صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

jaloux de votre bonheur; il veut vous arracher aux demeures que vous avez choisies sous l'autorité des lois pour vous y sanctifier, pour vous y préparer au redoutable passage vers une nouvelle et meilleure vie. Il veut vous ravir les avantages et les douceurs de la vie et de la prière commune, pour vous jeter malgré vous au milieu des vaines dissipations du siècle. Mais vous confondrez les barbares projets d'une philosophie impie; et si Dieu permet que vous soyez forcées de céder pour un temps à la violence, il proportionnera ses dons à vos nouveaux besoins; il compensera par des consolations intérieures l'amertume de vos sacrifices. »

Le prélat finit sa lettre par une touchante exhortation à l'intrus qui occupait son siège. C'était un chanoine octogénaire de son église métropolitaine, nommé Pacareau, le seul, au reste, du chapitre qui eût fait défection (1).

« C'est à vous surtout, lui dit-il, que nous nous adressons, à vous qui avez usurpé notre chaire, à vous qui, loin de peser vos années pour vous préparer au compte redoutable que le Seigneur va vous demander, n'en avez profité que pour rendre plus contagieux votre exemple, que pour faire passer plus aisément, à l'abri de cette vénération que l'on porte à la vieillesse, la honte de votre apostasie et le crime de votre intrusion; qui, membre de l'église métropolitaine, avez été insensible à la douleur et aux dignes exemples de nos vénérables frères, et avez mis cette unique tache sur notre église commune. Rentrez en vous-même; effacez

(1) Moniteur, 26 mars 1791.

[ocr errors]

cet opprobre de vos larmes : les nôtres couleront avec les vôtres. Ceux qui se sont égarés sur vos traces pourront-ils vous résister lorsque vous leur parlerez le langage de la vérité, éux qui vous ont été dociles et soumis pour vous suivre dans la voie de l'erreur? Revenez dans la maison de Dieu, et ramenez-y ceux qui se sont rassemblés dans la vôtre et ont déserté celle du Seigneur. Qu'une fausse pudeur ne vous arrête pas! Le chef des pasteurs nous a enseigné ce que nous devons à la brebis égarée. Ah! nous pècherions autant contre la charité que vous avez péché contre la foi, si nous pouvions ne pas respecter les larmes de la pénitence et les gémissements du repentir.

« A Soigniès, lieu de notre retraite, le 10 août 1792 (1). »

Voilà encore un de ces écrits que, selon le langage des clubs et de l'Assemblée nationale, on appelait incendiaires. La révolution chercha à en punir l'auteur; et Champion de Cicé fut obligé de quitter la retraite où il s'était caché, de s'exiler en pays étranger, d'où il revint après une absence de dix ans. Ne pouvant se résoudre à habiter ce palais dont le perron avait été arrosé du sang de son vicaire général, il donna la démission de son archevêché pour accepter celui d'Aix, où il mourut le 22 août 1819, après de longs travaux et de cruelles souffrances (2)

La fête du 14 juillet fut célébrée également à Limoges par la mort ou plutôt par l'assassinat d'un prêtre appelé Chabrol, mais qui ne montra pas la même rési

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 726.

(2) Biographie universelle, art. Champion de Cicé.

gnation. Cet ecclésiastique était d'une force athlétique, et avait une grande adresse pour remettre les membres démis ou fracturés. Il la mettait à la disposition des pauvres de la campagne, auxquels il rendait de grands services. Il se défendit par la force de ses bras contre trois gardes nationaux qui étaient venus l'arrêter. Deux furent terrassés; le troisième alla chercher du secours au corps de garde; trente grenadiers arrivèrent armés de toutes pièces. Alors s'établit une lutte; le peuple accourut plus d'un mordit la poussière. Chabrol, déjà blessé, tomba au milieu de la foule, qui criait : A la lanterne! Le blessé se releva, ramassa ses forces, et jeta au loin dans la foule un grenadier nommé Montaigu, qui avait voulu le saisir. Enfin, accablé par le nombre, il succomba. Un cri de joie féroce se fit entendre. On insultait à son cadavre, on se disputait les lambeaux sanglants de sa soutane, qu'on portait en triomphe au bout de la baïonnette. On dit que le lendemain, lorsqu'un prêtre constitutionnel accompagnait au cimetière ses membres mutilés, des paysans arrivèrent de la campagne, portant deux estropiés dont M. Chabrol devait remettre les membres; et ils n'apprirent pas sans horreur que ce bienfaiteur de la contrée avait péri sous le fer des assassins (1).

