sortie.

Il lui fallut se traîner à pied jusque chez lui.

A chaque pas il s'arrêtait; la respiration était courte, haletante, on craignait la suffocation.

On prévint Cabanis, il accourut aussitôt et trouva le malade prêt à étouffer, le visage gonflé par la stagnation du sang dans les poumons.

Mirabeau sentait parfaitement son état.

Mon ami, dit-il à Cabanis, hâtez-vous. Je sens qu'il me serait impossible de vivre plusieurs heures dans une pareille anxiété.

A la suite d'un traitement énergique, un mieux sensible se manifesta; mais dans la matinée du 30 les symptômes reparurent avec plus de violence et, sauf quelques légers retours vers un bien qui ne se soutenait pas, le conduisirent à la mort.

Le 29 mars, on avait su dans Paris que Mirabeau était malade.

Le 30, on sut que la maladie était mortelle.

Le 3 avril, on sut qu'il était mort.

Du moment où l'on sut que Mirabeau courait un danger réel, la foule entoura sa maison.

A chaque fois que la porte s'ouvrait, la foule interrogeait; trois bulletins distribués par jour étaient d'abord lus à haute voix à la porte de Mirabeau, puis, copiés au crayon, couraient tout Paris, colportés par des messagers volontaires.

Lui cependant, de ce lit d'agonie où le clouait la

douleur, souriait à cette démonstration; il avait cru à sa dépopularité, qu'on nous permette de faire le mot, 'parce qu'il sentait l'avoir méritée; que sa popu→ larité ait survécu à sa liaison avec la cour, c'était un triomphe.

Cabanis s'épuisait en combinaisons médicales, et Mirabeau le regardait faire comme un homme qui étudie l'impuissance du génie en face de la mort.

Tu es un grand médecin, lui dit-il, mais il est plus grand médecinque toi, l'auteur du vent qui renverse tout, de l'eau qui pénètre tout et féconde tout, du feu qui vivifie et qui décompose tout.

Ses amis étaient autour de lui; il demanda à M. Frochot de lui soulever la tête.

Je voudrais te la laisser en héritage, dit-il, au moment où il lui rendait ce service.

Les affaires publiques le poursuivaient sans cesse; comme Charlemagne pleurait en prophétisant les Normands, Mirabeau gémissait en devinant l'Angleterre.

Le Pitt, disait-il, c'est le ministre des préparatifs, il gouverne avec ce dont il menace, plutôt qu'avec ce qu'il fait. Oh! si j'eusse vécu, je crois que je lui aurais donné du chagrin.

Pendant l'après-midi du 1a avril, il songea à faire son testament.

J'ai beaucoup de dettes, dit-il, tant de dettes que je n'en connais pas la moitié; cependant, ajoutat-il, j'ai quelques obligations impérieuses à ma conscience ou chères à mon cœur.

M. Frochot, à qui il disait ces paroles, les reportait dix minutes après au comte de Lamark qui était arrivé sur ces entrefaites.

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