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saisons et à toutes les horreurs de la faim; d'autres, poursuivis dans les villages et à travers les champs comme des bêtes fauves, furent pris et conduits au château de Brest au milieu des cris d'une populace effrénée, qui tentait souvent de rompre la haie formée autour d'eux, pour les saisir, les mettre à la lanterne ou les jeter à la mer; car tels étaient les cris menaçants qu'elle proférait. A la fin de décembre, on comptait au château de Brest cinquante ecclésiastiques, à qui on avait interdit toute communication avec le dehors. Ces courageux confesseurs de la foi, injustement arrêtés et dénués de tout, adressèrent au roi une requête pour lui exposer leur position et solliciter leur liberté.

« Sire, dirent-ils, les malheureux prêtres soussignés, dans le département du Finistère, du fond de la prison où le plus arbitraire de tous les actes les a reclus et entassés, élèvent vers Votre Majesté leurs mains suppliantes; ils n'ont d'espoir que dans la justice, de soutien que dans leur innocence. Heureux encore, Sire, si ces deux seules ressources de leur infortune ne leur sont pas ravies, dans un temps où la calomnie s'étudie sans relâche à empoisonner leur conduite, où la rage et la fureur épient jusqu'à leurs gémissements, captivent l'intérêt qu'ils inspirent aux vrais amis des lois et de la liberté, et leur dérobent la plus douce consolation des infortunés, celle de jouir des sentiments de commisération que leur sort doit réveiller dans tous les cœurs droits et sensibles! Elles n'enchaîneront pas du moins, Sire, nos efforts pour recourir à l'autorité légitime de Votre Majesté. La constitution elle-même nous indique ce recours, et nous aurons le courage

d'essayer de le saisir; jamais on n'eut plus de titres pour l'exercer avec confiance. >>

Ils exposent ensuite qu'ils sont enfermés à cause du refus de serment; qu'ils ont été indignement calomniés; qu'ils sont incarcérés pour la seconde fois, non comme coupables, mais comme suspects, et en vertu d'un arrêté arbitraire rendu contre l'esprit et la lettre de la loi; et qu'on a violé à leur égard la loi d'amnistie. La requête est signée par quarante et un prêtres détenus (1).

On dit que le roi versa des larmes à la lecture de cette requête. Mais il n'y pouvait rien, étant retenu lui-même prisonnier dans son palais, et ne pouvant plus faire usage d'aucune de ses prérogatives consti→ tutionnelles sans exciter la fureur des membres de l'Assemblée et les aboiements de la presse révolutionnaire. La requête resta donc sans effet; elle fut imprimée et vendue à Paris au profit des prisonniers. Paris, où il y a toujours eu, à côté d'une populace effrénée, des âmes si pures, de vrais anges, répondit généreusement à cet appel de charité. Il n'était point inutile, car les prisonniers restèrent enfermés au château de Brest; leur nombre fut augmenté par d'autres arrestations et par des prisonniers venus des départements voisins. Ceux de la Manche y furent conduits les mains liées, dans d'ignobles tombereaux (2).

Je ne parlerai pas de la manière dont on les traitait en prison, où ils étaient entassés les uns sur les autres, dans des lieux infects, ne recevant pour nourriture

(1) Tresvaux, Hist. de la Persécut. révol. en Bretagne, t. I, p. 327.

(2) Nouveau compte rendu au Roi, p. 16.

que ce qu'il fallait pour ne pas mourir. Il leur était défendu de sortir de leur salle, de prendre l'air, et de recevoir la visite de leurs parents et de leurs amis (1).

Nous touchons à l'année 1792, année fertile en grands et lugubres événements, année où la haine contre le clergé catholique va prendre chaque jour un nouvel accroissement, jusqu'à ce qu'elle arrive à l'extermination des uns et à la déportation des autres. Plus de repos tant qu'il y aura un seul prêtre sur le sol français. Nous nous trouvons transportés comme aux premiers siècles du christianisme, où la persécution sévissait avec tant dé fureur contre les chrétiens.

