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des fonds secrets. Cette liste a disparu du dossier de la monarchie; notre temps aurait pu y apprendre le tarif d'une conscience au dix-septième siècle. Mais la lettre d'avis a échappé au naufrage; la voici :

« Nous avons été obligé de nous servir des secours » que vous avez trouvé bon que l'on prit pour faci >> liter l'affaire du roy. Je vous en enverray le détail » par le prochain ordinaire, et les noms de ceux qui » ont reçu ces gratifications. >>

Sur ce détail, figurait une étrenne pour Monseigneur le gouverneur, une autre étrenne pour madame la gouvernante, une autre pour le lieutenant général, une autre pour l'intendant. Colbert fronce le sourcil, et proteste contre cette dilapidation du sang et de la sueur du contribuable; l'assemblée ajoute aussitôt une étrenne pour Colbert, et le ministre laisse tomber sa protestation dans l'abîme éternel de l'oubli.

Mais, au moment de partager le butin, l'archevêque de Toulouse prétend distinguer entre la droite et la gauche, l'obéissance et l'opposition, laisser couler d'un côté la fontaine, et fermer le robinet de l'autre côté. A cette prétention, le vent souffle à l'orage, l'assemblée moutonne comme la mer à l'heure de la marée. Le vocabulaire de la halle et le poing montré flottent sur la tempête.

L'archevêque d'Alby avait autrefois rêvé la présidence des états; il couvait au fond du cœur un sentiment de jalousie contre l'archevêque de Toulouse :

quand Toulouse opinait pour, Alby opinait contre; aussi Toulouse entendait guérir Alby de l'esprit de contradiction en le mettant à la portion congrue. Aussi, à peine le vindicatif président avait-il fait la motion de donner la montre de grâce à celui-là seulement qui avait bien servi le roi, que l'archevêque d'Alby cria « Nous avons tous bien servi le roi ! » A cette parole, le tumulte éclate dans l'assemblée ; l'archevêque de Toulouse fait aussitôt le signe de croix et prononce la clôture. Après cet exorcisme, il lève le siége et sort avec l'intendant.

d'Alby.

C'est un tour de fripon! crie l'archevêque

Et il pousse l'évêque de Viviers au fauteuil, pour rouvrir le débat, malgré la dissolution de l'assemblée. A la nouvelle de cette illégalité flagrante, l'archevêque de Toulouse rentre aussitôt en séance.

<«< Arrivant à sa place, dit Bezons, il y trouva M. de >> Viviers; et croyant que ce fust M. d'Alby, il lui dit : «Sors de là, infâme coquin!» L'autre lui répliqua : « Si la place était à disputer entre nous deux, je vous » la feroys bien quitter!» M. d'Alby présenta le poing contre M. de Thoulouze, dont le camail fut » déboutonné. Cela se passa avec scandale et jure

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>> ment. >>

Dans la province du Languedoc, l'épiscopat faisait le coup de poing; mais, en Bretagne, la noblesse tirait l'épée.

Ici, c'est le duc de Chaulnes qui ouvre la session.

Diplomate de profession, le duc de Chaulnes entendait à merveille le maniement de l'esprit breton; la Bretagne aimait à manger, aimait à boire il tenait table ouverte avec une grande braverie, disait madame de Sévigné, et il dépensait couramment trois cents pipes de vin pendant la tenue des états.

Ce n'est pas le parterre, cette fois, qui fait opposition; c'est la noblesse. Le roi venait de promulguer deux édits: le premier, pour restreindre le nombre des justices seigneuriales; le second, pour soumettre à une révision générale les parchemins de la gentilhommerie. Il avait, de plus, institué une chambre de justice, spécialement chargée de poursuivre les faux titres de noblesse, et de soumettre les terres des usurpateurs à la taxe, ni plus ni moins que les champs ou les prés de la roture.

