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volution. L'heure n'était pas venue; ce ne fut qu'une émeute. On pendit quelques émeutiers, et l'émotion populaire tomba d'elle-même; seulement le gouvernement profita de la leçon. Le guet était une milice bourgeoise, il la réorganisa militairement; à partir de ce jour, dit le marquis D'Argenson, on éleva des casernes dans Paris, pour rappeler le peuple à l'obéis

sance.

Louis XV trembla; il jeta l'anathème à sa capitale; pour éviter de la traverser lorsqu'il allait chasser dans la plaine Saint-Denis, il donna l'ordre d'ouvrir une nouvelle route qu'on appela par cette raison la route de la Révolte; il n'en continuait pas moins de traîner la royauté à l'oratoire secret du Parc-aux-Cerfs; espèce de Tibère en perruque, il y ressuscitait les mystères perdus des grottes de Caprée. La marquise de Pompadour veillait avec une sollicitude maternelle à l'approvisionnement et au fonds de roulement de la maison. Parfois, le monarque, touché de la magnanimité de ce dévouement à toute épreuve, baisait de reconnaissance la main de la marquise.

Mais la marquise, écartant la veste du roi, lui posait de son côté la main sur la poitrine.

C'est à votre cœur que j'en veux, disait-elle.

Et tous deux pleuraient d'attendrissement en présence de la femme de chambre, attendrie à son tour de voir un visage royal mouillé par l'émotion.

Le Parc-aux-Cerfs coûta quelques centaines de millions à la France, en frais ordinaires ou extraordinaires,

tant pour le courtage, tant pour le marchandage de ces jouets de chair humaine, que pour le placement des beautés de rebut et l'éducation des innombrables enfants trouvés de la monarchie.

XXV

LE RÈGNE DU COTILLON.

La marquise avait donc renoncé à l'exercice de sa profession; elle voulut signifier elle-même à la cour cette révolution d'alcôve. Elle éleva dans son jardin de Bellevue une statue à l'amitié. Maîtresse honoraire désormais, elle éprouva une velléité de dévotion; un vent de tristesse l'avait effleurée elle aussi, sur le trône de son ambition.

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« De longues réflexions, écrivait-elle, qui m'avaient poursuivie, mème dans la plus grande fortune; la >> certitude de n'être jamais heureuse par les biens >> du monde, puisque aucun ne m'avait manqué et » que je n'avais pu parvenir au bonheur, le déta>> chement des choses qui m'amusaient le plus, tout » me porta à croire que le bonheur était en Dieu. »>

La marquise de Pompadour essaya donc du Dieu

de la pénitence; elle choisit pour confesseur un Jésuite, le Père Sacy. Elle édifia la cour en communiant solennellement à la chapelle du château.

Le roi pensa que cette conduite exemplaire méritait une récompense; il nomma la marquise dame d'honneur de Marie Leckzinska; il la décora du tabouret, c'est-à-dire du rang, sinon du titre de duchesse. Elle avait à l'avenir le droit de mettre le manteau ducal sur son blason avec la calotte de velours.

En apprenant la nomination de la marquise, la reine écrivit à son mari sous la dictée du président Hénault :

<< Sire, j'ai un roi au ciel qui me donne la force de >> souffrir mes maux, et un roi sur la terre à qui j'o>> béirai toujours. >>

Lorsque la marquise eut obtenu le tabouret, elle congédia le Père Sacy, à la vérité le Père avait voulu la chasser de Versailles. Elle reprit ce qu'elle appelait le perpétuel combat de son existence.

Ce n'était pas une sinécure que la fonction de Maîtresse, même en retrait d'emploi ; c'était au contraire une occupation, et une préoccupation de chaque minute. Toute femme de la cour qui rêvait devant sa glace et croyait à la puissance de son sourire, rêvait du roi au fond du cœur, voulait posséder le roi à son tour. Madame de Pompadour avait autour d'elle, dans son intimité, vingt amies, vingt ennemies, cachées et gracieuses, qui toutes désiraient sa chute, toutes la préparaient en silence.

Un soir que le roi, inondé de vin de Champagne, regagnait en chancelant son cabinet, madame d'Estrades le poursuivit jusque dans son alcôve. La marquise punit de l'exil cet attentat à sa propriété. Madame de Coislin attaqua le monarque à la lumière du soleil; elle en tira une déclaration d'amour : elle crut avoir remporté la victoire. Un jour qu'elle jouait avec la marquise, elle abattit les cartes, et, regardant fixement sa rivale :

gagné.

Brelan de rois! cria-t-elle avec orgueil; j'ai

Madame de Coislin va trop vite, dit madame de Pompadour; elle versera en chemin.

Elle versa en effet : le roi lui donna congé. Il fallait donc à la marquise non-seulement arracher sans cesse le monarque à une nouvelle intrigue, mais encore l'arracher à lui-même, le décharger de son propre poids, le secouer, l'étourdir, l'amuser, l'enlever de terre, l'éparpiller dans l'espace. Elle déploya dans cette œuvre une fécondité inépuisable d'imagination, et une expérience consommée de diplomatie.

Le roi aimait la chasse, elle le suivait éperdûment au bois, à cheval ou en calèche. Il aimait ou i paraissait aimer la bâtisse, car en réalité il n'aima jamais rien ni personne; elle semait autour de Versailles de charmants petits châteaux, intitulés Brimborion, Montre-Tout, Babiole, autant de boudoirs décorés des nymphées de Boucher. Il aimait à

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