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immense des esclaves, déchus de tous les droits de l'humanité et même de la qualité d'hommes. Ils travaillaient, ils mouraient, ils servaient comme leurs maîtres le jugeaient bon aux plaisirs et aux intérêts de leurs maîtres. Le proverbe disait qu'il ne doit point y avoir de repos pour l'esclave: Non est otium servis. L'esclave n'avait point d'âme; la Grèce l'appelait un corps, sóma; Rome une chose, res. Ce n'était qu'un outil dont on pouvait se servir sans relâche et sans scrupule, jusqu'à ce qu'il fût usé. Et quand la vie de l'esclave durait plus longtemps que ses forces, la sagesse écoutée de Caton enseignait qu'il fallait le laisser mourir de faim. Des patriciens employaient leurs esclaves à mendier, et les mutilaient avec l'ingénieuse cruauté de l'avarice, afin d'exciter davantage la pitié des passants. Cette industrie était fort pratiquée, et, comme en toute industrie, il y avait concurrence. Si l'un de ces possesseurs d'esclaves mendiants voyait quelque part un esclave plus estropié que n'étaient les siens ou couvert de plus hideuses plaies, il choisissait dans son troupeau ceux qu'il pourrait rendre semblables à celui-là; il les condamnait à un supplice aussi long que leur misérable vie, afin qu'ils lui rapportassent chaque jour quelques deniers de plus. Pour protéger la vie des maîtres contre le désespoir des esclaves, la loi ne leur enjoignait pas de les traiter plus humainement; elle condamnait ceux-ci au dernier supplice, fussent-ils par le nombre une nation, quand le maître mourait de mort violente. Ainsi furent exterminés sous Néron, par ordre du Sénat, malgré les murmures du peuple, les quatre cents esclaves de Pidanius Sécundus, assassiné dans sa maison.

C'était là cette grande Rome, maîtresse orgueilleuse des nations; cette Rome qui récitait les vers d'Horace et de

Virgile, où la voix de Cicéron venait de s'éteindre, où Tacite et Sénèque écrivaient; la Rome de César et d'Auguste, pleine de monuments, de richesse, de chefs-d'œuvre, de sagesse même, et qui, dit Montesquieu, établissait son empire sur la dépopulation de l'univers. C'est cette Rome que Simon, surnommé Pierre, pêcheur du bourg de Bethsaïde en Galilée, tout seul et pieds nus, son bâton à la main, son Credo dans la mémoire, mais son Jésus dans le cœur, vint assiéger, vint prendre au nom de ce même Jésus crucifié à Jérusalem entre deux larrons. Il y venait enseigner le Dieu unique, le Dieu chaste, le Dieu juste, le Dieu miséricordieux et compatissant, le Dieu terrible, le seul Dieu. Il venait établir l'humilité dans ce royaume de l'orgueil, la pureté dans ce centre de la luxure, la liberté chrétienne dans cet enfer de la tyrannie. Il apportait la famille, avec l'indissolubilité du noeud conjugal et le respect pour la vie de l'enfant; il venait restituer à l'esclave sa qualité d'homme et y ajouter la dignité d'enfant de Dieu. A la place de l'empire de Néron il venait constituer l'empire de Jésus-Christ. « Merveilleux contraste! Dans le même << temps Sénèque, philosophe, éloquent, riche, fait l'édu<< cation d'un nouvel empereur, et Pierre, pêcheur de Ga<«lilée, sans lettres, sans argent, sans crédit, fait l'éduca<«<tion d'un nouveau genre humain. L'élève de Sénèque << fut Néron; l'élève de Pierre, c'est l'univers chrétien (1). »

V

Assisté de Paul, qu'il suffit de nommer pour jeter l'esprit dans la contemplation d'un autre miracle, Pierre de(1) Rorhbacher, Hist. univ. de l'Église.

