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le roi consultait quelquefois, lui conseillèrent de refuser sa sanction; mais à ce conseil ils en ajoutaient d'autres que le roi ne pouvait se résoudre à suivre. Ainsi ils lui conseillaient d'éloigner de sa personne tous les prêtres non assermentés, et de ne composer sa chapelle que d'ecclésiastiques constitutionnels: de cette sorte, tout en s'opposant au nouveau décret, il ne laisserait aucun doute sur ses dispositions personnelles. Duport-Dutertre, garde des sceaux, était fortement prononcé pour cet avis, et il le fit approuver par les autres ministres. Lors donc que le conseil eut arrêté, à la grande satisfaction de Louis XVI, que le veto serait apposé, il ajouta, comme avis, qu'il serait convenable d'entourer la personne du roi de prêtres non suspects. Louis XVI, qui avait déjà été obligé précédemment de prendre ce parti pour apaiser une émeute, n'était point disposé à y revenir une seconde fois. Il répondit avec beaucoup de raison à ses ministres que la liberté des cultes, décrétée pour tout le monde, devait l'être pour lui comme pour ses sujets, et qu'il devait avoir la liberté de s'entourer des prêtres qui lui convenaient. Comme le roi paraissait bien décidé en donnant cette réponse, on n'insista pas; et, sans en donner connaissance encore à l'Assemblée, le veto fut décidé (1).

Il ne pouvait pas déplaire à ceux qui avaient conservé quelque attachement pour la constitution; car rien n'y était plus opposé que la loi du 29 novembre 1791. Le directoire du département de Paris, qui déjà plusieurs fois (le 7 mai et le 19 octobre 1791) s'était

(1) Mémoires de Bertrand de Molleville. t. VI, p. 181.

Hist. parlem.,

prononcé pour l'entière liberté des cultes, était alarmé de la nouvelle atteinte que venait de lui porter l'Assemblée nationale. Craignant que le roi n'eût la faiblesse d'y consentir, il lui envoya une adresse en forme de pétition, où il entre dans un examen approfondi de la nouvelle loi pour en faire ressortir le danger, l'injustice et l'absurdité, et détourner le roi d'y donner sa sanction. Cette adresse appartient à l'histoire ecclésiastique; elle est remarquable sous le rapport du style et de la dialectique; c'est probablement Talleyrand qui l'a rédigée : il en est du moins le signataire avec Germain Garnier, Brousse, Beaumetz, la Rochefoucauld, Desmeuniers, Blondel, Thiou-Delachaume, Ansous, Davoust, qui composaient le directoire de Paris, et qui presque tous étaient des membres considérés de la Constituante. Il faut leur passer les mots de fanatisme et de superstition, que les philosophes ne manquaient jamais d'employer quand il s'agissait des prêtres du culte catholique.

<< Sire, l'Assemblée nationale a certainement voulu le bien, et ne cesse de le vouloir : nous aimons à lui rendre cet hommage, et à la venger ici de ses coupables détracteurs. Elle a voulu extirper les maux innombrables dont, en ce moment surtout, les querelles religieuses sont la cause ou le prétexte. Mais nous croyons qu'un aussi louable dessein l'a poussée vers des mesures que la constitution, que la justice, que la prudence ne sauraient admettre.

<< Elle fait dépendre, pour tous les ecclésiastiques non fonctionnaires, le payement de leurs pensions de la prestation du serment civique, tandis que la constitution a mis expressément et littéralement ces pensions

au rang des dettes nationales. Or, le refus de prêter un serment quelconque, de prêter le serment même le plus légitime, peut-il détruire le titre d'une créance qu'on a reconnue? et peut-il suffire, dans aucun cas, à un débiteur, d'imposer une condition pour se soustraire à l'obligation de payer une dette antérieure?

« L'Assemblée nationale constituante a fait, au sujet des prêtres non assermentés, ce qu'elle pouvait faire; ils ont refusé le serment prescrit, elle les a privés de leurs fonctions, et, en les dépossédant, elle les a réduits à une pension. Voilà la peine, voilà le jugement. Or, peut-on prononcer une nouvelle peine sur un point déjà jugé, toutes les fois qu'aucun délit individuel ne change pas l'état de la question?

