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Sur ces entrefaites, un des trois régiments qui se trouvaient à Nancy, le régiment du Roi, les deux autres étaient Mestre-de-camp et Châteauvieux, ce dernier suisse; - sur ces entrefaites, disons-nous, le régiment du Roi demanda ses comptes à ses officiers.

Les officiers rendirent les comptes, et payèrent : chaque homme eut soixante et treize livres quatre sous.

L'eau en vint à la bouche de Châteauvieux, qui avait des comptes très-embrouillés; le pauvre régiment suisse se crut français, et, fils d'une république, il crut qu'il pouvait prendre exemple sur les fils de la monarchie.

Il envoya deux députés pour apprendre du régiment du Roi comment ils s'y était pris pour se faire rendre ses comptes.

Les deux envoyés remplirent leur mission, reçurent les renseignements et les transmirent à leurs camarades.

Les officiers apprirent la démarche, et, en pleine parade, firent sortir des rangs les deux soldats et les firent passer par les courroies.

Les officiers français avaient été invités à la fête et battirent des mains.

Mais il n'en fut pas de même des soldats, ils comprirent qu'ils venaient de recevoir le fouet sur le dos des Suisses.

Il y avait, d'ailleurs, un vieux motif de sympathie entre ce régiment et les nôtres : c'était Châteauvieux qui tenait le Champ de Mars, lorsque, le 14 juillet de l'année précédente, les Parisiens avaient été prendre les fusils des Invalides; sommé de tirer sur le peuple, il avait refusé.

Que serait-il arrivé si, au lieu de refuser, il eût obéi?

Puis il faut encore remarquer une chose : Châteauvieux était recruté, non pas dans les cantons allemands, mais dans la Suisse française, à Vaud, à Lausanne, à Genève; c'était notre France en Suisse; la France qui nous a donné Calvin et Rousseau.

C'étaient donc deux Français que l'on venait de fouetter publiquement.

Cette sévérité révolta tout le monde; les officiers furent insultés pour avoir commandé cette exécution; les soldats furent hués pour l'avoir laissé faire.

Mestre-de-camp et le régiment du Roi envoyèrent une députation aux casernes de Châteauvieux.

Cette députation fait émeute; les soldats se soulèvent; les portes de la prison sont forcées, les deux Suisses sont tirés de leurs cachots; on les promène en triomphe par la ville; on donne à l'un asile dans les rangs du régiment du Roi; à l'autre, dans ceux de Mestre-de-camp : l'insubordination monte sans cesse; un souffle sur la flamme qui fait bouillir cette colère, et elle débordera.

Le 6 août, l'Assemblée nationale, apprenant à la fois et la justesse des plaintes des soldats, et la pénurie des caisses, avait fait un règlement provisoire; dans ce règlement, elle cherchait à concilier ce qu'elle devait aux soldats, hommes et citoyens, tout soldats qu'ils étaient, avec la discipline militaire et la sûreté de l'État; elle ordonnait le maintien de l'ancien régime jusqu'à la promulgation du nouveau, dont elle promettait de s'occuper avec activité; elle cassait tous les comités de soldats, incompatibles avec la subordination due par des inférieurs; elle introduisait

une forme de comptes propre à rassurer les soldats, sur leurs droits; elle assujettissait les cartouches jaunes, c'està-dire les congés infamants, à un règlement qui ne laissait plus rien au caprice ni à l'arbitraire; enfin, elle ôtait à toutes celles qui avaient été distribuées depuis le 1er mai 1789 le caractère flétrissant qu'elles imprimaient à leurs por

teurs.

Les officiers décidèrent que ce décret serait lu, le 12, aux deux régiments, dans leurs quartiers.

Malgré cet ordre du jour, le régiment du Roi se met sous les armes, ouvre les portes des casernes, et, tambours en tête, se rend sur la place Royale, où les deux autres régiments viennent le joindre au bout de dix minutes.

Les deux Suisses punis du fouet étaient dans les rangs, l'un, comme nous l'avons dit, dans ceux du régiment du Roi, l'autre dans ceux de Mestre-de-camp.

Qui avait amené cette infraction nouvelle aux ordres des officiers?

Une lettre de M. de Noue, commandant de la place, écrite à M. de Balivière, colonel du régiment du Roi, et tombée entre les mains des soldats.

M. de Noue disait dans cette lettre que l'Assemblée prenait des mesures pour réprimer les brigandages des troupes.

Les soldats se sont mis sous les armes pour demander une réparation.

Le commandant comprend qu'il y va de sa tête, se réfugie à la municipalité et se met sous sa sauvegarde.

Cependant, après quelques pourparlers, les soldats dé

clarent que le commandant sera respecté, mais qu'ils exigent de lui des explications sur sa lettre.

Sur cette promesse, il descend avec les administrateurs du département et les municipaux en écharpe.

Alors, un soldat sort des rangs,-on l'appelait Pommier, - et lit à haute voix la lettre de M. de Noue.

M. de Noue dit qu'il a servi comme lieutenant dans le régiment du Roi, qu'il a toujours été on ne peut plus satisfait de ce régiment et qu'il est impossible qu'on lui suppose l'intention d'avoir voulu lui appliquer l'expression de brigands: au contraire, il a toujours regardé et regardera toujours les soldats du régiment du Roi comme des militaires pleins d'honneur.

Malheureusement, il en était de cette explication comme de celles qui se donnent sur le terrain, lorsque l'un des adversaires lâche pied; elles ne catisfont ni celui qui les donne, ni celui qui les reçoit.

Aussi cette explication donnée et reçue, aussi la loi proclamée, tous les esprits demeurèrent-ils dans le même état.

Les rangs rompus, on promène dans les rues de Nancy les deux Suisses condamnés; on force le lieutenant-colonel de Châteauvieux à délivrer à chacun six louis pour son décompte et cent louis d'indemnité pour les coups reçus; puis on les incorpore successivement dans le régiment du Roi, dans Mestre-de-camp, dans la garde nationale, et ils partent munis des congés des trois corps.

Le même soir, les officiers de Châteauvieux sont consigués au quartier et gardés par leurs propres soldats; le

lendemain, on les force à délivrer provisoirement une somme de vingt-sept mille francs, qu'ils cautionnent et que prête M. de Vaubecourt; enfin, le même jour, les cavaliers de Mestre-de-camp demandent de l'argent, se saisissent du quartier-maître, mettent une garde à la caisse et tiennent leurs officiers prisonniers jusqu'au 15.

Le 15, les officiers se lassent et consentent à payer une somme de vingt-quatre mille livres qui leur est avancée par la municipalité.

De son côté, le régiment du Roi continue à demander son compte. Le commandant, effrayé, réclame un poste de gendarmes pour garder la caisse; c'était traiter les soldats en voleurs. Ceux-ci ne gardent plus de mesure : ils déclarent que, si leurs officiers se défient, ils se défient bien autrement; que les officiers ne gardent les caisses avec tant de soin que 'pour passer avec elles à l'ennemi, mais qu'il n'en sera pas ainsi de la leur. En conséquence deux cents soldats vont prendre cette caisse, la trouvent presque vide, et, après en avoir constaté l'état par un procès-verbal, après l'avoir scellée, la portent chez le major, qui la refuse, et, de là, au quartier, où elle reste en dépôt.

La chose prenait une effrayante gravité au dehors, l'ennemi; au dedans, l'indiscipline et l'insurrection. On envoie un courrier à l'Assemblée nationale, qui rend, le 16 août, un décret dont voici la substance :

« A décrété et décrète d'une voix unanime que la violation à main armée, par les troupes, des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, étant un crime

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