صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

retentissaient chaque jour, et de la violence avec laquelle on avait attaqué l'adresse du directoire de Paris, se crut donc obligé de prendre des précautions avant de déclarer son refus de sanction à la loi du 29 novembre. Il changea les ministres qui avaient déplu à l'Assemblée, et en prit de nouveaux dans le parti consti-. tutionnel (6 décembre), tels que Cahier de Gerville et Narbonne. Delessart, ministre de l'intérieur, passa aux affaires étrangères; Bertrand de Molleville resta à la marine. Des correspondances, venues des frontières de l'est, avaient inspiré des craintes sur les manoeuvres des émigrés. L'Assemblée, d'après un discours violent d'Isnard, exigea des électeurs du Rhin le désarmement des émigrés (29 novembre), et la défense de tout attroupement. Le roi se rendit lui-même à l'Assemblée pour donner son consentement à cette mesure, ce qui excita le plus vif enthousiasme (1). De plus, le roi fit publier la destitution de tous les agents diplomatiques accusés d'aristocratie, et leur remplacement par des hommes dévoués aux nouvelles institutions. Voilà les précautions que le roi se croyait obligé de prendre, afin de pouvoir user d'une prérogative accordée par une constitution dont on se disait les adorateurs.

Enfin, le 19 décembre 1791, le garde des sceaux adressa à l'Assemblée la note de non-sanction relative au décret concernant les prêtres : Le roi, y était-il dit, se réservait d'examiner. Le dépit et le mécontentement étaient dans tous les cœurs; cependant la séance n'en fut point troublée. Le lendemain, un des plus mécontents, le député Delcher, de la Haute-Loire,

(1) Moniteur, séance du 14 décembre 1791.

chercha à contester au roi le droit d'apposer son veto à des lois aussi urgentes, et proposa, dans le doute, d'en faire un appel au peuple souverain. Voici en quels termes il s'exprime :

« Vous êtes les représentants du peuple français; c'est à vous qu'il a confié l'exercice de sa souveraineté. Vous devez donc remplir la tâche importante dont il vous a honorés. Il s'agit de savoir quels sont les actes qui ont besoin de sanction, et si le roi peut refuser de sanctionner les décrets provoqués par des dangers imminents. D'après la constitution, le roi a le droit de suspendre les actes du corps législatif; mais les décrets urgents, les décrets de circonstance, tels que ceux que vous avez rendus contre les rebelles émigrés et contre les prêtres factieux, n'ont pas besoin de sa sanction. Qu'il la refuse aux lois contraires à l'intérêt général, à la bonne heure; dans ce cas, le roi est le surveillant du corps législatif, comme le corps législatif est le surveillant du pouvoir exécutif. En vain m'objectera-t-on que cette distinction n'existe pas dans la constitution; en vain m'opposera-t-on que l'Assemblée législative ne peut être juge dans le cas où la loi permet le veto 'd'une manière indéterminée : je dis qu'alors il faut consulter la nation entière, et je conclus à ce qu'il soit fait une adresse au peuple français, expositive de ce qu'a fait l'Assemblée nationale pour réprimer les rebelles émigrés et les prêtres factieux, et de ce qu'a fait le pouvoir exécutif pour arrêter l'effet de cette loi... (Cris A l'ordre!) Je conclus donc à ce qu'il soit fait une adresse au peuple français, qui décidera en souverain; et alors l'Assemblée nationale prononcera ultérieurement ce qu'il appartiendra. » (Les tribunes applaudissent.)

Cette motion tendait tout simplement à mettre la constitution en pièces, et à ameuter tous les révolutionnaires de France contre le roi. C'était précher l'insurrection, comme l'a dit un membre de l'Assemblée; et tout cela par haine contre le clergé catholique. On perd le courage d'écrire, quand on pense à ces mesures extrêmes, à ces mesures inouïes et exceptionnelles qu'on prenait contre les prêtres fidèles. En les supposant coupables, même malfaiteurs, pourquoi donc deux poids et deux mesures? La France a été couverte d'incendies et de meurtres; des brigands ont infligé, dans les rues de Paris, aux sœurs de la Charité, des peines pires que la mort ; des incendiaires, des assassins ont été arrêtés, poursuivis et convaincus; l'Assemblée nationale n'a eu pour eux que de l'indulgence, ou des décrets d'amnistie et d'abolition de procédure. Les assassins de la glacière d'Avignon, poursuivis et convaincus, vont être amnistiés; et, dans ce moment même où l'on sévit si cruellement contre les prêtres, on demande grâce pour les soldats suisses, condamnés aux galères pour s'être révoltés contre leurs chefs et avoir versé le sang à Nancy (1). Les prêtres sont les seuls coupables pour qui on n'a que des rigueurs et des mesures extrêmes; et si le roi veut s'y opposer, on se retourne contre lui.

