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tion. Plus élevé en dignité, il eut aussi une plus grande part dans les outrages qu'une soldatesque effrénée prodiguait aux malheureux prisonniers; mais il les supportait avec d'autant plus de calme, qu'il s'estimait heureux de pouvoir souffrir quelque chose pour le nom de Jésus-Christ.

Un jour où les prisonniers étaient entourés de ces gardes, qui mettaient tout leur plaisir à insulter au malheur, un gendarme s'assit à ses côtés, et lui dit tout ce qu'il pouvait inventer de sarcasmes grossiers et de basses railleries. Il lui parla de guillotine, le félicitant de ce qu'il représenterait dignement sur l'échafaud; il se leva ensuite, le salua profondément, lui donnant par dérision le nom de monseigneur, et tous les titres de noblesse et de distinction que l'Assemblée avait abolis. Le prélat ne répondit rien. Le gendarme, s'asseyant tout près de lui, alluma sa pipe, et lui en souffla la fumée sur le visage. L'archevêque ne dit rien encore; mais, sur le point de se trouver mal de la fétidité de la fumée, il changea de place. Le soldat brutal le poursuivit jusqu'à ce que sa cruelle obstination fût - Au milieu de vaincue par une patience inaltérable. la nuit, un prisonnier, troublé de quelque bruit qu'il avait cru entendre, réveilla l'archevêque en sursaut, en disant Monseigneur, voilà les assassins! Le prélat, parfaitement maître de lui, répondit avec douceur : Eh bien! si le bon Dieu demande notre vie, le sacrifice doit être tout fait; et sur ces paroles il se rendormit tranquillement (1).

Les évêques de Saintes et de Beauvais contribuaient

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 66.

III.

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également à fortifier les généreux confesseurs. Celui de Saintes, prisonnier volontaire, n'avait rien perdu de sa gaieté naturelle. Toujours riant, toujours prévenant, il allait au-devant des nouveaux venus, et les recevait comme s'il avait été au salon de son palais épiscopal. « Je ne me souvins plus de mes peines, disait un de ces confesseurs, lorsque enfermé aux Carmes je vis monseigneur l'évêque de Saintes s'approcher de moi, avec un air de gaieté et de sérénité qui me faisait douter s'il était aussi au nombre des prisonniers. Rien n'égalait encore, pour les nouveaux venus, les soins de deux jeunes curés, Auzurel et Fronteau. Un des objets qui me frappaient encore dans cette prison, si l'on peut appeler de ce nom un temple que la présence de tant de confesseurs rendait si auguste, c'était le silence religieux observé par nos prêtres au milieu du tapage scandaleux de nos gardes; c'était de voir grand nombre de ces prêtres habituellement à genoux devant l'autel, et rendant à la Divinité l'hommage des chérubins, tandis que cette impie soldatesque faisait retentir ce même temple des blasphèmes des démons (1).» Tels étaient ceux qu'on avait représentés au peuple comme des rebelles, comme des perturbateurs du repos public et ennemis de la patrie.

Ces exercices de piété étaient souvent troublés par le bruit du dehors, et par des alarmes qui semblaient leur annoncer la dernière heure. Un jour, ils entendaient au loin les cris d'une multitude nombreuse et des coups de fusil. Le bruit s'approcha; les chants cyniques de la révolution, le fatal Çà ira, s'entendaient

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 67.

