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>> mille écus sont communes. Le jour de Noël, elle

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perdit sept cent mille écus; elle joua sur trois cartes >> et les gagna. A ce jeu-là, on peut perdre et gagner cinquante ou soixante fois en un quart-d'heure. >> La reine aimait particulièrement la bassette; mais elle avait la main novice; elle perdait toujours. A sa mort, elle devait sur parole un million de notre monnaie. Louis XIV acquitta religieusement la dette de sa femme, et la bassette reprit son cours comme par le passé.

On trichait à la cour; on appelait cela piper. Piper passait pour un talent de bonne compagnie, comme chanter ou danser. Mazarin avait dit : « Je corrige le hasard. » Le comte de Grammont le corrigeait aussi, et il en tire vanité dans ses Mémoires. Saint-Simon l'appelle << escroc avec impudence et fripon au jeu à visage découvert, » et, en parlant du duc de Créquy, il ajoute « Le duc était splendide en tout, grand joueur et ne s'y piquait pas d'une fidélité bien » exacte. Plusieurs grands seigneurs en usaient de >> même et on en riait. >>

Un fils de madame de Montespan, le duc d'Antin, pratiquait ce genre d'habileté avec un merveilleux succès. Il confessait hautement avoir gagné six ou sept cent mille écus au jeu, mais toute la cour avait la conviction qu'il dissimulait une partie du bénéfice. Après avoir encaissé son gain et l'avoir placé à bon intérêt, il éprouva tout à coup un accès de vertu; il regarda le hoca comme un péché. Il jura en

lui-même, et il promit au roi de ne plus jouer. Et non-seulement le duc d'Antin gagnait à coup sûr, mais il volait ce qu'un autre avait gagné. Comme cet autre portait le nom de duc de Bourgogne, et qu'il devait un jour hériter de la couronne, Louis XIV vit dans ce fait quelque chose de plus qu'un abus de confiance, il y vit un manque de respect. Il appela le dauphin dans son cabinet :

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Est-il vrai, lui dit-il, que, jouant et que gagnant à plein chapeau, vous avez donné à d'Antin votre or à tenir, et qu'à certain moment vous l'avez surpris à escamoter une partie du dépôt?

Le dauphin baissa la tête, et garda le silence.

Je vous comprends, dit le roi, et il congédia Monseigneur.

Quand Louis XIV eut acquis la certitude que d'Antin avait mis la main dans le sac, il lui donna la surin tendance des bâtiments. C'était la place où un duc ingénieux pouvait le mieux pratiquer le tour de bâton. Par un raffinement digne de Shakespeare, il chargea le témoin de sa friponnerie de lui porter la nouvelle de sa nomination.

Louis XIV pardonnait aisément une friponnerie à un fils de sa maîtresse. Mais lorsqu'un filou titré filait la carte contre Sa Majesté, Sa Majesté le frappait sans rémission.

« Le roi, dit Mme de Sévigné, a commandé à M. de » S... de se défaire de sa charge et tout de suite de » sortir de Paris. Savez-vous pourquoi? pour avoir

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trompé au jeu, et avoir gagné cinq cent mille écus » avec des cartes ajustées. Le roi perdait toujours avec trente et un trèfle, et disait Le trèfle ne >> gagne point contre le pique dans ce pays-ci. >>

Le comte de Grammont avait sans doute le bon esprit de ménager le trèfle de Sa Majesté.

Après avoir fait sa main à Versailles, la noblesse allait exercer son talent à Paris. La maréchale de la Ferté obligeait ses fournisseurs à jouer avec elle au lansquenet.

