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assermentés; qu'on les frappe sans pitié au nom de la loi, s'ils l'enfreignent, s'ils osent surtout exciter le peuple à lui désobéir; rien de plus juste, rien de plus nécessaire mais que jusqu'à ce moment on respecte leur culte comme tout autre culte, et qu'on ne les tourmente point dans leurs opinions. Puisqu'aucune religion n'est une loi, qu'aucune religion ne soit donc un crime. Sire, nous avons vu le département de Paris s'honorer d'avoir professé constamment ces principes; nous sommes convaincus qu'il leur doit en partie la tranquillité religieuse dont il jouit dans ce moment (1). Cé n'est pas que nous ignorions qu'il est des hommes turbulents par système, qui s'agiterout longtemps encore, et qu'on espérerait vainement ramener à des sentiments patriotiques; mais il nous est prouvé, par la raison et par l'expérience de tous les siècles, que le vrai moyen de les réprimer est de se montrer parfaitement juste envers eux, et que l'intolérance et la persécution, loin d'étouffer le fanatisme, ne feront qu'accroître ses fureurs.

<< Par tous ces motifs, et au nom sacré de la liberté, de la constitution et du bien public, nous vous prions, Sire, de refuser votre sanction au décret du 29 novembre et jours précédents, sur les troubles religieux (1).

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Cette pétition où cette adresse, comme on voudra l'appeler, nous dispense de toute réflexion sur la loi du 29 novembre. L'Assemblée, qui y est traitée avec hauteur, était confondue par la raison et la loi fondamen

(1) Elle n'était pas de longue date. (2) Moniteur.

Hist. parlem., t. VI, p. 181, édit. compacte.

tale du pays. Aucune religion n'est une loi, aucune religion ne peut donc être un crime, selon les auteurs de l'adresse; or, les anciens pasteurs n'étaient poursuivis qu'à cause de leur attachement à la foi catholique, à cause de leur culte et de leur zèle à préserver du schisme les peuples dont ils étaient les seuls pasteurs. Voilà tout leur crime, voilà ce qui excitait contre eux la haine aveugle et insensée des administrateurs des départements et des membres du corps législatif. Les directeurs du département de Paris ne l'ignoraient pas; c'est pourquoi ils appuyèrent si fortement sur cet axiome Puisqu'aucune religion n'est une loi, qu'aucune religion ne soit donc un crime.

L'adresse du directoire produisit un grand effet, soit à Paris, soit dans les départements. La presse révolutionnaire ne pouvait que balbutier devant cette logique serrée qui concluait en faveur de la liberté du culte catholique. Elle était réduite forcément à mettre bas les armes du raisonnement, pour reprendre celles de la passion; elle ne sut qu'exhaler sa haine contre les ministres de Dieu et leurs défenseurs; il en fut de même dans les diverses sections de Paris, qui combattirent l'adresse du directoire et apportèrent à l'Assemblée le résumé de leurs débats. N'ayant rien à répondre au raisonnement serré du directoire, ils se jetèrent sur des lieux communs, sur d'extravagantes banalités.

Le 11 décembre, Legendre, boucher de Paris, tigre par nature et quelquefois agneau par crainte ou lâcheté, se présenta à la barre de l'Assemblée au nom de la section du Théâtre-Français, et vociféra ces paroles féroces«< Tous les citoyens veulent entourer le sénat français de leur estime; il sera un jour le conseil de

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l'univers. Nous venons y adorer l'auguste liberté (4)... La liberté doit rouler les tyrans dans la poussière, et fouler les trônes qui ont écrasé le monde... Faites forger des millions de piques, et armez-en tous les bras.... Représentants du peuple, ordonnez l'aigle de la victoire et la renommée des siècles planent sur vos têtes et sur les nôtres... La foudre de la liberté ébranlera la terre, éclairera l'univers, frappera les tyrans. Ne laissons pas à la postérité la gloire de les anéantir... Dites aux ministres Nous armons le peuple... que votre supplice commence les tyrans vont mourir (2). »

Ces exécrables paroles étaient, comme on le voit, à l'adresse du roi.