distinctement. Les confesseurs ne doutaient plus que ces cris et ces menaces ne fussent dirigés contre eux. De toutes les parties de l'église tous coururent au sanctuaire, tous, à genoux, se mirent sous la protection de la reine des martyrs, et offrirent à Dieu le sacrifice de leur vie. La porte s'ouvrit, et ils virent entrer, à leur grand étonnement, tous les prêtres âgés et infirmes placés dans la maison de Saint-François de Sales, fondée à ce dessein. Ils ne remplissaient plus aucune fonction publique, et n'étaient point assujettis au serment; mais ils avaient le caractère sacerdotal, titre qui suffisait alors pour être enfermé. Après eux arrivèrent les directeurs et professeurs de Saint-Sulpice, avec un certain nombre de leurs élèves. Ils étaient tous escortés par les fédérés du Finistère. C'est la cause du bruit qu'ils avaient entendu. Les prisonniers avaient de la peine à comprendre qu'on eût arrêté les vieillards de la maison de Saint-François de Sales. « Il serait impossible, dit l'abbé de la Pannonie, d'exprimer le saisissement que nous éprouvions à l'aspect de ces respectables vieillards. Plusieurs pouvaient à peine se soutenir. Les traitements qu'ils avaient essuyés dans leur route me font frémir d'horreur. Il en est un surtout que ses infirmités empêchaient de suivre à pas égal ses cruels conducteurs; ils l'avaient tout meurtri en le poussant avec la crosse de leurs fusils, pour le faire marcher. Revenus de notre frayeur, nous nous empressâmes de procurer à ces nouveaux hôtes les secours dont ils avaient besoin. Nous en fûmes abondamment dédommagés par les beaux exemples que nous donnaient ces pieux solitaires. La sérénité de leur visage, leur patience et leur résignation ajou

taient singulièrement aux motifs de la nôtre. Ils remerciaient Dieu d'avoir prolongé leurs années, pour leur fournir l'occasion de mourir en preuve de la foi (1).

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Le nombre des prisonniers fut augmenté par des prêtres amenés de divers quartiers de Paris, et par les Eudistes, dont plusieurs avaient été arrêtés auparavant, entre autres Hébert, supérieur de la communauté, et confesseur du roi depuis la défection de Poupart, curé de Saint-Eustache. C'était un prêtre trèsdistingué par son savoir, son zèle et sa charité.

L'Assemblée législative, témoin de ces violences et de ces arrestations illégales et arbitraires, ne réclama pas le respect des lois ni les droits de l'humanité. Loin de là, elle se hâta de venir en aide à la commune, et de disposer législativement du sort des ecclésiastiques. On pouvait prévoir ce sort depuis longtemps, car on voulait la destruction du christianisme, et par conséquent le sacrifice du clergé catholique. Déjà, le 26 mai (1792), l'Assemblée avait porté la peine de déportation contre les ecclésiastiques qui, étant assujettis au serment, ne l'avaient pas prêté ou l'avaient rétracté, et contre ceux qui, n'y étant point assujettis, n'avaient pas fait le serment civique. Ces derniers pouvaient être déportés sur la dénonciation ou la demande de vingt citoyens d'un même canton.

Cette loi, dure, cruelle et barbare, avait révolté tous les honnêtes gens. Le directoire du département de Paris avait fait ses justes réclamations; sur quoi le roi s'est refusé à la sanction. Tout est changé

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 68.

depuis le 10 août; les lois non sanctionnées ont été déclarées exécutoires (1). Mais au moment où nous sommes arrivés, la première loi, qui avait paru si dure, si injuste, n'était plus assez sévère aux yeux des législateurs. Certains ecclésiastiques pouvaient encore échapper; il était difficile, dans certains départements, de trouver vingt citoyens d'un méme canton demandant la déportation de leurs pasteurs. Il fallait les atteindre tous pour arriver à l'entière destruction du christianisme : c'était là le grand embarras. Déjà le 19 août on avait admis la déportation en principe, selon ce qui avait été exécuté dans le département du Var; mais au moment où l'on y réfléchissait plus sérieusement, on trouvait ce projet hérissé de difficultés. Les prêtres non assermentés qui avaient résisté à tous les moyens de séduction et de violence étaient au nombre de cinquante mille. Or, envoyer à ses voisins cinquante mille personnes réduites à la misère, ce n'était point un beau cadeau à faire; on le sentait fort bien. D'ailleurs, on craignait d'augmenter l'armée des émigrés. Les enfermer tous, c'était un trop grand embarras; puis, on n'atteignait pas le but. Les transporter à la Guyane, selon l'avis de certains députés, cela coûtait trop cher, et l'on trouvait que ces ecclésiastiques n'en valaient pas le prix. Les jacobins avaient dans l'esprit un autre moyen de s'en défaire; mais ils n'osaient pas le proposer à l'Assemblée législative, qui d'ailleurs l'aurait repoussé, quelque favorable qu'elle eût été aux mesures de rigueur contre les ecclésiastiques.

(1) Moniteur, séance du 10 août.

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