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Sa femme, grosse de trois mois, apprenant, à son retour à la maison, que son mari a été conduit à l'hôtel de ville, s'empresse de courir à son secours.

Sur le pont Notre-Dame, elle rencontre quelques amis qui font ce qu'ils peuvent pour l'empêcher d'aller plus loin. Elle insiste; elle se débat. Une troupe hurlante apparaît à l'extrémité du pont. Elle porte pour étendard une tête sanglante: elle reconnaît celle de son mari.

On l'emporte évanouie.

Quant à son enfant, il est mort.

Aussitôt la Commune envoie une députation à l'Assemblée nationale pour que la loi martiale soit votée d'urgence.

Foucaut veut qu'elle soit votée dans la même journée. Barnave appuie Foucaut.

Mirabeau, qui l'avait proposée, revient à la charge, et démontre l'urgence de sa loi.

Buzot la repousse.

Robespierre fait contre elle une de ses plus logiques improvisations.

Une nouvelle députation de la Commune, encore plus pressante que la première, arrive pendant la discussion. La loi est décrétée le même jour, sanctionnée le soir par le roi, et proclamée le lendemain.

Il faut le dire, au reste, la première application de cette loi fut faite contre les assassins de la veille. Deux furent pendus en Grève le jour même de sa promulgation, et un troisième, ancien recruteur de dragons, nommé Fleur-d'Épine, fut dégradé et conduit au Châtelet pour y être jugé.

C'était lui qui avait coupé la tête du malheureux François.

Cette aventure fut, pendant huit jours, la nouvelle de la cour et de la ville. Chacun s'intéressa à la jeune femme du malheureux boulanger, devenue veuve avec un enfant au berceau.

La reine fit passer à cette infortunée, de moitié avec le roi, six billets de mille francs; la municipalité lui envoya une députation pour lui apprendre qu'elle et son fils étaient sous la sauvegarde de la Commune, et qu'il serait pourvu à tous leurs besoins.

Cependant on proclamait la loi martiale.

Elle disait:

Lorsque la tranquillité publique sera en péril, les officiers municipaux seront tenus de déclarer que la force militaire va être déployée pour rétablir l'ordre.

» Cette déclaration se fera en arborant un drapeau rouge dans les rues, et, à partir de ce moment, tout attroupement sera criminel; faute par les personnes attroupées de se retirer, il leur sera fait par les officiers municipaux trois sommations en ces termes:

» On va faire feu, que les bons citoyens se retirent. · » Après la troisième sommation, la force des armes sera déployée sans que personne soit responsable de ce qui pourra en résulter.

» Après le feu, toutes les personnes attroupées seront punies d'emprisonnement, et celles qui auront commis quelque violence seront punies de mort. »

Deux journalistes seulement protestèrent contre cette

loi : Loustalot, dans les Révolutions de Paris, et Marat, dans l'Ami du Peuple.

En même temps qu'elle décrétait la loi martiale, l'Assemblée nationale renvoyait les crimes de lèse-nation au tribunal royal du Châtelet.

Nous allons voir tout à l'heure comment ce tribunal devait s'acquitter de sa mission.

Buzot et Robespierre le savaient d'avance: aussi demandaient-ils qu'on créât une haute cour nationale.

Mirabeau, qui s'enhardissait dans sou royalisme, alla jusqu'à dire que toutes ces mesures étaient impuissantes, et qu'il fallait rendre sa force au pouvoir exécutif.

Qu'on jette les yeux sur les quinze jours qui viennent de s'écouler, et qu'on voie le chemin que le roi a fait du 6 au 21 octobre.

Il est vrai que la conquête n'est que factice. Toutes les fois qu'un peuple recule, c'est qu'il prend son élan.

La peur de voir se renouveler les scènes du 6 octobre avait fait une foule de royalistes ardents de ceux qui n'étaient que royalistes modérés.

Cent cinquante députés prirent des passe-ports,

Lally et Mounier se sauvèrent.

La Fayette s'en prit à Marat. La Fayette était furieux d'avoir été trop royaliste pour les uns et pas assez pour les autres.

Un instant il fut près d'écouter une proposition de Mirabeau.

Mirabeau avait perdu son patron. Le duc d'Orléans était parti pour Londres; il allait en ambassade. Lisez: en exil.

Mirabeau se tourna du côté de la cour.

Voulez-vous renverser Necker et gouverner à nous deux? écrivait-il à la Fayette.

Malheureusement pour le roi, la Fayette méprisait Mira

beau.

Il refusa.

Qui sait ce qu'eussent fait le génie et la popularité réunis?

Nous disions que la mort du boulanger François avait eu le privilége d'occuper Paris pendant près de huit jours.

Nous nous trompions. Un paysan arrivé du Jura vint faire diversion à cette sanglante affaire.

C'était un serf mainmortable du Jura. Il avait cent vingt ans. Il était né en 1668, pendant la jeunesse de Louis XIV: il était amené par ses enfants, et venait remercier l'Assemblée de son décret du 4 août.

On se rappelle cette nuit où chacun brûla ses titres de noblesse et renonça à ses droits féodaux.

Ce vieillard était probablement le doyen de l'humanité. Il venait en députation an nom de l'humanité.

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L'Assemblée tout entière se leva devant ce vieillard, le fit asseoir et se couvrit. Il avait été serf, un demi-siècle sous Louis XIV, un autre demi-siècle sous Louis XV, vingt ans sous Louis XVI. Il l'était encore, car le servage ne fut aboli de fait qu'en mars 1790.

Il mourut deux mois après sa présentation à l'Assemblée, le pauvre vieillard. Il mourut donc serf comme il avait

Mais, en mourant, il avait vu la lumière, et, de sa main glacée, il avait touché la liberté.

Il se nommait Jean Jacob.

C'était le 23 octobre que cet hommage était rendu par la vieillesse à l'Assemblée, et par l'Assemblée à la vieillesse. Un de ses membres, M. de Castellane, demanda, puisque la Bastille était détruite, que l'on visitât les trente-cinq prisons de Paris, et surtout les cachots ecclésiastiques, les plus profonds de tous les cachots.

Le 25, une religieuse écrivit, priant l'Assemblée de statuer sur les vœux eclésiastiques.

L'Assemblée tressaillit, presque de crainte. Ne touchaiton point là quelque marbre sacré, quelque arche sainte? L'Assemblée suspendit l'émission des vœux, mais n'osa les rompre.

Comme Hercule enfant, elle s'essayait à étouffer des serpents, sans savoir encore qu'elle était de force à étouffer des lions.

Puis vinrent les réclamations des juifs, des comédiens et des protestants.

Les juifs étaient encore souffletés annuellement à Toulouse, et, quand on pendait un juif, il en coûtait la vie à deux chiens, qu'on pendait en même temps que lui, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche.

Ils venaient demander s'ils étaient hommes.

Après eux, les comédiens, les comédiens excommuniés, privés de droits civils, enterrés sans cierges ni prêtres.

Ils venaient demander au nom des deux grands esprits de l'Angleterre et de la France, ils venaient demander au

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