-Je les triche, disait-elle, mais ils me volent. La princesse d'Harcourt y mettait plus de modestie: elle voulait bien tricher, mais elle cachait le délit; mettre le profane dans la confidence, c'était gâter la profession. «Sa hardiesse à voler au jeu était inconce»vable, » dit Saint-Simon, «< on l'y surprenait, elle >> chantait pouille et empochait, et il n'en était jamais >> autre chose; on la regardait comme une harengère >> avec qui on ne voulait pas se commettre, en plein >> salon de Marly, en présence de monseigneur et de >> madame la duchesse de Bourgogne. >>

Mais la princesse d'Harcourt faisait métier de dévotion. A la fin de la partie, elle baissait pieusement la paupière et disait d'un ton béat: Je remets à qui de droit tout bénéfice suspect, et je prie la galerie de vouloir, à son tour, me donner l'absolution; car au jeu il y a presque toujours quelque méprise. Avec ce protocole, la princesse mettait sa conscience en repos. Elle devait avoir un habile confesseur.

A ce métier les femmes avaient une supériorité sur les hommes leur beauté. Aussi en usaient-elles à l'occasion. Les dames de la cour dévalisèrent en une séance le prince de Nassau. « Je crois bien, dit la Pa>> latine, qu'elles l'ont quelque peu attrapé, car elles » ont la réputation de savoir très-bien jouer.

>>

Samuel Bernard ouvrit un jour sa bourse à la monarchie. Il voulut aller à Versailles pour son argent. Madame de Tallart l'invite à souper et le place à côté de madame de Flamarens. Madame de Flamarens passait pour la perle de la cour et de la coquetterie. Elle dégourdit peu à peu le banquier pendant le repas, elle lui verse à boire, elle joue avec lui de l'éventail, et quand la tête de Samuel commence à tourner, un laquais apporte une table de jeu et madame de Tallart installe le patient au lansquenet.

<< M. Bernard retire sa main gauche pleine de rou>> leaux, dit madame de Tallart, les pose sur la table, >> et plonge son autre main dans la gorge de madame » de Flamarens, en lui disant : Ma belle, qu'en >> pensez-vous?... Va-tout! Nous voilà toutes parties >> de rires immodérés ; le fou rire gagna tout le monde; » le duc d'Ayen en pensa mourir. Chacun quitte la >> place; on entoure M. Bernard; c'est à qui de nous >> fera son va-tout. Enivré du succès, il n'entend plus >> rien, ne sait plus ce qu'il fait, et, dans cinq minutes, » nous ne lui laissàmes plus un écu, il faut en con>> venir! >>>

Et cependant, partout ailleurs qu'à Versailles,

Louis XIV punissait le jeu comme un délit, bien plus encore, comme un crime passible de la potence.

C'est que Louis XIV faisait du jeu un instrument de règne; c'est que, par le jeu, il jetait sans cesse la perturbation dans la fortune de la noblesse, et qu'il la réduisait, en quelque sorte, à un état pompeux de misère. Il avait introduit le jeu à Versailles par la même raison qu'il protégeait le luxe, ou plutôt qu'il l'imposait par son exemple. Il avait mis la cour sur un pied de magnificence à ruiner quiconque, de plus ou moins près, devait tenir compagnie à la royauté. Il bâtissait, et la noblesse devait bâtir; il changeait d'habit quatre fois par jour, et la noblesse devait changer quatre fois d'habit.

Le manteau de l'ordre du Saint-Esprit coûtait une vingtaine de mille francs de notre monnaie, et quant au reste du costume, il était hérissé de hors-d'œuvres jusqu'à ressembler à un buisson ardent. Si, par mégarde, deux chevaliers venaient à passer près l'un de l'autre, ils restaient pris l'un à l'autre comme à un filet.

« M. de Montchevreuil et M. de Villars, dit ma» dame de Sévigné, s'accrochèrent d'une telle furie ; » les épées, les rubans, les dentelles, les clinquants, >> tout se trouva tellement mèlé, brouillé, embarrassé, >> toutes les parties crochues étaient si parfaitement >> entrelacées que nulle main d'homme ne put les séparer; plus on y touchait, plus on les brouillait, » comme les anneaux des armes de Roger. Enfin,

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