En effet, aussitôt que le veto fut officiellement annoncé, toute la colère qu'on avait contre les membres du directoire de Paris, et toute la haine dont on était animé contre les prêtres, tournèrent contre le roi. L'Assemblée nationale fut exaltée jusqu'aux nues, le roi abaissé jusque dans la boue; on l'appelait traitre, sous

(1) Moniteur, 1er novembre 1791.

prétexte qu'il était d'accord avec les ennemis du dedans et du dehors. Il n'était plus regardé que comme un embarras qui entravait la marche de la révolution, et qui s'opposait au bonheur indicible qu'on en atten. dait toujours, malgré les terribles épreuves par lesquelles on avait déjà passé. L'insolence des journaux allait toujours croissant; le veto, qui empêchait de poursuivre les prêtres, contre lesquels on nourrissait tant de haine, y mit le comble. Nous pouvons en juger par un extrait du journal de Prudhomme (1):

<< Encore un veto! dit-il; c'est le second depuis deux mois... Si c'est là le train des affaires publiques (et toutes les apparences nous en menacent), citoyens, avisez vous-mêmes à ce qui vous reste à faire; nous n'avons plus de conseils à vous donner. Le veto est un boulet que l'Assemblée nationale s'est condamnée à traîner avec elle : tout élan généreux lui est interdit désormais, et bientôt la lassitude lui ôtera le courage. Et vous, véritables représentants du peuple, législateurs patriotes, venus de tous les coins de l'empire pour mettre en commun vos lumières et vos bonnes intentions, en vain étudiez-vous les besoins de vos commettants; en vain interrogez-vous la sagesse de tous les lieux et de tous les âges pour en appliquer les résultats à la régénération de votre pays : à quoi aboutiront vos travaux assidus et pénibles? Votre bon génie vous inspire vainement des décrets accommodés aux circonstances; à côté de vous est le génie du mal, qui veille pour détruire le bien à mesure que vous l'opérez...

« La constitution a décrété la loi martiale; mais elle

(1) No 128, p. 532.

ne défend pas, donc elle permet au peuple de se rassembler sans armes sur le passage du roi ou aux portes de son château, et de lui faire dire, par un orateur député par lui :

:

<< Sire, nous sommes ici présents sous vos fenêtres cinquante mille citoyens paisibles, pas si bien habillés que vos gardes; mais nous nous sommes dépouillés pour les vêtir. Écoutez-nous sans intermédiaire; nous venons vous parler de vos veto. Vous avez attendu bien tard pour en user; cependant le décret du marc d'argent vous en offrait une belle occasion. Il paraît que vous voulez réparer le temps perdu. Mais nous vous le demandons sans humeur, répondez-nous de même si vous prenez l'habitude de dire Veto à chaque bonne loi, à chaque décret urgent, à quoi nous servirat-il d'avoir une Assemblée nationale? Ce n'était pas la peine qu'ils accourussent de si loin, et qu'ils fissent tant de beaux discours pour bien arranger un décret que vous anéantissez d'un seul mot! Savez-vous, Sire, que c'est bientôt dit, Veto, et qu'on a été plus longtemps à combiner la loi contre les émigrants et contre les prêtres? Convenez avec nous, Sire, qu'il n'est guère probable que vous possédiez à vous seul plus de lumière et de sagesse que les quatre-vingt-trois départements ensemble; convenez qu'il est étrange d'attacher la destinée d'un peuple immense à deux syllabes tombées de vos lèvres royales. Du fond de votre palais, obsédé la nuit et le jour par une épouse vindicative et une sœur bigote, entre un Barnave et un Dandré, un Malouet et un Talleyrand, comment pourriez-vous vous flatter de connaître la véritable disposition des esprits?.... Nous sommes bien fâchés que la besogne

« السابقةمتابعة »