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portes existent encore aujourd'hui : mais bien d'autres objets d'art et de grand prix périrent dans ce bouleversement général. On avait à regretter la destruction d'une fontaine où étaient figurés Charles VII et Jeanne d'Arc, morceaux précieux de vieille sculpture (1). Paris, après cette dévastation digne des sauvages, ressemblait à une ville prise d'assaut, et ravagée par les Vandales.

Le costume ecclésiastique, que portaient encore certains prêtres, fut proscrit le 12 août, comme étant mal yu du peuple (2). Le lendemain, l'Assemblée en fit un décret (3). Le 16, la commune ordonna d'enlever des églises les bronzes, même les crucifix, pour les convertir en canons. Par un arrêté du 20 août, elle autorisa les commissaires des sections à s'emparer de l'argenterie des églises, même des chandeliers, ordonnant en même temps de descendre les cloches et de les couler, à l'exception de deux par paroisse.

L'exécution de ce dernier arrêté a failli causer une nouvelle émeute dans Paris; car, comme nous l'avons déjà vu, la masse du peuple n'était point irréligieuse, malgré les crimes qu'on lui faisait commettre. Des rassemblements menaçants eurent lieu autour de plusieurs églises. Manuel, procureur de la commune, fut obligé d'intervenir et de faire une proclamation. Le peuple laissa faire, mais non sans murmurer. Cependant il y eut des réunions tumultueuses dans plusieurs églises, entre autres à Notre-Dame, où il a fallu

(1) Hist. parlem., t. XVII, p. 205.

(2) Ibid., p. 189.

(3) Moniteur, séance du 13 août 1792.

montrer la force armée (1). Le peuple était moins impie que ses chefs; car, nous le répétons encore, sans la constitution civile et les mesures vexatoires du corps législatif, le prêtre n'aurait jamais été inquiété. Les révolutionnaires, à force de dénonciations, étaient parvenus à faire passer le clergé fidèle comme ennemi de la patrie. Le peuple égaré, trompé par ses meneurs, finit par le croire, et applaudit aux arrestations qu'on avait opérées.

La commune avait fait enfermer ces ecclésiastiques sans pourvoir à leur subsistance; elle ne s'occupait pas de si petites choses. Ceux de Saint-Firmin furent logés dans les chambres des deux galeries du bâtiment neuf. Il ne leur était pas permis de communiquer avec le dehors, on interdit même toute communication d'un étage à l'autre pour l'empêcher, on avait placé des sentinelles aux extrémités et au milieu de chaque galerie. La seule personne qui les voyait librement était l'abbé Boulangier, procureur de la maison. La section. ne leur fournissait rien, ne permettait pas même qu'ils fissent apporter leurs effets, qui étaient sous scellés depuis le moment de leur arrestation. M. Boulangier fit un appel à la générosité des fidèles de la paroisse: ce ne fut pas en vain. Le quartier, quoique en général pauvre, fournit des secours abondants pour le soutien de ces confesseurs de la foi, qui étaient au nombre de plus de cent. C'est qu'il y avait à Paris deux peuples, l'un, impie et cruel; l'autre, compatissant, religieux, et fidèle à sa foi (2).

(1) Hist. parlem., t. XVII, p. 194.

(2) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 89.

Les prêtres entassés dans l'église des Carmes, au nombre de cent vingt, se trouvaient dans un complet dénûment, jusqu'à ce que les fidèles eussent l'autorisation de leur porter les choses de première nécessité. Ils avaient passé deux jours et deux nuits sans autre lit qu'une chaise. Plusieurs de ceux qu'on avait successivement amenés, soit le jour, soit la nuit, n'avaient pas le moyen de pourvoir à leur nourriture. Leur indigence et leur résignation touchèrent un des sectionnaires qui jusque-là avait montré le plus de fureur; il ordonna aux gardes de laisser entrer tout ce qu'on apporterait aux prisonniers, en prenant toutefois les précautions nécessaires pour s'assurer s'il n'y avait point d'armes. Il alla lui-même dans quelques maisons voisines inviter des personnes charitables à les secourir.

