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Maintenant, quels furent les instigateurs de l'événement qui fit passer cette loi; c'est ce qu'il est impossible d'affirmer, et c'est ce qu'il faut laisser décider au lecteur en lui mettant sous les yeux cependant cet axiome de droit :

<«< Il faut imputer le crime à celui qui a intérêt au crime. »

En tout cas, voici le fait :

Le 21 octobre, au matin, un boulanger nommé Denis-François, âgé de vingt-huit ans, marié depuis quinze mois, demeurant rue du Marché-Palu, district de Notre-Dame, avait déjà délivré six fournées de pain et commençait à cuire la septième, lorsqu'une femme qui n'avait pu en avoir encore demande à visiter la boutique pour voir s'il n'a pas de pain caché.

François, qui n'a rien à craindre, la fait entrer et l'invite à faire des recherches. Malheureusement dans une armoire elle trouva trois pains rassis de quatre livres chacun, que les garçons avaient conservés pour

eux.

Elle en prend un, sort dans la rue, et ameute le peuple, en disant que le malheureux a caché une partie de sa fournée.

Aussitôt le peuple force la faible garde que la police avait mise à la porte de François, comme à celle des autres boulangers.

Et outre les trois autres pains rassis, il trouve dix douzaines de petits pains frais, réservés pour messieurs de l'Assemblée nationale qui, siégeant à l'archevêché, ne sont qu'à quelques pas de la rue du Marché-Palu.

Aussitôt s'élève une voix qui crie :

<< Le boulanger à la lanterne. >>

C'était un cri terrible et qui commençait à retentir dans les rues de Paris.

Le malheureux boulanger comprend le danger qu'il court; il demande à être conduit à son district: on ne l'écoute pas; on veut l'entraîner à la Grève; les officiers du district accourent, et il est conduit au Comité de police.

François était fort aimé et fort estimé dans son quartier. Aussi ses voisins le suivent; et, appelés en témoignage, constatent qu'il a donné depuis le commencement de la révolution les plus grandes preuves de zèle, qu'il a fait habituellement dix fournées par jour; que, lorsqu'ils en manquaient, il a souvent cédé de la farine à ses confrères; que la veille encore, par exemple, il a cédé trois sacs aux sieurs Patrigeon et Merrelier; enfin, que pour servic pius prompte→ ment le public, outre son four, il loue le four d'un pâtissier, où il fail sécher son bois. Cet homme méritait une récompense.

On continue à demander sa tête.

Trois citoyens se jettent entre lui et les forcenés qui le menacent.

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Disons leurs noms. C'est toujours bon d'écrire le nom de trois honnêtes gens. C'étaient: MM. Garran de Coulon, Guillot de Blancheville, et Dameune fils.

Mais ils ont beau répéter à haute voix les témoignages qu'ils ont entendus, les clameurs mortelles parlent plus haut qu'eux; le boulanger est pris au milieu des gardes nationaux, tiré de leurs mains, malgré les efforts qu'ils font pour le défendre. A peine est-il aux mains de ses ennemis qu'il est mort, et qu'en deux secondes sa tête, séparée du corps, s'élève au bout d'une pique.

Rien n'était plus facile que d'empêcher ces hommes de commettre le crime; rien n'était plus facile que d'arrêter l'assassin qui portait cette tête et les quelques misérables qui lui faisaient escorte. Mais on s'en garde. Paris a besoin d'être épouvanté pour recevoir la loi martiale comme un bienfait. Les assassins peuvent donc en toute liberté s'amuser à renouveler les sanglantes facéties du retour de Versailles.

Un boulanger passe. On lui prend son bonnet, dont on coiffe la tête du malheureux François.

Sa femme, grosse de trois mois, apprenant à son retour à la maison que son mari a été conduit à l'hôtel de ville, s'empresse de courir à son secours.

Sur le pont Notre-Dame elle rencontre quelques amis qui font ce qu'ils peuvent pour l'empêcher d'aller plus loin. Elle insiste; elle se débat. Une troupe hurlante apparaît à l'extrémité du pont. Elle porte pour étendard une tête sanglante: elle reconnaît celle de son mari.

On l'emporte évanouie.

Quant à son enfant, il est mort.

Aussitôt la Commune envoie une députation à l'Assemblée nationale pour que la loi martiale soit votée d'urgence.

Faucaut veut qu'elle soit votée dans la même journée.

Barnave appuie Foucaut.

Mirabeau, qui l'avait proposée, revient à la charge, et démontre l'urgence de sa loi.

Buzot la repousse.

Robespierre fait contre elle une de ses plus logiques improvisations.

Une nouvelle députation de la Commune, encore plus pressante que la première, arrive pendant la discussion. La loi est décrétée le même jour, sanctionnée le soir par le roi, et proclamée le lendemain.

Il faut le dire, au reste, la première application de cette loi fut faite contre les assassins de la veille. Deux furent pendus en Grève le jour même de sa promulgation, et un troisième, ancien recruteur de dragons nommé Fleur d'Épine, fut dégradé et conduit au Châtelet pour y être jugé.

C'était lui qui avait coupé la tête du malheureux François.

Cette aventure fut pendant huit jours la nouvelle de la cour et de la ville. Chacun s'intéressa à la veuve du malheureux boulanger, qui laissait une jeune femme veuve et un enfant au berceau.

La reine fit passer à cette infortunée, de moitié avec le roi, six billets de mille francs; la municipalité lui envoya une députation pour lui apprendre qu'elle et son fils étaient sous la sauvegarde de la Commune, et qu'il serait pourvu à tous leurs besoins. Cependant on proclamait la loi Martiale.

Elle disait :

<< Lorsque la tranquillité publique sera en péril, les officiers municipaux seront tenus de déclarer que la force militaire va être déployée pour rétablir l'ordre.

» Cette déclaration se fera en arborant un drapeau rouge dans les rues, et, à partir de ce moment, tout attroupement sera criminel; faute par les personnes attroupées de se retirer, il leur sera fait par les officiers municipaux trois sommations en ces termes : >> On va faire feu, que les bons citoyens se retirent.

D

Après la troisième sommation, la force sera déployée sans que personne soit responsable de ce qui pourra en résulter.

» Après le feu, toutes les personnes attroupées seront punies d'emprisonnement, et celles qui auront commis quelque violence seront punies de mort. »

Deux journalistes seulement protestèrent contre cette loi. Loustalot dans les Révolutions de Paris, et Marat dans l'Ami du Peuple.

En même temps qu'elle décrétait la loi martiale, l'Assemblée nationale renvoyait les crimes de lèsenation au tribunal royal du Châtelet.

Nous allons voir tout à l'heure comment ce tribunal devait s'acquitter de sa mission.

Buzot et Robespierre le savaient d'avance: aussi demandaient-ils qu'on créât une haute cour nationale.

Mirabeau, qui s'enhardissait dans son royalisme, alla jusqu'à dire que toutes ces mesures étaient impuissantes, et qu'il fallait rendre sa force au Pouvoir exécutif.

Qu'on jette les yeux sur les quinze jours qui viennent de s'écouler, et qu'on voie le chemin que le roi a fait du 6 au 21 octobre.

Il est vrai que la conquête n'est que factice. Toutes les fois qu'un peuple recule, c'est qu'il prend son élan.

C'est que la peur

du 6 octobre avait fait une foule de royalistes ardents, de ceux qui n'étaient que royalistes modérés.

Cent cinquante députés prirent des passe-ports. Lally et Monnier se sauvèrent.

Lafayette s'en prit à Marat. Lafayette était furieux

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