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temps: car on leur imposa bientôt un serment que leur conscience ne leur permettait pas de prêter, et on leur retrancha la pension.

Voilà ce que l'Assemblée faisait lorsqu'elle était tant pressée par les exigences des clubs. La haine qu'elle avait contre la religion ne pouvait pas lui faire oublier les asiles de la vertu, au milieu de tant de préoccupations politiques qui la pressaient de toutes parts; car les fédérés lui tenaient le poignard au cœur. Accompagnés des révolutionnaires de Paris, ils s'étaient réunis au Champ-de-Mars pour signer, sur l'autel de la patrie, une pétition plus subversive que celles qu'ils avaient faites jusqu'alors. Elle avait été concertée dans les clubs; c'est la dernière qu'on devait présenter à l'Assemblée. Si elle n'était point accueillie, on agirait par voie d'insurrection. Plus d'adresses, plus de pétitions! s'était écrié Merlin au club. Il faut que les Français s'appuient sur leurs armes, sur leurs canons, et qu'ils fassent la loi (1). Varlet, rédacteur de la pétition signée au Champ-de-Mars, se présenta à la barre avec une vingtaine de fédérés qui portaient une bannière surmontée d'un bonnet rouge, et ayant pour légende: Suppression du pouvoir persécutif. L'orateur déclara nuls tous les décrets rendus par la Constituante depuis le 21 janvier 1791, et demanda, d'un ton impérieux, de jeter un voile sur la Déclaration des droits de l'homme; de regarder Louis XVI comme ayant abdiqué; de convoquer les assemblées primaires; de donner le droit de voter à tout Français payant une contribution quelconque; de licencier tous les états

(1) Hist. parlem., t. XVI, p. 337.

majors des armées; d'exclure tout noble du commandement en chef dans la guerre de la liberté; de décréter la Fayette d'accusation, et de l'envoyer à la haute cour d'Orléans; de réintégrer les ministres patriotes, et de les charger du pouvoir exécutif par intérim; de renouveler tous les directoires des départements; de rappeler tous les ambassadeurs dans les cours souveraines; de rompre tous les rapports de politique ou de diplomatie; de faire des lois sévères contre toute espèce d'accaparement, contre l'usure, le monopole, ces assassinats moraux; et de révoquer les commandants des places fortes ou villes frontières nommés par le roi (1).

L'Assemblée était dans la stupeur; elle se voyait sous l'oppression des jacobins, et ne savait pas comment s'en délivrer. Elle fut comme abattue le lendemain en apprenant qu'en province on n'attendait pas même la destitution des fonctionnaires publics; qu'on les égorgeait pour s'en défaire au plus tôt. Une députation arrivée de Toulon venait annoncer qu'on avait mis à mort le procureur général du département, avec quatre administrateurs. Granet, député de Marseille, déposa un procès-verbal constatant les troubles populaires dont un grand nombre de citoyens avaient été victimes dans cette ville (2). Barbaroux en avait donné les détails, à sa manière, au club des Jacobins. Le peuple avait forcé la prison, en avait arraché un nommé Boyer, objet de sa haine, et l'avait mis à la lanterne. Quatorze personnes ont été pendues après lui; plus de

(1) Moniteur, séance du 6 août 1792. (2) Ibid., séance du 7 août 1792.

deux cents figuraient sur une liste de proscrits dont le peuple ne devait pas épargner un seul. Les membres du club trouvèrent ces actes très-patriotiques (1).

L'Assemblée était consternée; elle se sépara, livrée aux plus tristes réflexions. Évidemment il n'y avait plus de remède sans un effort suprême, sans un acte d'énergie, sans un coup d'État. Mais le roi n'avait ni le courage ni les moyens de le faire; et l'Assemblée, malgré la détresse où elle se voyait, aurait été la première à s'y opposer. La France était condamnée à périr. Cependant l'Assemblée fit encore un acte de courage et de justice dans l'affaire de la Fayette. La discussion en avait été remise au jeudi 8 août; on l'avait attendue avec la plus vive impatience, à cause de la haine qu'on avait contre la Fayette. Aussi s'était-on donné un rendez-vous général à l'Assemblée. Les tribunes étaient pleines de fédérés; une foule nombreuse se pressait dans les corridors, dans les salles et aux abords du manége.

