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comme en province, il n'y avait nul trouble lorsque les prétendus patriotes se tenaient en repos. N'osant rien entreprendre contre le roi, ils se bornèrent à l'insulter, en criant à ses oreilles: Vive Péthion! et en portant écrit à leurs chapeaux : Vive Péthion, ou la mort! Le héros de la fête était Péthion; le roi semblait être réduit à suivre le char de triomphe du vainqueur. Il était bien à regretter que le malheureux prince n'eût point accepté les offres réitérées de la Fayette. Avec un fort détachement de cavalerie, le général aurait enlevé le roi en plein soleil, aux yeux des révolutionnaires ébahis. Tout avait été disposé pour cela, et les jacobins n'avaient pas de vaines alarmes. Trois mille hommes qui l'escortaient au Champ de Mars, dont cinq cents Suisses, trois mille gardes nationaux et trois cents gendarmes étaient déterminés, selon le rapport d'un historien, à lui faire un rempart de leurs corps jusqu'à sa sortie de Paris, où d'autres forces l'attendaient sous divers déguisements (1). Le roi, résigné à son malheureux sort, et toujours persuadé qu'on n'en voulait qu'à sa personne, laissa passer cette belle occasion, qui ne se représentera plus.

La fête du 14 juillet, qui s'est passée à Paris sans aucun événement sérieux, grâce à la peur qu'on avait de la Fayette, a été célébrée en province par quelques scènes tragiques que l'Église a le droit d'enregistrer dans ses annales. Nous avons vu qu'après le massacre des paysans qui avaient fait partie du camp de Jalès, les patriotes ont fait la guerre aux prêtres insermentés,

(1) Maton de la Varenne, Histoire des événements de juin, juillet, etc.

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qu'un grand nombre d'entre eux ont péri entre leurs mains, que d'autres ont été conduits aux Vans, et enfermés dans les prisous de cette ville. Parmi eux se trouvaient deux vénérables prêtres de la congrégation de Saint-Sulpice, qui avaient dirigé le séminaire d'Avignon, et qui s'étaient retirés au mois de mai 1792 dans les Cévennes, chez M. le prieur de Naves (Ardèche), pour éviter les périls imminents qui menaçaient le clergé d'Avignon, et surtout les directeurs du séminaire. La révolution nourrissait une haine particulière contre la congrégation de Saint-Sulpice, qui n'avait fourni aucun prêtre à l'Église constitutionnelle. Les deux sulpiciens, Bravard et Lejeune, vivaient tranquillement dans ces montagnes, où ils cherchaient à se faire oublier, lorsque, le 11 juillet 1792, une bande de forcenés vint les arrêter, et les conduire aux prisons des Vans. Ils n'y furent pas longtemps seuls; on y emmena d'autres prêtres, tels que l'abbé Novi, vicaire d'Aujac, qu'on avait arraché des bras de son père; M. Nadal, curé dans le diocèse d'Uzès, et le curé de Ville-de-Bone. Ils étaient en tout neuf prisonniers arrêtés pour la même cause. Le 14 juillet, on les tira de leurs cachots pour les conduire devant la municipalité, qui leur enjoignit de prêter le serment sacrilége. A peine l'eurent-ils refusé, qu'on les traîna trois à trois au lieu du supplice, sur une place assez éloignée, appelée Lagrave. Le vénérable sulpicien M. Bravard, âgé de soixante-douze ans, marchait le premier; il tenait en main son bréviaire, et récitait les prières des agonisants avec le même recueillement et la même tranquillité que s'il eût prié dans une église devant le saint tabernacle. Arrivés sur la place,

