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nauté naissante, qui menaçait de renverser toutes les jacobinières du royaume. De même que Rome, dès les premiers moments de sa fondation, parut annoncer la ruine de toutes les républiques de l'Italie, le dessein a été pris dans le club dominateur d'étouffer dès le berceau cette puissance ennemie. Ils se souvenaient avec quelle facilité ils avaient expulsé de son asile et entièrement exterminé la malheureuse société des Amis de la constitution monarchique; et, persuadés que le même bonheur couronnerait leur expédition contre les feuillants, ils sont venus fondre sur ces rebelles, qui, étourdis de ce choc imprévu, se sont dispersés, abandonnant aux jacobins le champ de bataille (1).

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Les feuillants, après ces désordres, s'adressèrent au maire de Paris pour réclamer la protection de la loi. Péthion ordonna quelques mesures apparentes, qui n'eurent pas grand succès. Cependant on ne laissa plus entrer personne au club sans une carte d'entrée, ou une carte de député. Mais les gardiens, ne connaissant pas la carte de député, refusèrent l'entrée à plusieurs représentants. De là, plainte et agitation à l'Assemblée nationale et irritation dans le peuple, car les députés refusés étaient jacobins. On s'adressa à Péthion pour le maintien de l'ordre. Péthion, placé entre le peuple et les feuillants, entre la loi et l'opinion, avait à remplir, comme il le dit, un devoir bien pénible. Il déclara à l'Assemblée que la police des feuillants regardait, non la municipalité, mais l'Assemblée elle-même, puisque le club se tient dans son enceinte. On voit de quelle manière Péthion cherchait à se tirer d'embarras.

(1) L'Ami du Roi, du 29 décembre 1791.

Il est l'homme de la loi, mais il ne veut pas ou n'ose pas la faire exécuter, dans la crainte de perdre sa popularité. Il remit donc à l'Assemblée la police des feuillants. Après une discussion orageuse pendant deux jours, l'Assemblée exclut par un décret la société des Feuillants, de l'enceinte des bâtiments des ci-devant Feuillants et Capucins (1). Le club était dissous, car ses membres n'essayèrent pas de se réunir ailleurs. S'ils n'ont pu trouver sûreté près de l'Assemblée, ils en auraient trouvé moins encore dans un autre local. Ils sont traités maintenant comme ils avaient traité la noblesse. Les girondins, aujourd'hui d'accord avec les jacobins, auront leur tour. Ceux-ci, débarrassés de leurs rivaux, sont donc seuls maîtres; aussi jettent-ils le masque dont ils s'étaient couverts. Ils reprennent leur ancienne devise: Guerre à la royauté et au sacerdoce! Chaque jour leur tribune retentira des invectives les plus véhémentes contre les ministres, contre les aristocrates et les prêtres; chaque jour ils apporteront à la barre de l'Assemblée des adresses tendant au même but; leurs affidés seront dans les tribunes pour applaudir, stimuler et au besoin menacer l'Assemblée. Ils entretiennent une correspondance active avec les sociétés affiliées de la province, leur envoient le mot d'ordre, leur donnent l'impulsion. Ennemis acharnés du christianisme et de la royauté, ils vont remuer la France entière pour arriver à la destruction de l'un et de l'autre. C'est de là que vient la recrudescence de persécution que nous remarquons au commencement de 1792 contre le clergé. Les Jacobins,

(1) Moniteur, séances des 26 et 27 décembre 1791.

fiers de leur victoire et de leur puissance, renouvelèrent contre le clergé toutes les vieilles accusations dont la tribune avait si longtemps retenti, et en ajoutèrent de nouvelles. Ainsi on disait et l'on répétait partout que les prêtres non assermentés détournaient tous les canaux de la félicité publique, qu'ils arrêtaient par leurs suggestions la perception des impôts, la circulation des grains, et qu'ils s'entendaient avec l'ennemi du dehors et l'appelaient de tous leurs vœux; on le disait au peuple dans les clubs, on le répétait dans les rues et dans la presse, et on le dénonçait à l'Assemblée législative. Le peuple déjà prévenu le crut, et partagea la haine. des clubs contre le clergé catholique. Alors chacun se croyait en droit de l'insulter et de le maltraiter. Il n'y avait pas de départements où l'on n'exerçât plus ou moins de persécution, parce que les jacobins agissaient sur tous les points. Les faits sont innombrables. Les départements où les prêtres étaient le plus maltraités sont sans contredit ceux de l'ouest. J'ai déjà fait observer que les directoires de ces départements avaient eu de la peine à se conformer à la loi d'amnistie, et à mettre en liberté les prêtres qu'ils avaient fait enfermer sous l'Assemblée constituante. Forts maintenant de l'assentiment de l'Assemblée législative et poussés par les clubs, ils reviennent sur leurs anciennes mesures, et font renfermer de nouveau ceux qu'ils n'avaient relâchés qu'à regret. Le directoire du Finistère leur en a donné l'exemple; d'autres vont le suivre.