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Dès que cette autorisation fut accordée, rien ne manqua plus. Le faubourg Saint-Germain fit éclater ses nobles sentiments; on apporta des lits, des matelas et du linge en quantité. On s'arrangea avec un traiteur pour la nourriture. Une dame, qui ne permit pas de faire connaitre son nom, prit à sa charge vingt prisonniers pour tout le temps que durerait leur captivité. Elle ne fut pas longtemps à remplir ce devoir de piété; mais Dieu aura récompensé ses bonnes intentions. Nous regrettons que l'histoire ne nous ait pas transmis son nom, qui, aujourd'hui encore, ferait la gloire de sa famille. On permit aussi aux prisonniers de recevoir des visites, du moins à certaines heures. Leurs amis s'empressaient d'aller les consoler. Bien des personnes qui ne les connaissaient pas s'y rendaient pour s'édifier de leurs vertus, et surtout de leur tranquillité d'âme, qui se

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manifestait sur leurs traits. La promenade au jardin leur fut permise également, à la demande du médecin. Ils pouvaient se promener une heure le matin et autant le soir; quelquefois ils se promenaient tous ensemble; d'autres fois ils sortaient seulement par moitié, suivant le caprice des gardiens. Il y avait d'un côté, au fond du jardin, un petit oratoire qui servait d'orangerie en hiver; c'est là qu'ils allaient faire leur prière devant une statue de la sainte Vierge. Ils ne se doutaient pas que ce lieu allait être arrosé de leur sang.

Ce qui encourageait les prisonniers, c'était la présence des trois prélats. Dieu semblait les avoir placés auprès d'eux pour les consoler et les rassurer. Ils montraient tous les trois, au sein de cette prison, une tranquillité d'âme parfaite, une joie douce et pure, qui semblaient s'augmenter à mesure que les outrages s'accumulaient sur eux, car ils y ont passé de bien mauvais jours. Les gardes n'étaient pas toujours les mêmes. Les fédérés bretons ou marseillais, et les sans-culottes, venaient à leur tour, et exerçaient un cruel empire. Au simple aspect d'un prêtre, ils proféraient de grossières injures et de terribles menaces; ils croyaient donner par là des preuves de patriotisme. Les prisonniers, connaissant les jours où ils devaient être de garde, priaient leurs amis de ne pas venir les visiter, voulant supporter seuls leurs outrages.

La garde nationale du quartier était en général plus honnête, il faut lui rendre cette justice; ce n'était qu'à regret qu'elle remplissait les fonctions de geôliers.

« J'en ai vu, dit l'abbé de la Pannonie, qui ne pouvaient s'empêcher de s'attendrir sur notre sort, et de se récrier hautement sur l'injustice de notre détention.

Plus d'une fois, j'ai cru devoir les engager à être plus prudents. Je leur disais que notre sort n'était rien moins qu'à plaindre; que notre unique peine était de nous voir indignement calomniés auprès d'un peuple dont nous avions toujours été les meilleurs amis (1). J'ajoutais qu'il fallait bien encore nous résoudre à supporter cette calomnie pour l'amour de notre Dieu ; car nous savions bien que la haine de notre religion était la seule cause qui portait les impies à nous faire passer pour ennemis du peuple. Bien des gardes nationaux n'avaient pas besoin de ces réponses pour être convaincus de notre innocence; et, après avoir gémi sur nous, ils gémissaient sur eux-mêmes, de se voir réduits par la force à un service aussi injuste que celui de nous détenir en prison (2).

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On proposait à l'archevêque d'Arles, plus qu'octogénaire, de se servir de ses amis, de faire valoir au moins ses infirmités croissant chaque jour, pour obtenir d'être transporté chez lui : « Non, non, répondait-il, je suis trop bien ici, et en trop bonne compagnie. » Il s'y trouvait si bien, que, loin de demander le moindre adoucissement, il profitait de l'ascendant de sa dignité pour veiller à ce que les autres prisonniers eussent avant lui les objets nécessaires. La troisième nuit de l'emprisonnement, il n'avait pas encore de lit; il fut impossible de lui en faire accepter un, parce qu'il avait compté les matelas, et qu'il en manquait un pour quelque nouveau prisonnier. Ses discours fortifiaient les prêtres; sa douceur, sa piété, sa patience, les remplissaient d'admira

(1) Cela était rigoureusement vrai: les seuls et véritables amis du peuple étaient aux Carmes et à Saint-Firmin.

(2) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 64.

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