La cause de la Fayette fut discutée avec une grande solennité. On plaida pour et contre; et, après d'orageux débats, l'Assemblée se prononça en sa faveur. La Fayette ne fut point décrété d'accusation, ni envoyé à la haute cour d'Orléans.

La rage était dans le cœur des jacobins. Merlin de Thionville, l'orateur des clubs, tenait des papiers à la main; il les déchira, et, les jetant au milieu de la salle, il s'écria: Que le peuple reprenne ses pouvoirs ; nous ne sommes pas faits pour le sauver (2). Les tri

(1) Hist. parlem., t. XVI, p. 239.
(2) Moniteur, séance du 8 août 1792.

bunes poussaient en même temps des hurlements et de féroces menaces. Les jacobins du dehors attendaient les députés du parti modéré à leur sortie, et les désignaient aux violences des séditieux. Des pierres, de la boue furent lancées sur eux; des couteaux, des poignards, des sabres furent levés sur plusieurs. D'autres furent pris au corps, et soulevés pour être pendus. Dumas fut traîné par terre, Girardin frappé; Vaublanc, Quatremère, Lacretelle, Daverhoult furent poursuivis, et sauvés du massacre par le courage et le dévouement de quelques bons citoyens et de quelques gardes nationaux, Girardin dut la vie à un de ses collègues, nommé Juery. Dumolard fut poursuivi jusque dans un corps de garde par un fédéré, qui criait avec rage qu'il lui couperait la tête si jamais il remettait les pieds dans l'Assemblée.

La séance des jacobins du 8 au soir fut extrêmement agitée. On poussait des cris de rage contre les députés qui n'avaient point voté la mise en accusation de la Fayette. On proposa de dresser une liste de tous les députés qui lui avaient été favorables. C'était une liste de proscription ou une sentence de mort. Un orateur fit la motion de l'imprimer et de l'afficher partout. Cette dernière partie fut rejetée, mais la confection de la liste et son impression furent admises et ordonnées (1). Les jacobins avaient communiqué leur irritation au peuple des clubs, dans le dessein d'en profiter pour l'attaque des Tuileries. Ils croyaient que le moment de l'attaque était arrivé; ils firent leurs préparatifs pour cet effet. L'insurrection était fixée au

(1) Hist. parlem., t. XVI, p. 370.

10 août. La veille, pendant la nuit, on installa à l'hôtel de ville une nouvelle municipalité, dont il est important de prendre connaissance. Sur la provocation de la section des Quinze-Vingts, une des plus mauvaises de la capitale, les sections décidèrent que chacune d'elles nommerait des commissaires qui iraient s'installer à l'hôtel de ville, avec plein pouvoir de veiller au salut public. Ces commissaires, au nombre de cent quatre-vingt-douze, pris pour la plupart parmi les plus exaltés jacobins, se rendirent successivement à l'hôtel de ville, prirent la place des anciens conseillers, qui n'osèrent pas contester la validité de leur mandat. Là, ils se communiquaient les dispositions prises dans leurs quartiers respectifs, correspondaient activement avec les sections et avec les autorités civiles et militaires. Ils donnaient des ordres, citaient à leur barre le commandant général de la garde nationale. En un mot, ils formèrent un nouveau gouvernement, et allèrent même jusqu'à nommer des ministres. C'est là l'origine de cette formidable commune de Paris, qui gouverna la révolution française par le double prestige de l'exaltation et de l'audace. Quoique composée d'obscurs fanatiques recrutés dans les clubs, accoutumés aux émeutes et aux meurtres, elle se trouva dès le jour de son avénement plus forte que l'Assemblée législative. L'ancienne municipalité était détruite, Péthion réduit à une inactivité forcée (1).

Danton, d'un autre côté, jetait, du haut de la tribune des Cordeliers, des paroles de feu : « Cessons, disait-il, d'en appeler aux lois et aux législateurs! Les lois,

(1) Voir son organisation, Hist. parlem., t. XVI, p. 410.

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