Dès le 15 février, le directoire des Côtes-du-Nord statua que tous les prêtres non assermentés de son ressort seraient renfermés au château de Dinan. Ce château était depuis longtemps sans destination, et dans un

état de délabrement complet. Il avait servi, dans la dernière guerre avec l'Angleterre, à renfermer les prisonħiers de cette nation. C'est ce local qu'on choisit pour les prêtres non assermentés. On les y conduisait tantôt enchaînés, quoiqu'ils ne fissent aucune résistance; tantôt revêtus, par dérision, de l'uniforme de la garde nationale; tantôt en compagnie de voleurs et de malfaiteurs. Les murs du vieux château n'étaient pas plus insensibles que les auteurs de leur captivité et les gardiens qui les entouraient. Renfermés dans ces noirs cachots longtemps inhabités, ils manquaient d'air pour respirer. Après la mort d'un d'entre eux, on leur permit de monter sur la plate-forme de la tour; encore fallait-il que le geôlier le jugeât à propos. Le département ne leur fournissait rien, quoique le terme de leur pension ou de leur traitement fût échu. Ils étaient donc obligés de vivre à leurs frais, et d'acheter tout au poids de l'or, car on spéculait sur leur nourriture. Le geôlier qui leur préparait à manger se faisait payer cher. Les gardiens qui les entouraient ne leur disaient que des injures; les membres de la municipalité, les inspecteurs des prisons ne venaient jamais sans leur dire quelque chose de grossier et de dur. Les passants même, lorsqu'ils les voyaient sur la plateforme, les insultaient. Quelques bandits allèrent jusqu'à leur tirer des coups de fusil. Plus d'égards, plus de commisération pour ces malheureux prisonniers. Cependant ils se suffisaient à eux-mêmes, ils s'encourageaient les uns les autres, et supportaient avec une héroïque patience leur dure captivité, jusqu'au moment de la déportation. Un seul, sur quarante-deux qu'ils étaient, se laissa décourager, et recouvra la li

berté par la prestation du serment. Cette défection causa une grande peine à ses confrères (1). Le prêtre répara plus tard sa faute, et devint, après le rétablissement du culte, un très-bon pasteur (2).

D'autres directoires, sans être aussi cruels, n'en sont pas moins injustes. Ils ordonnent aux prêtres non assermentés, suivant les idées émises dans l'Assemblée législative, de se rendre tous au chef-lieu du département; les municipalités sont chargées, en cas de désobéissance, de les arrêter et de les y conduire. On voit alors un spectacle que la France chrétienne n'avait jamais vu. Tous les ecclésiastiques qui avaient conservé leur foi sont obligés de quitter leurs parents, leurs amis, les familles chrétiennes où ils avaient trouvé un asile après leur disgrâce, et de se transporter au chef-lieu du département, où ils ne connaissent personne. Ils arrivent de tous côtés; les routes en sont couvertes. Les uns marchent librement, les autres sont enchaînés et emmenés de force. Les plus jeunes sont en avant; les vieillards, appuyés sur un bâton, les suivent; les infirmes sont accompagnés de jeunes prêtres qui ont la charité de leur donner le bras. Ils sont insultés sur leur passage, ils le sont encore au cheflieu où ils arrivent. Là, pour qu'ils ne puissent se répandre dans les campagnes voisines et y exercer quelques fonctions de leur ministère, on les soumet à un appel nominal deux fois par jour. La messe leur est interdite, même dans des maisons particulières, sous

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 200. — Tresvaux, Hist. de la Persécut. révol., t. I, p. 338.

(2) Hist. du Clergé, par M. R., t. II, p. 24.

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