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saint sacrement était exposé lorsque arriva le maire en écharpe, accompagné du procureur de la commune, et escorté de gens armés de fusils et de poignards. A cet aspect, les femmes et les enfants jetèrent un cri de frayeur. Le maire s'approcha du célébrant, lui ordonna de quitter l'autel, sous prétexte que les attroupements sont défendus par la loi. Le célébrant ne se laissa pas intimider; il répondit avec fermeté au maire : « Oui, dit-il, les altroupements des séditieux armés sont défendus; mais une assemblée de fidèles, paisiblement réunis dans un temple pour prier Dieu, n'est pas défendue, puisque la liberté des cultes est un article fondamental de la constitution. Je vous conjure au moins de permettre que le peuple puisse assister à la fin du saint sacrifice. » Le maire ordonna d'évacuer la chapelle sur-le-champ. Ses compagnons proféraient des blasphèmes contre le Saint des saints; un des brigands demanda même s'il était temps de faire feu. Le curé se retourna alors, et adressa aux fidèles ces paroles : << Vous êtes dispensés d'entendre le reste de la messe : Dieu se contente de votre bonne volonté. Retirez-vous; mais dans un esprit de paix, de patience, de soumission aux lois, sans rien dire ni faire qui puisse occasionner de votre part le moindre désordre. » A ces paroles, les fidèles, soumis à leur pasteur, se retirèrent en réprimant jusqu'au plus léger mouvement de leur indignation. Il a fallu un procès-verbal pour constater que le pasteur n'a point cherché à soulever le peuple (1).

Voilà ce que faisait l'autorité municipale dans mille

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 231.

endroits de la France. Le peuple le faisait à son tour sans l'ordre de la municipalité, et quelquefois contre son gré. Des bandes de voleurs et de brigands se mettaient ensemble, et, sans réquisition aucune, se répandaient dans la campagne, pour y exercer toute sorte de brigandages, sous le prétexte de rechercher les prêtres. C'était la lie de la garde nationale des villes qui souvent faisait la loi à la municipalité, et même au directoire. A Arras, ville d'ailleurs si religieuse, une partie de la garde nationale prit les armes sans réquisition, et déclara que l'objet de son rassemblement était de faire effectuer, par les corps administratifs, la clôture de toutes les églises non consacrées au culte officiel. Le directoire fut obligé d'obéir (1).

Dans le département d'Ille-et-Vilaine, des gardes nationaux se répandaient dans un grand nombre de communes, telles que Villepot, Noyal, Fercé, Chelun, etc., où les pasteurs n'avaient pas encore été remplacés; ils burent avec excès, fouettèrent des filles et des femmes, chassèrent les prêtres, et fermèrent les églises et les presbytères. A Moutiers ils voulurent pendre le curé, qui avait plus de soixante-dix ans. Les cordes étaient déjà préparées. N'ayant pas osé le faire, ils lui demandèrent le serment à la constitution civile du clergé sur son refus, ils le mirent à la porte, et jetèrent ses meubles sur le pavé. Près de Rennes, ils chassèrent le curé d'Acigné non encore remplacé, pillèrent en divers endroits de la paroisse, brisèrent les meubles du maire, et mirent à coups de hache un crucifix en pièces. L'autorité les laissa impunis (2).

(1) Monit., séance du 20 mars 1792.

(2) Tresvaux, Hist. de la Perséc. révol., t. I, p. 348.

Elle fermait les yeux sur ces sortes d'attentats, lorsqu'elle avait un œil si vigilant sur les prêtres non assermentés. Une horde de bandits s'était portée sur l'église de Notre-Dame de Puy. Ils ne se contentèrent pas d'en piller les richesses, d'y briser la croix et les images des saints; ils y mirent le feu, dansèrent autour des flammes, et ne se retirèrent que lorsque l'église était en cendres. On ne dit pas que l'autorité en ait tiré la moindre vengeance. Elle cherchait à excuser les patriotes, n'osant pas les punir (1). C'est ce que nous voyons presque partout. Dans le département de Lot-etGaronne, une bande se porta sur l'église paroissiale de Marmande en plein jour, brisa les bancs à coups de hache et de marteaux, sous prétexte qu'ils appartenaient à des aristocrates, et fit des dégâts considérables. La municipalité excusa les dégâts, en les attribuant à des enfants (2)