La noblesse authentique, comme la noblesse apocryphe, réclamait d'un commun accord contre la cruauté de ces deux édits : l'une perdait son droit de justice, l'autre l'immunité de l'impôt. Pour tirer une revanche éclatante de la royauté, elles marchandaient, l'une et l'autre, pied à pied, le contingent du don gratuit. Elles plaidaient, d'une voix déchirante, la cause du pauvre peuple, tombé d'épuisement sous le fardeau. Le duc de Chaulnes vit du premier coup le danger de cette opposition de haute volée, il comprit que la main de velours de l'archevêque de Toulouse glisserait en vain sur une tête bretonne, et frappa à l'entrée en matière un coup d'État contre l'assemblée.

« Nous avions résolu, écrit-il à Colbert, de chasser » deux gentilshommes qui s'étaient distingués par des >> discours trop pathétiques sur l'état de la province; je l'exécutay très-matin. Je les fis sortir de cette ville » dans mon carrosse, suivi de six gardes. Cette action » a été southenue de toute l'aucthorité que le roy m'a >> commise. Nous nous servîmes de cet exemple pour >> faire craindre aux états que, s'ils ne délibéraient » sur le don du roy et sans aucune condition, nous »> nous en désisterions, parce que la gloire du roy » souffrirait trop de mendier, ce semble, un don plus glorieux à faire qu'utile à recevoir, et, après nous » être expliquez sur l'obéissance aveugle que l'on doit >> avoir à toutes les volontés de Sa Majesté, les états >> nous ont députés ce matin pour la supplier de vou» loir accepter les deux millions six cent mille livres >> que nous avons eu l'ordre de demander. Cette déli>> bération a passé tout d'une voix et sans condition. » Je prendrai cependant la liberté de vous dire que » j'aurois grand plaisir à faire sçavoir à M. d'Isola, » à Cologne, que les états offraient au roy plus qu'il >> ne veut recevoir, ce ministre publiant partout que » le roy m'a fait revenir en Bretagne.

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Le baron d'Isola représentait l'empereur d'Allemagne au congrès de Cologne. Le duc de Chaulnes parlait véritablement la main sur la garde de l'épée. Il faisait violence au scrutin, et il disait ensuite à l'étran ger: cette province vote librement, puisqu'elle vote à l'unanimité.

Cependant la Bretagne fermentait sourdement ; une étincelle pouvait d'un jour à l'autre allumer une insurrection. La cour de Versailles craignait de prolonger l'affection du noble. pour le peuple et de donner une tête à la révolte; elle abolit l'édit sur la juridiction seigneuriale et licencia la chambre de justice. A cette nouvelle, le marquis de Lavardin monte sur le trépied et entonne un hymne de reconnaissance.

<< Loué soit mille et mille fois le nom du Seigneur, » écrit-il à Colbert, qui a fait tant de bien à son peuple » et qui vient de tirer cette province d'une horrible >> consternation pour la jeter dans une joie excessive. >> Enfin on ne peut être un Français affectionné à son >> maître sans avoir la larme à l'œil de ce qui s'est » passé aujourd'hui icy cette assemblée paraissait » abattue et inquiète, et l'on n'y voyait de tous côtés >> que tristesse et langueur, lorsque M. de Chaulnes, » ayant pris place, a déclaré les bontés dont Sa Majesté » voulait bien honorer la Bretagne ; à l'instant, toute >> l'assemblée a interrompu M. de Chaulnes par tant » de cris de joye et d'acclamations de Vive le roy! que >> l'on a, sans observer la dignité, crié comme l'on eût >> fait dans un peuple tout entier, et ces cris n'ont été >> entre-coupés qu'à peine pour prononcer, en redou>> blant les bénédictions, la somme de deux millions >> six cent mille livres, outre pareille somme du don » gratuit fait ci-devant. »>

Au jour même, à l'heure mème où la noblesse rentrait dans la possession d'un abus, elle oubliait la mi

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