meura vingt-cinq ans à Rome, étendant de là sa sollicitude sur toutes les Églises. Au bout de ce temps on le prit un jour et on l'enferma dans la prison Mamertine, au pied du Capitole, comme si l'on eût voulu qu'il pût voir de ses yeux et toucher de ses mains, pour leur donner une dernière et victorieuse secousse, les fondements de ce sanctuaire des erreurs qu'il avait abolies et qui allaient finir. On l'en tira bientôt. On lui fit traverser le Forum, où le Sénat siégeait en face de la tribune muette, et à l'extrémité duquel s'élevait la maison d'or de Néron. Il fut emmené sur le chemin d'Ostie, où il trouva Paul, qui allait aussi mourir. Une croix était préparée; il demanda d'y être attaché la tête en bas, afin de souffrir avec un cachet d'ignominie ce supplice devenu glorieux par la mort de son Maître. Ce fut la fin de ses travaux et le commencement de sa gloire, qui durera autant que la terre et les cieux. Là prit naissance le second empire de Rome et se fonda le nouveau Capitole, d'où partirent, non plus des proconsuls, mais des apôtres; où l'on ne décréta plus la guerre, l'esclavage et l'extermination des peuples, mais la paix et la liberté du monde.

Au dernier siècle, l'Anglais Gibbon, hébété par l'étude du paganisme et par le souffle d'impiété qui remuait en ce temps-là l'Europe, vint s'asseoir sur le Forum romain, entre le Capitole et le Colisée en ruines. Des moines foulaient de leurs sandales les restes de la voie Sacrée. Ces débris et ce spectacle excitèrent en lui une stupide colère. Jadis des triomphateurs, dit-il, aujourd'hui des moines! Il oublia que ces moines étaient aussi des triomphateurs, et des triomphateurs plus grands que ceux qu'il regrettait, et il écrivit un livre célèbre, où il s'efforça de rabaisser le courage et l'œuvre des martyrs.

On aime à se dire que, traversant ce Forum déjà déshonoré, mais encore dans toute sa splendeur, saint Pierre le vit en esprit, plus d'une fois, tel que nous le voyons maintenant; qu'il vit la dégradation et la misère de ces théâtres d'orgueil, de sang et de luxure, et toutes ces idoles brisées et dispersées dans la poussière, et qu'il s'écria plein de reconnaissance et d'amour : Sois béni, Christ immortel! tu as vraiment délivré l'humanité!

Et à son tour l'humanité reconnaissante voue à Pierre, serviteur du Christ, un culte qui ne finira qu'avec l'humanité. Qui exprimera jamais l'admiration et l'allégresse que le chrétien sent en son cœur lorsque, prosterné sur le tombeau de Pierre, devant le successeur de Pierre qui passe et qui bénit, il entend chanter ces paroles qui ne périront point: Tu es Petrus, tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Église !

LES PAPES D'AVIGNON.

MAI 1853

I. Idées de M. de Sacy sur la Papauté. - II. Les Papes d'Avignon. État de la Papauté au seizième siècle. III. Rome et l'indépendance de l'Église. Le cardinal Albornoz. — IV. Le

Pape et l'empereur.

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Boniface VIII et Léon XII.

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Nicolas Ier et Photius. Vraie politique des Papes.

Les légats de la Papauté.

VII. Le moyen âge.

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Louis et Louis XIV. VIII. Prédominance nécessaire du pouvoir pontifical. IX. Louis de Bavière et Philippe le Bel.

Avenir de la Papauté.

Le progrès. X. Le Pape modèle, selon M. de Sacy. XI. Dans quel esprit il faut étudier l'histoire de l'Église et de la Papauté.

Le petit travail que l'on va lire est une polémique contre M. de Sacy. Je ne me crois pas le droit de la supprimer, parce que d'une part il s'agit de la vérité, dont rien ne peut prescrire les droits; et que d'une autre part, M. de Sacy lui-même dans un recueil que le goût du public ne laissera pas périr (1), a conservé les pages brillantes que j'ai voulu réfuter. Mais je dois ici payer à mon honorable adversaire un tribut personnel d'estime et de reconnaissance. Nous nous sommes combattus souvent sans qu'un fond de sympathie ait cessé d'exister entre nous, et j'espère que la trace en est sensible dans tout ce que j'ai écrit. Cette sympathie (1) Variétés littéraires, etc., t. II.

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