Mais on n'agissait pas ainsi envers les prêtres catholiques. Dans la même commune, un prêtre fidèle fut condamné à vingt-quatre heures de prison, parce qu'il avait dit la messe sans prendre les ordres du curé constitutionnel, qu'il ne voulait pas reconnaître. Il avait beau exhiber l'arrêté du département qui permettait à tout prêtre de dire la messe dans toute espèce d'église, il fut condamné par les tribuns municipaux, sous prétexte qu'il avait réuni des paysans et cherché à les ameuter (3). Ceux qui avaient brisé les bancs ne furent pas recherchés.

(1) Barruel, t. I, p. 232.

(2) Hist. du Clergé depuis la convocat., t. III, p. 242. (3) Ibid., p. 241.

La messe était un crime dans bien des départements. A Tarbes, un prêtre, curé du district, fut condamné à deux mois de prison et cent francs d'amende pour avoir dit la messe et exercé ses fonctions le jeudi saint, lors même qu'il n'y avait pas de prêtre jureur pour faire le service. On ne distinguait plus entre les prêtres remplacés et ceux qui ne l'étaient pas ; on traitait ces derniers avec la même barbarie, quoiqu'ils eussent le droit de rester dans leur paroisse. On ne distinguait pas non plus ceux qui avaient refusé le serment, de ceux qui l'avaient fait avec restriction, et qui, avec l'assentiment du moins tacite des autorités locales, avaient continué leurs fonctions. Ces restrictions n'étaient plus admises; elles devenaient, au contraire, un crime. On a vu des prêtres condamnés à deux heures de carcan, à deux années de fers, et même à l'exil, pour avoir déclaré, dans leur serment, qu'ils exceptaient tout ce qui était contraire à la religion (1). Désormais, plus de distinction, plus d'indulgence. Pour dire la messe dans certaines localités, il fallait choisir les appartements les plus reculés, éviter jusqu'à la moindre apparence d'une assemblée religieuse. Les catholiques étaient surveillés, surtout les jours de dimanches et de fêtes (2), où l'on pensait qu'ils entendraient la messe. Au moindre soupçon de la présence d'un prêtre, on faisait des visites domiciliaires. L'apparence d'un autel était un crime; la découverte d'un calice ou d'un ornement sacerdotal était un complot contre la révolution, et puni sévèrement. Il faut rendre justice à la

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 282.

(2) Ibid., p. 196.

magistrature comme au directoire du département du Rhône. Les prêtres non assermentés avaient été arrêtés et livrés aux tribunaux, pour avoir administré le baptême et béni des mariages : les magistrats les renvoyèrent absous, après avoir déclaré qu'ils n'avaient rien fait qui ne fût permis par la constitution (1). Et telle a été en général la noble conduite de la magistrature: ils renvoyaient absous les prêtres traduits à leur tribunal, parce qu'ils ne les trouvaient pas criminels. Cependant il y a eu des exceptions; et l'on a vu des juges qui partageaient la haine des révolutionnaires, ou qui se laissaient influencer par les clubs. Le curé de Saint-Sulpice, diocèse de Rennes, eut les cheveux coupés, et fut condamné au carcan pendant quatre heures et à six années de détention, parce que, dans un pays où toutes les opinions étaient libres, il avait donné à ses paroissiens quelques leçons sur les caractères de la véritable Église (2). Un autre curé du même diocèse, celui de Noyal-sur-Vilaine, avait prêché sur l'unité de l'Église, ce qui était un crime irrémissible. Aussi fut-il condamné à trois ans de détention. En ayant appelé au tribunal de Saint-Malo, les juges lui donnèrent l'option entre la rétractation de sa doctrine ou la prison perpétuelle. Le curé, fortement attaché à sa foi, choisit la prison. Son vicaire, accusé et condamné avec lui, fit de même (3). Admirable fermeté, qui méritait un meilleur sort! Telle est la manière dont on procédait contre l'ancien clergé. Il n'osait plus parler

(1) Nouveau compte rendu au Roi, p. 13.

(2) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 197. - Tresvaux, Hist. de la persécut. révol., t. I, p. 353.

(3) Ibid.

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