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Lorsqu'il reparut sur les marches de l'hôtel de ville, le peuple battit des mains, comme il avait fait à sa sortie du Châtelet, comme il avait fait devant Notre-Dame.

Cette joie du peuple ne parut ni l'irriter ni l'affliger; sa contenance était celle d'un homme parfaitement calme. Cependant la nuit était survenue, et l'on avait distribué des lampions sur la place de Grève; on en avait mis jusque sur la potence, qui dessinait dans la nuit sa silhouette de feu.

Favras marcha d'un pas ferme vers l'échelle. Au moment où il l'atteignit, une voix cria :

Allons, saute, marquis!

Favras demeura insensible à la raillerie comme il était resté insensible à l'injure; au pied du gibet seulement, il éleva la voix en disant :

-Citoyens! je meurs innocent; priez Dieu pour moi! Au second échelon, il s'arrêta, et, d'un ton aussi ferme et aussi élevé que la première fois :

- Citoyens! répéta-t-il, je vous demande le secours de vos prières, je meurs innocent.

Enfin, arrivé au dernier échelon :

-Citoyens! redit-il une troisième fois, je suis innocent;

priez Dieu pour moi!

Puis, au bourreau :

-Fais ton devoir, dit-il.

A peine Favras avait-il prononcé ces paroles, que le bourreau le poussa et que son cadavre se balança dans le vide.

Le peuple cria : Bis!

Ainsi ce n'était point assez pour le peuple, tant sa haine contre l'aristocratie était grande, qu'un aristocrate innocent fat pendu une fois.

L'exécution faite, le cadavre de Favras fut livré aux sieurs Mahi, baron de Connère, et Mahi de Chitenay, ses frères. Mais il fallut soutenir une lutte terrible. Le peuple voulait traîner par les rues ce cadavre, comme il y avait traîné ceux de Flesselles et de de Launay.

On se hâta de l'inhumer dans l'église de Saint-Jean-enGrève, tandis qu'à la porte de l'église, la garde nationale contenait le peuple.

Une phrase du mémoire de Favras est restée, accusation terrible contre Monsieur.

Voici cette phrase:

« Une main invisible, je n'en doute pas, se joint à mes accusateurs pour me poursuivre; mais qu'importe? Celui qu'on m'a nommé, mon œil le suit partout: il est mon accusateur et je ne m'attends pas à un remords de sa part. Un Dieu vengeur prendra ma défense, je l'espère du moins, car jamais, non jamais, des crimes comme les siens ne sont restés impunis. >>

La marquise de Favras, enfermée dans les prisons de l'Abbaye, y demeura jusqu'après l'exécution de son mari, quoiqu'il ne fût présenté aucune charge contre elle.

Nous avons souligné le mot pendu.

En effet, c'était une grande nouveauté que la pendaison d'un noble; c'était l'application du décret de l'Assemblée nationale, en date du 21 janvier 1790, qui proclamait l'éga lité dans le supplice.

Cette séance de l'Assemblée fut assez curieuse pour que nous lui consacrions quelques lignes.

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- Le rire de l'Assemblée. Histoire de la guillotine.

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-

Ancienneté de la machine. Le maréchal de Montmorency. Décret du 3 juin 1791. - Peines. Triomphe de Guillotin. Retrait du droit de grâce. — La matinée du 17 avril 1792. Pinel, Cabanis. Maître Guidon. Sanson. M. de Paris.

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Le docteur Louis. - Le citoyen Giraut. Les trois cadavres. -On applaudit l'insuccès. - Le premier guillotine. Louis XVI corrige la machine.

ASSEMBLÉE NATIONALE

Séance du 21 janvier 1790.

« Après les dons patriotiques et la lecture des adresses, parmi lesquelles on a remarqué celle des citoyens patriotes de la ville de Grenoble. on a entendu le rapport relatif aux acquits-à-cannon, sur lesquels l'Assemblée a déclaré n'y avoir lieu à délibérer.

>> Puis on a repris la motion de M. Guillotin sur les peines, et l'on a décrété les articles suivants :

» Les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l'état des coupables.

» Les délits et les crimes étant personnels, le supplice du coupable et les condamnations infamantes quelconques n'impriment aucune flétrissure à la famille. L'honneur de

ceux qui lui appartiennent n'est nullement entaché, et tous continueront d'être admissibles à toute sorte de professions, d'emplois et de dignités.

» La confiscation des biens du condamné ne pourra jamais être prononcée en aucun cas.

» Le corps du supplicié sera délivré à sa famille si elle le demande. Dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur les registres aucune mention du genre de mort. » (Révolutions de Paris, de Prudhomme.)

N'est-ce pas curieux que ce soit justement le lundi 21 janvier 1790 que soit proclamée cette égalité dans le supplice, égalité à laquelle le roi, qui approuvait et signait le décret, devait être soumis trois ans après, jour pour jour?

N'est-ce pas curieux aussi de voir que les deux représentants qui se levèrent contre la peine de mort furent Duport et Robespierre?

Les deux orateurs motivèrent ainsi leur opinion:

1o La société n'a pas le droit de mettre à mort un de ses membres, quoique coupable et dangereux.

2o La peine de mort n'est pas la plus dure de toutes les peines.

Quant au mode dont la mort serait donnée, ce serait probablement à l'aide d'une machine de l'invention du docteur Guillotin.

C'était la seconde fois que le nom du docteur Guillotin revenait à la surface de la publicité.

La première fois, ce fut lorsqu'il proposa le Jeu de Paume comme local pour tenir les séances de l'Assemblée.

On y prononça le serment qui devait tuer la royauté.

La seconde fois, il proposait la guillotine.

C'était l'instrument qui devait tuer le roi.

Et, chose étrange! Guillotin, savant praticien, était médecin par quartier de la cour.

Il y avait longtemps que Guillotin travaillait à sa machine c'était son idée fixe que d'ôter à l'homme la vie sans douleur.

Aussi était-il convaincu qu'il avait réussi.

Il avait dans sa poche un assortiment de ces petites machines de diverses grandeurs, avec lesquelles, chez ses amis, il décapitait des poupées de différentes tailles. Du zèle, il avait passé à l'enthousiasme.

Avec ma machine, s'écriait-il dans la séance du 1er décembre; avec ma machine, je fais sauter votre tête en un clin d'œil, et vous ne souffrez point; à peine sentezvous une légère fraîcheur sur le cou.

On comprend qu'une pareille assertion trouva bon nombre d'incrédules.

L'Assemblée se prit à rire.

Combien de ceux qui rirent alors devaient à leur tour essayer la machine du docteur Guillotin, et sentir cette légère fraîcheur qu'elle imprimait sur le cou!

Du moment que l'Assemblée, grave aréopage, avait ri de la motion du docteur Guillotin, tout en l'adoptant, notez cela, - rien d'étonnant à ce que les plaisants chansonnassent le docteur et sa machine.

Il y avait alors deux journaux qui chansonnaient tout à Paris l'un s'appelait le Nouveau Journal; et l'autre, les Actes des Apôtres.

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