« L'Assemblée nationale, après que les prêtres non assermentés auront été dépouillés, veut encore qu'on les déclare suspects de révolte contre la loi, s'ils ne prêtent pas un serment qu'on n'exige d'aucun autre citoyen non fonctionnaire. Or, comment une loi peut-elle déclarer des hommes suspects de révolte contre la loi? A-t-on le droit de présumer ainsi le crime?

« Le décret de l'Assemblée nationale veut que les ecclésiastiques qui n'ont point prêté le serment, ou qui l'ont rétracté, puissent, dans tous les troubles religieux, être éloignés provisoirement, et emprisonnés s'ils n'obéissent à l'ordre qui leur sera intimé. Or, n'est-ce pas renouveler le système des ordres arbitraires, puisqu'il serait permis de punir de l'exil, et bientôt après de la prison, celui qui ne serait pas encore convaincu d'être réfractaire à aucune loi?

<< Le décret ordonne que les directoirés de départe

ment dressent des listes des prêtres non assermentés, et qu'ils les fassent parvenir au corps législatif avec des observations sur la conduite individuelle de chacun d'eux, comme s'il était au pouvoir des directoires de classer des hommes qui, n'étant pas fonctionnaires publics, sont confondus dans la classe générale des citoyens; comme si des administrateurs pouvaient se résoudre à former et à publier des listes qui, dans des jours d'effervescence, pourraient devenir des listes sanglantes de proscription; comme, enfin, s'ils étaient capables de remplir un ministère inquisitorial que nécessiterait l'exécution littérale de ce décret.

« Sire, à la lecture de ces dispositions, tous les individus qui vous présentent cette pétition se sont demandé s'ils se sentiraient ce genre de dévouement; tous ont gardé le plus profond silence. Eh quoi! il faudrait donc qu'ils tinssent ce langage à chacun de leurs concitoyens : Dites quel est votre culte; rendez compte de vos opinions religieuses; apprenez-nous quelle profession vous avez exercée, et nous verrons alors si vous avez droit à la protection de la loi; nous saurons s'il nous est permis de vous donner la paix. Si vous avez été ecclésiastique, tremblez; nous nous attacherons à vos pas; nous épierons toutes vos actions privées ; nous rechercherons vos relations les plus intimes : quelque régulière que puisse être votre conduite, à la première émeute qui surviendra dans cette ville immense, et où le mot de religion aura été prononcé, nous viendrons vous arracher à votre retraite, et, malgré votre innocence, nous pourrons impunément vous bannir des foyers que vous vous êtes choisis.

<< Si la France, Sire, si la France libre était réduite à

entendre ce langage, où est l'homme qui pourrait se résoudre à en être l'organe ?

« L'Assemblée nationale refuse à tous ceux qui ne prêteraient pas le serment civique la libre profession de leur culte. Or, cette liberté ne peut être ravie à personne; aucune puissance n'a pu la donner, aucune puissance ne peut la retirer. C'est la première, c'est la plus inviolable de toutes les propriétés. Elle est consacrée à jamais dans la déclaration des droits, dans les articles fondamentaux de la constitution; elle est donc hors de toutes les atteintes.

« L'Assemblée nationale constituante ne s'est jamais montrée plus grande, plus imposante peut-être aux yeux de la nation, que lorsque, au milieu des orages mêmes du fanatisme, elle a rendu un hommage éclatant à ce principe. Il était perdu dans les siècles d'ignorance et de superstition, il devait se retrouver aux premiers jours de la liberté mais il ne faut pas qu'il puisse se reperdre; il ne faut pas que, sur ce point comme sur tout autre, la liberté puisse rétrograder.

<<< Vainement on dira que le prêtre non assermenté est suspect: et, sous le règne de Louis XIV, les protestants n'étaient-ils pas suspects aux yeux du gouvernement, lorsqu'ils ne voulaient pas se soumettre à la religion dominante? Et les premiers chrétiens n'étaient-ils pas aussi suspects aux empereurs romains? Et les catholiques n'ont-ils pas été longtemps suspects en Angleterre, etc.? Sur un tel prétexte, il n'est aucune persécution religieuse qu'on ne puisse justifier. Un siècle entier de philosophie n'aurait-il donc servi qu'à nous ramener à l'intolérance du seizième siècle par les routes mêmes de la liberté? Que l'on surveille les prêtres non

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