A Alençon périt un bienfaiteur d'un autre genre, le père Dorothée, religieux capucin. Il était occupé nuit et jour, dans ces temps difficiles, à entendre les confessions, à porter les secours de la religion aux malades. La municipalité le fit arrêter, et le condamna à quelques jours de prison. La multitude porta un autre arrêt. A

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 25.

peine était-il sorti de l'hôtel de ville, qu'elle le saisit en poussant des cris de mort. Le père Dorothée, montrant la douceur d'un agneau, la résignation d'un ange, fut traîné, garrotté, et enfin assommé. La populace en délire porta sa tête comme un trophée de sa victoire sur l'aristocratie (1).

Nombre de prêtres périrent à cette même époque, victimes de leur zèle et de leur fidélité à la foi. A Marseille, six prêtres, appelés aristocrates et réfractaires, furent pendus à des réverbères le dimanche 22 juillet 1792 (2); d'autres personnes eurent le même sort (3). Un prêtre du diocèse du Mans, M. Duportail de la Binardière, ancien curé du Ham, fut arraché à Bellesme des bras de sa mère, auprès de laquelle il s'était retiré, et conduit sur la place publique, où on lui donna à choisir entre le serment et la mort : « J'ai fait à mon Dieu et à mon roi d'autres serments, répondit-il ; je ne les violerai pas pour faire les vôtres. » Sa tête tomba à l'instant sous le sabre des bourreaux. Nous mentionnerons encore, dans le diocèse de Séez, Guillaume de Saint-Martin, vicaire de Marcé. Arrêté par les patriotes au milieu de sa famille, il devait être conduit à Falaise. Mais, arrivé à Pont-Écrepin, on s'arrêta à un arbre de liberté, et là, devant cet emblème d'indépendance, on lui ordonna de renoncer au pape et à sa religion. Sur son refus, on lui coupa les cheveux et une oreille, et on le somma pour la dernière fois de renoncer au pape et à sa religion. Sur un nouveau refus plus éner

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 27.

(2) Moniteur, 2 août 1792.

(3) Hist. parlem., t. XVI, p. 239.

giqué encore que le premier, il tomba percé de trois balles au pied de l'arbre de la prétendue liberté (1).

A Lyon, où la masse du peuple avait conservé ses anciennes mœurs, malgré les cris d'une faction qui l'accusait de faiblesse et de superstition, et qui étalait l'athéisme et l'impiété, on ne tuait pas les prêtres; le peuple n'était pas encore préparé à une pareille cruauté. Mais le conseil général de la commune, par un arrêté du 7 août, ordonna de faire sortir de la ville tous les prêtres étrangers non assermentés, d'enfermer dans une maison de sûreté ceux qui déclareraient ne pouvoir s'en retourner dans leur ancienne résidence. Quant aux prêtres réfractaires de la ville, ils devaient être également incarcérés, lorsqu'ils seraient reconnus pour avoir cherché à propager leurs opinions religieuses (2).

A Paris, les prêtres semblaient être oubliés, parce qu'on y était entièrement occupé de la chute du trône; mais la haine contre eux était dans le cœur de la multitude, et éclatait quelquefois accidentellement par des actes de cruauté qui étaient un sinistre présage pour l'avenir. Le lendemain du 14 juillet, un ecclésiastique qui avait prêté, puis rétracté son serment, fut pendu à la lanterne d'un réverbère sur la place Louis XVI. Un autre, nommé Chaudet, ancien curé dans le diocèse de Rouen, fut poursuivi jusque dans sa demeure, jeté par les croisées, et assommé après sa chute. Il demeurait sur la paroisse de la Madeleine (3).

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 28, 29.
(2) Morin, Hist. de Lyon, t. II, p. 157.
(3) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 30.

« السابقةمتابعة »