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coups de hache ou de pique; on les envoyait sur les pontons, ou dans des régions éloignées et inconnues, où on les laissait mourir de faim et de misère. Ceux qu'on avait transportés à la Guyane furent envoyés pour la plupart dans de vastes déserts, comme ceux de Sinamary et de Konanama, d'où l'on espérait qu'ils ne reviendraient plus. En effet, cent soixante y laissèrent la vie. Les autres dépérissaient à vue d'œil, dévorés par des insectes, affaiblis par des maladies et par une nourriture grossière et insuffisante. Nous aurons occasion de parler de cette nouvelle barbarie inventée par les révolutionnaires. Les malheureux prêtres ne pouvaient pas même correspondre avec leur pays, et réclamer quelque secours : leurs correspondances étaient interceptées par ordre du gouverneur. Ils trouvèrent moyen de glisser quelques lettres dans des vaisseaux anglais, et d'exposer leur misère et leur dénûment à leurs confrères en Angleterre. Ceux-ci en furent touchés jusqu'aux larmes, et, quoique réduits eux-mêmes à un strict nécessaire, ils ouvrirent entre eux une souscription qui produisit douze cents livres. sterling (30,000 fr.) Un jeune officier français de la marine royale, M. de la Grandière, se dévoua généreusement pour aller leur porter cette somme, qui, sans ce dévouement, ne leur serait point parvenue. Jamais aumône n'a été mieux placée (1).

Les prêtres réfugiés en Angleterre se rendaient de plus en plus dignes de la considération dont ils jouissaient. Pour conserver l'esprit ecclésiastique dans toute sa pureté, ils avaient soin de le renouveler dans le

(1) De Lubersac, Journal hist, et relig., etc., p. 91.

exercices de retraites spirituelles. « C'était un spectacle nouveau pour l'Angleterre, dit un témoin oculaire, que de voir ces nombreuses légions de prêtres accourir le soir et le matin, pendant huit jours, à ces exercices de piété, à ces méditations saintes, à ces discours que M. Beauregard, un de leurs principaux prédicateurs, était chargé de prononcer. » Là, leurs sentiments s'épuraient; là, leurs cœurs se purifiaient dans la pénitence; là, ils adressaient au ciel des vœux pour leurs bienfaiteurs. La retraite se terminait par une communion générale; c'étaient jusqu'à douze cents prêtres, tous ceux que l'église pouvait contenir, qui s'approchaient successivement de la sainte table, et recevaient la communion avec une ferveur angélique. Trois fois Londres a été édifié de ce beau spectacle (1).

Les Anglais étaient pleins d'admiration, ils se félicitaient d'avoir prodigué leurs bienfaits à des hommes qui en étaient si dignes. William Pitt, appelé par ses nombreux admirateurs le premier homme d'État de son siècle, et qui, en effet, est un des plus habiles ministres que l'Angleterre ait possédés, rendit au parlement, en 1799, un éclatant témoignage aux prêtres français, dans un discours qu'il fit à leur sujet.

<< Notre sort, disait-il, est d'être témoins de la révolution la plus terrible que l'Europe chrétienne connaisse. Une nouvelle race, ennemie de la religion, s'est élevée, et, depuis Rome jusqu'en Hongrie, elle a ébranlé tous les trônes et attaqué tous les autels. Une de leurs premières atrocités a été le massacre d'une grande par

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 240.

tie de leur clergé, et le bannissement presque total de celui qui restait. Plusieurs milliers de ces respectables exilés ont trouvé un asile en Angleterre. » Le ministre, après avoir énuméré les secours que l'Angleterre a donnés avec une munificence (il pouvait le dire) dont les annales de l'univers ne fournissent pas un autre exemple, trace en deux mots le tableau de la conduite des prêtres..

<< Peu de personnes, dit-il, oublieront la piété, la conduite irréprochable, la longue et douloureuse patience de ces hommes respectables. Jetés tout à coup au milieu d'une nation étrangère, différente par sa religion, sa langue, ses mœurs, ses usages, ils se sont concilié le respect et la bienveillance de tout le monde par l'uniformité d'une vie remplie de piété et de décence. Le pays qui les a reçus a été favorisé du ciel. Dans les malheurs particuliers et publics que la plupart des autres pays ont éprouvés, la Providence l'a comblé de gloire et d'honneur. La paix a régné dans ses palais, l'abondance dans ses murs. Tous les climats ont été tributaires de son commerce, et toutes les mers ont été illustrées par ses victoires (1). »

Ce glorieux témoignage, qui était celui de toute l'Angleterre, fait autant d'honneur au peuple anglais qu'au clergé de France. Les Anglais avaient su vaincre leurs anciens préjugés de secte, et apprécier les vertus de leurs hôtes, si outrageusement calomniés dans leur patrie.

Tant de traits de charité, tant de témoignages d'estime et de vénération prodigués à de malheureux pros

(1) Tresvaux, Hist. de la Perséc. révol., t. II, p. 347.

crits, mériteraient une colonne de marbre ou de bronze érigée sur les bords de la mer, en face de l'Angleterre, avec cette inscription: Au peuple anglais, le clergé français reconnaissant. Du moins le clergé en gardera un perpétuel souvenir, et les inscrira dans ses annales comme un éternel monument de la munificence de cette grande nation.

L'Europe entière a rendu témoignage au clergé persécuté. Dans toutes les régions où la fureur révolutionnaire l'avait jeté, il a reçu des marques sincères d'estime et de respect. Ils s'en étaient rendus dignes par leur noble conduite; nulle part on n'a entendu une plainte contre un ecclésiastique français. En Italie, en Suisse, en Espagne, les prêtres exilés faisaient des retraites spirituelles et tenaient des conférences ecclésiastiques, comme en Angleterre. A Ferrare, elles étaient rédigées sous les yeux de l'évêque de Fréjus, et envoyées à Rome à une congrégation de savants cardinaux, désignés par le saint-père. Tous les ans on y faisait une retraite spirituelle, depuis l'Ascension jusqu'à la Pentecôte (1).

Telle a été la conduite de nos prêtres en pays étranger, non pendant une semaine ou un mois, mais pendant près de dix ans, où ils sont restés séparés de leur patrie. Les peuples, en considérant la vertu des uns, la constance et le martyre des autres, ont conçu une haute idée de l'Église gallicane. Ainsi, dans les desseins de la Providence, la persécution révolutionnaire a servi à faire honorer l'Église de France, à faire éclater la charité chrétienne, à renverser dans les pays pro

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 1104, 1139.

testants le mur de séparation qui existait entre eux et le clergé catholique; enfin, à inspirer à tous les peuples un profond dégoût pour des principes qui avaient produit de si monstrueux effets, et à les attacher plus invariablement à ces doctrines antiques et divines qui fant le salut des peuples et la gloire des nations.

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