Les prêtres catholiques continuent d'abord d'être dénoncés; mais ils le sont plus gravement. Jusque-là on ne les avait guère accusés que d'être les instigateurs des troubles qui éclataient dans les paroisses où ils demeuraient; maintenant on met sur leur compte des choses bien plus graves : on les accuse d'apporter des entraves à la perception des impôts, et même à la circulation des grains; et bientôt, quand on sera menacé de guerre, on les accusera d'être d'intelligence avec l'étranger, et d'embaucher des soldats pour l'armée des princes.

Cette recrudescence de persécution est due à un événement qui s'est passé à la fin de décembre (1791), et que je prie le lecteur de bien remarquer : c'est que te club des Jacobins, si hostile au clergé, a rejeté le masque dont il s'était couvert lorsqu'il était menacé par les feuillants, et est devenu franchement persécuteur. Nous avons vu que ce club était sur le point de se dissoudre au profit des feuillants. En effet, tous les

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 227.

hommes sensés, amis sincères de la monarchie constitutionnelle, avaient quitté ce club, et plus des deux tiers des sociétés affiliées s'étaient joints à eux. Les jacobins, pour les regagner, affectèrent une grande modération et un attachement sincère à la constitution, sauf à la renverser dès qu'ils seraient les maîtres. Cette ruse leur réussit parfaitement. Beaucoup d'hommes qui les avaient quittés revinrent à eux. Les anciennes sociétés affiliées en province se séparèrent successivement des feuillants, pour retourner à leur ancien club (1). Cependant les membres du club des Feuillants ne se découragèrent pas; ils sentirent d'autant plus le besoin de se réunir et de serrer leurs rangs, que l'esprit de la nouvelle Assemblée était républicain, et qu'il était nécessaire de l'empêcher de devenir dominant. Les ministres d'alors favorisaient cette réunion de tout leur pouvoir, dans l'espérance qu'ils y trouveraient, au besoin, des moyens de comprimer la turbulence des jacobins (2). Les révolutionnaires, les jacobins surtout, ne voyaient pas ce club de bon œil, parce qu'ils y apercevaient le centre de la seule opposition qu'ils eussent à craindre dans l'Assemblée et dans l'administration: tout le monde disait qu'il était sous l'influence de Barnave, des Lameth, de Duport, de Beaumetz, etc.; et, en effet, ce club était une réunion imposante d'illustrations civiques, de puissants fortunés, de talents remarquables. Les jacobins résolurent de le disperser, comme ils avaient déjà fait de plusieurs autres. Ils commencèrent d'abord par le rendre odieux

(1) Hist. parlem., t. V, p. 469.

(2) Lameth, Hist. de l'Assemb. constit.

au peuple en le représentant comme une assemblée d'intrigants, amis de la cour, qui voulaient tout corrompre, tout gouverner, et disposer exclusivement des places et des élections aux assemblées nationales. Les feuillants, pour ôter tout soupçon et faire connaître leurs véritables doctrines, rendirent leurs séances publiques, que jusque-là ils avaient tenues fermées. C'était précisément ce que demandaient les jacobins, qui y envoyèrent leurs affidés, leur peuple. Aussitôt les séances furent troublées par le tapage des tribunes, et bientôt interrompues par un attroupement bruyant, qui envahit même la partie de la salle réservée aux membres du club et dispersa la réunion. Quelques paroles extraites d'un journal recommandable, dirigé par l'abbé Royou, peuvent nous faire apprécier la portée de cet événement : « La meute des jacobins semble avoir quitté la piste des aristocrates pour se jeter à la poursuite d'un autre gibier elle donne maintenant la chasse aux feuillants... Les jacobins, dont l'établissement a déjà une antiquité de trois ans, les jacobins, qui, depuis le commencement de la révolution, ont joui du privilége exclusif des insurrections, des pillages, des massacres et des incendies, qui sont en possession de vexer, de tyranniser, d'opprimer les honnêtes gens dans toute l'étendue du royaume, enorgueillis d'ailleurs par des intelligences qu'ils entretiennent dans le sein de l'Assemblée et par l'influence qu'ils ont sur les décrets, n'ont pu voir sans indignation se former dans le voisinage un nouvel ordre de patriotes qui n'ont ni le même nom, ni la même règle, ni la même observance; ils ont pressenti les suites funestes que pourrait avoir, pour leur crédit et pour leur autorité, cette commu

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