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Et le peuple était le serf de la royauté.

Mais le peuple a pris Versailles, comme il a pris la Pastille, comme il prendra les Tuileries.

Le roi est le mandataire du peuple.

Vous rappelez-vous avoir vu au Jardin des Plantes, enfermés dans la même cage, ce lion fier et puissant qui caressait de la patte un pauvre petit chien tout tremblant, car celui-ci ne pouvait croire à la clémence de son terrible compagnon?

Eh bien, c'est le peuple et la royauté.

Seulement, comme ce lion quand on lui donna ce chien, le peuple fut enchanté; quand il fut maître de son roi, il commença par jouer avec lui, par le caresser, par hurler d'aise aux caresses qu'il en reçut.

En effet, le roi installé aux Tuileries, le jardin fut encombré non pas de curieux, mais de fidèles sujets voulant voir leur roi.

A cette époque, tout le monde est encore royaliste, excepté Camille Desmoulins, qui est déjà républicain, et Marat, qui se transforme.

Soyez tranquilles, nous allons parler de Marat, cette puissante individualité qui, pendant ses quatre ans de royauté démagogique, n'a voulu s'allier avec aucun homme ni avec aucun principe, et qui fait répondre à Camille Desmoulins et à Fréron, lesquels lui proposent de fondre l'Ami du peuple avec la Tribune des Patriotes:

-L'aigle est toujours seul, mais le dindon fait troupe. Seulement, son tour n'est pas encore arrivé, et il faut que nous revenions d'abord à l'Assemblée nationale.

Le roi parti, l'Assemblée s'occupa de le suivre.

Le 8 octobre, elle envoie une députation pour choisir le local provisoire de ses séances, jusqu'à ce que le manége des Tuileries, qui lui est destiné, soit prêt à la recevoir.

La députation choisit pour son local provisoire la salle de l'archevêché.

En attendant, l'Assemblée fait la guerre aux mots.

Elle change par un décret le titre de roi de France et de Navarre en celui de roi des Français.

Elle proscrit les formules royales De notre science certaine et pleine puissance, et Car tel est notre bon plaisir, et décide qu'à ces formules seront substituées celles-ci : Louis, par la grâce de Dieu, et par la loi constitutionnelle de l'État...

- Puis, le 19, elle vient s'établir dans la salle de l'archevêché, tant elle a hâte de se rapprocher de son roi, ou plutôt de veiller sur son prisonnier.

De ce moment commence l'agonie de ce favori sans mérite qu'on appelle Versailles.

Versailles vivait de la royauté, la royauté le quitte, et Versailles s'en va mourant. La planète entraîne les satellites les courtisans s'en éloignent, les familles riches l'abandonnent, et mademoiselle de Montansier, elle-même, directrice du théâtre, se déclare, comme l'Assemblée nationale, inséparable de Sa Majesté, et accompagne Sa Majesté à Paris.

Aussi voyez voilà les deux pouvoirs à Paris, le rof dans son château, l'Assemblée dans son archevêché; tous deux ont une garde.

Consignons ici les événements qui surgirent entre le 19 octobre, jour de l'entrée de l'Assemblée nationale à l'archevêché, et le 9 novembre, jour de son installation au manége.

Le retour du boulanger, de la boulangère, du petit mitron et des soixante voitures de farine qui les suivaient, n'avait pas, comme on le pense bien, suffi pour faire disparaître la famine; des attroupements avaient eu lieu à la porte des boulangers; mais il n'y avait rien à faire contre ces attroupements, le droit de réunion étant consacré par la Déclaration des droits de l'homme.

Déjà, le 14 octobre, Mirabeau, en relation avec la cour, au parti de laquelle il allait passer, Mirabeau, disons-nous, avait proposé la loi martiale; mais cette loi martiale portait une grave atteinte à l'esprit de la Révolution, et l'Assemblée nationale n'avait point osé l'adopter.

Cependant, la cour avait grand besoin que cette loi passât.

Maintenant, quels furent les instigateurs de l'événement qui fit passer cette loi? C'est ce qu'il est impossible d'affirmer, et c'est ce qu'il faut laisser décider au lecteur, en lui mettant sous les yeux cependant cet axiome de droit : Il faut imputer le crime à celui qui a intérêt au crime. En tout cas, voici le fait :

Le 21 octobre, au matin, un boulanger nommé Denis François, âgé de vingt-huit ans, marié depuis quinze mois, demeurant rue du Marché-Palu, district de Notre-Dame, avait déjà délivré six fournées de pain et commençait à cuire la septième, lorsqu'une femme qui n'avait pu en

avoir encore demande à visiter la boutique pour voir s'il n'y a pas de pain caché.

François, qui n'a rien à craindre, la fait entrer et l'invite à faire des recherches. Malheureusement, dans une armoire, elle trouva trois pains rassis de quatre livre chacun, que les garçons avaient conservés pour eux.

Elle en prend un, sort dans la rue et ameute le peuple en disant que le malheureux a caché une partie de sa ournée.

Aussitôt le peuple force la faible garde que la police avait mise à la porte de François, comme à celle des autres boulangers.

Et, [outre les deux autres pains rassis, il trouve dix douzaines de petits pains frais, réservés pour messieurs de l'Assemblée nationale, qui, siégeant à l'archevêché, ne sont qu'à quelques pas de la rue du Marché-Palu.

Aussitôt s'élève une voix qui crie :

Le boulanger à la lanterne !

Cétait un cri terrible et qui commençait à retentir dans les rues de Paris.

Le malheureux boulanger comprend le danger qu'il court; il demande à être conduit à son district : on ne l'écoute pas; on veut l'entraîner à la Grève. Les officiers du district accourent, et il est conduit au comité de police.

François était fort aimé et fort estimé dans son quartier. Aussi ses voisins le suivent, et, appelés en témoignage, constatent qu'il a donné, depuis le commencement de la Révolution, les plus grandes preuves de zèle; qu'il a fait habituellement dix fournées par jour; que, lorsqu'ils

en manquaient, il a souvent cédé de la farine à ses confrères; que, la veille encore, par exemple, il a cédé trois sacs aux sieurs Patrigeon et Merrelier; enfin que, pour servir plus promptement le public, outre son four, il loue le four d'un pâtissier, où il fait sécher son bois.

Cet homme méritait une récompense. On continue à de mander sa tête.

Trois citoyens se jettent entre lui et les forcenés qui le

menacent.

Disons leurs noms. Il est toujours, bon d'écrire le nom de trois honnêtes, gens. C'étaient MM. Garran de Coulon, Guillot de Blancheville et Damenne fils.

Mais ils ont beau répéter à haute voix les témoignages qu'ils ont entendus, les clameurs. mortelles parlent plus haut qu'eux; le boulanger est pris au milieu des gardes nationaux, tiré de leurs mains, malgré les efforts qu'ils font pour le défendre. A peine est-il aux mains de ses ennemis, qu'il est mort et qu'en deux secondes, sa tête, séparée du corps, s'élève au bout d'une pique.

Rien n'était plus facile que d'empêcher ces hommes de commettre le crime; rien n'était plus facile que d'arrêter l'assassin, qui portait cette tête, et les quelques misérables qui lui faisaient escorte. Mais on s'en garde. Paris a besoin d'être épouvanté pour recevoir la loi martiale comme un bienfait. Les assassins peuvent donc en toute liberté s'amuser à renouveler les, sanglantes facéties du retour de Versailles

Un boulanger passe. On lui prend son bonnet, dont on coiffe la tête du malheureux François.

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