on leur donna l'option entre le serment et la mort. Ils refusèrent de nouveau le serment, et se livrèrent à leurs bourreaux. Bravard se mit à genoux, et offrit à Dieu sa vie pour l'Église, pour le royaume de France, et pour la conversion de ceux surtout qui allaient le massacrer. A l'instant il reçut plusieurs coups de baïonnettes, sans se plaindre, sans donner même le moindre signe d'émotion ou de souffrance. Percé de plusieurs autres coups, il rendit le dernier soupir. Les autres prisonniers emmenés successivement se mirent dans la même posture pour participer au même martyre. On eut un instant d'hésitation pour l'abbé Novi, jeune prêtre de vingt-huit ans, qu'on espérait gagner, et qu'on avait laissé pour la fin de l'holocauste. Les brigands firent appeler son père, et lui dirent, auprès de huit cadavres étendus, que le sort de son fils allait dépendre de ses conseils et de son autorité sur lui; que ce fils mourra, comme les autres, s'il persiste à refuser le serment; mais qu'il vivra si son père parvient à le faire jurer. Terrible épreuve, alternative effrayante que les révolutionnaires étaient seuls capables d'imposer! Ce malheureux père, incertain, hésitant entre sa tendresse et sa religion, se jette au cou de son fils; et, bien plus par ses larmes et ses sanglots que par ses discours, il le presse, il insiste: Mon fils, conserve-moi la vie, en conservant la tienne. — Je ferai mieux, mon père, je mourrai digne de vous, et digne de mon Dieu. Vous m'avez élevé dans la religion catholique, j'ai le bonheur d'en étre prétre. Je la connais, mon père; il sera plus doux pour vous d'avoir un fils martyr, qu'un enfant apostat. Le père, suffoqué par les larmes, se jette encore une fois au cou

de son fils; il ne peut plus prononcer que ces mots : Mon fils! Celui-ci est arraché de ses bras par les bourreaux; il tend le cou le père le voit, ses cris ralentissent, détournent à demi la hache des brigands. Deux coups mal assurés ont à peine étendu son fils par terre ses bourreaux semblent vouloir le laisser. Mais le jeune héros chrétien reprend son bréviaire échappé de ses mains, se relève, présente de nouveau sa tête, et reçoit, avec un dernier coup de hache, la consommation et la couronne de son martyre (1). Ces crimes commis sinon par ordre, du moins par connivence de la municipalité des Vans, restèrent impunis. On rendit ainsi le peuple féroce en l'habituant aux massacres. Et tel est le peuple avec lequel on veut former une république !

La ville de Bordeaux offrit, le 14 juillet, un spectacle bien plus horrible encore, quoique sur une plus petite échelle. Bordeaux, comme toutes les grandes villes, avait ses clubs, et par conséquent son peuple égaré. Le directoire de la Gironde ne faisait pourtant pas ce que nous voyons dans les départements voisins: il ne reléguait pas les prêtres au chef-lieu, il se bornait à faire enfermer ceux qu'on accusait d'être perturbateurs. Mais quand, après quelques mois de prison, ils étaient livrés aux tribunaux, ils en sortaient acquittés : il n'y avait aucune charge contre eux. Ainsi, dom Gauban, bénédictin, et l'abbé Gaudet, mis en prison, avaient été absous, après avoir été détenus, le premier trois mois, le second six semaines. Mais le journaliste de la Gironde

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(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 13. Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 506. Les Martyrs de la Foi, art. Bravard.

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et les clubs ne cessaient, comme ailleurs, de crier contre les prêtres réfractaires et de les signaler à la vindicte publique. Le jour de l'Ascension, plusieurs prêtres furent arrêtés, et conduits au château Trompette par des soldats patriotes. Les clubs firent tout pour exciter la populace à les immoler. Une lettre fabriquée par leurs adeptes, et publiquement lue à la bourse, donna avis aux patriotes que six cents prêtres et nobles, secrètement réunis dans un fort près de Saint-Malo pour favoriser une descente des Anglais, avaient été massacrés par le peuple. La joie la plus féroce éclata sur le visage des patriotes à la lecture de cette lettre, qui avait été fabriquée pour stimuler la populace, et la préparer aux meurtres qu'on voulait lui faire commettre. Les clubistes se reprochaient leur trop grande modération de s'être bornés jusque-là à demander, dans leurs adresses au département, l'arrestation des prêtres (1).

La fête du 14 juillet approchait; on devait la célébrer d'une manière solennelle à Bordeaux, par la plantation d'un arbre de liberté. Les têtes étaient échauffées, on craignait quelque événement sinistre; les honnêtes gens étaient dans la consternation. On entendait dans les rassemblements des voix qui criaient : C'est le moment d'exterminer les prétres! Ce cri effrayait les catholiques de Bordeaux, parce qu'ils connaissaient la haine que les clubs avaient inspirée au peuple contre les prêtres insermentés. Un bon catholique, M. de la Jarte, dont le nom mérite d'être conservé dans l'histoire ecclésiastique, invita l'abbé Lan

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 17.

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