Camille Desmoulins, le Voltaire de la rue, se présenta à son tour au nom des mêmes citoyens, et attaqua plus directement les auteurs de la pétition. Il leur reprocha le sang du Champ-de-Mars, l'abus de l'autorité qu'ils tiennent des bienfaits du peuple, la proclamation incendiaire (celle du 19 octobre) tendant à rouvrir non des chaires évangéliques aux prêtres, mais des tribunes séditieuses aux conjurés en soutane. Il dit à l'Assemblée qu'il fallait un grand exemple; que le directoire devait être mis en accusation; il chercha à le prouver, et ajouta << que la puissance du veto royal avait un terme, et qu'on n'empêchait pas avec un veio la prise de la Bastille. » Il finit par ces mots : « Ce sont les chefs qu'il faut poursuivre. Frappez à la tête; servezvous de la foudre contre les princes conspirateurs, de la verge contre un directoire insolent, et exorcisez le

(1) Il fallait être bien effronté pour parler de liberté, lorsqu'on attaquait ceux qui voulaient la liberté de conscience! (2) Hist. parlem., t. VI, p. 187, édit. compacte.

démon du fanatisme par le jeúne. » C'est par de telles raisons qu'une des sections de Paris prétendait répondre aux arguments du directoire. Elle veut recourir à la logique des piques : c'est assurément l'argument le plus tranchant. Il faut observer que c'est Fauchet, évêque intrus du Calvados, qui a fait lecture de cette dernière adresse, à la prière de Camille Desmoulins, qui ne lisait pas aussi bien. Fauchet était secrétaire de la section, et par conséquent un des signataires. Il avait fait des progrès, car il y avait à peine un mois qu'il se contentait de la suppression de la pension des ecclésiastiques, qu'il repoussait la persécution, et qu'il demandait pour tous la liberté de conscience: aujourd'hui il veut qu'on poursuive les défenseurs de cette même liberté, qu'on aille même plus loin, et qu'on frappe à la tete; aujourd'hui il est partisan de toutes les mesures de rigueur et de persécution énoncées dans la loi. Il montre quelles sont les dispositions du nouveau clergé envers ses anciens confrères. Il y eut d'autres adresses lues dans la séance du 12 décembre.

Cependant le roi, bien décidé à refuser sa sanction, ne le faisait pas encore annoncer à l'Assemblée; il se croyait obligé à certaines précautions, parce qu'il se rappelait quelle irritation avait causée son refus de sanction à la loi contre les émigrés, qui avait été rendue peu auparavant (9 novembre 1791), Les émigrés rassemblés au delà du Rhin avaient été déclarés suspects, et menacés de mort et de la perte de leurs biens, s'ils n'étaient point rentrés avant le 1er janvier; les princes n'étaient point exceptés. Déjà, dans la séance

(1) Hist. parlem., t. VI, p. 188.

du 28 octobre, l'Assemblée avait requis Monsieur comte de Provence (Louis XVIII), de rentrer en France dans le délai de deux mois, sous peine d'être déchu de ses droits et prérogatives. Le roi avait accepté ce dernier décret contre son frère, mais il avait refusé sa sanction à celui contre les émigrés. Duport-Dutertre, ministre de la justice, avait été fort mal accueilli lorsqu'il était venu annoncer à l'Assemblée le veto royal (le 12 novembre). On ne lui avait pas même laissé la liberté de donner communication des mesures que le roi avait prises pour faire rentrer les émigrés sans recourir aux rigueurs de l'Assemblée. Le roi voulait se servir, à l'égard de ces hommes dévoués à sa personne, de son autorité royale, qui n'avait jamais été méconnue. Il leur adressa une proclamation dans laquelle il les rappelait dans leur patrie et auprès de leur roi, en faisant valoir tour à tour les motifs d'honneur, de devoir, d'obéissance, d'intérêt général et d'avantage particulier : il s'adressa plus spécialement aux princes ses frères, pour les exhorter à donner l'exemple de la soumission. Mais cette voix, qui était autrefois écoutée comme celle de Dieu, n'était plus, aux oreilles de la fidèle noblesse, qu'un vain bruit d'un pouvoir enchaîné. Les émigrés continuèrent au delà du Rhin leurs manoeuvres, se faisant une illusion complète sur leurs futurs succès. Les révolutionnaires et les rédacteurs des journaux s'en prirent au veto, attaquèrent le roi avec une extrême violence, l'accusant tour à tour de perfidie, d'imposture, d'égoïsme et de trahison (1).

Le roi, témoin de ces diatribes dont les journaux

(1) Hist. parlem., t. XII, p. 240, grande édition.

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