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gère, et sa conscience égarée par les terreurs religieuses dont on l'environne...; mais il n'est pas permis de croire, sans lui faire injure et l'accuser d'être l'ennemi du peuple, qu'il approuve ou même qu'il voie avec indifférence les manoeuvres sourdes employées pour diviser les citoyens, jeter des ferments de haine dans le sein des familles, et étouffer, au nom de la Divinité, les sentiments les plus doux dont elle a composé la félicité des hommes. Il n'est pas permis de croire, saus lui faire injure et l'accuser d'être l'ennemi des lois, qu'il se refuse à l'adoption des mesures contre le fanatisme, pour porter les citoyens à des excès que le désespoir inspire, et que les lois condamnent... Enfin, il n'est pas permis de croire, sans lui faire injure et l'accuser d'être l'ennemi de l'empire, qu'il veuille perpétuer les séditions, éterniser les désordres et tous les mouvements révolutionnaires qui poussent l'empire à la guerre civile, et le précipiteraient par la guerre civile vers sa destruction. » L'orateur, en terminant ce passage, proposait de rendre les ministres responsables sur leur tête des désordres dont la religion serait le prétexte (1). Comme Jean Debry, il veut qu'on déclare la patrie en danger. Pauvre esprit, qui ne voyait du danger que du côté des prêtres!

Ce discours produisit un effet prodigieux, il reçut des applaudissements réitérés; on en ordonna l'impression, et l'envoi aux quatre-vingt-trois départements. « Médité chez madame Roland, dit M. de Lamartinè, commenté aux Jacobins, adressé à toutes les sociétés populaires du royaume, lu aux séances de tous

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les clubs, il rémua dans la nation entière les ressentiments contre la cour; » ajoutez-y: et contre le clergé.

Le député Dumas chercha à amortir ce coup de massue porté contre la royauté. Il répondit aux sophismes et aux calomnies de Vergniaud, justifia la conduite du roi et celle des agents du pouvoir. Il prétendait avec raison que les ministres ne peuvent être responsables des troubles religieux qu'autant qu'ils négligeraient de faire exécuter les lois; car ils ne peuvent pas s'élever au-dessus de la constitution, ni infliger aux prêtres perturbateurs d'autres peines que celles qui sont établies par les lois. « Or, dit l'orateur, partout où les lois ont été appliquées, partout où la liberté des cultes a été respectée, la tranquillité publique n'a été que rarement troublée. » Il cita l'exemple de Paris, où la religion n'a servi de prétexte à aucun trouble depuis l'arrêté du département qui a maintenu la liberté des cultes.

Les impressions qu'a pu laisser Dumas ont été effacées par deux autres orateurs, Torné et Condorcet, dont l'un dans un discours, l'autre dans un projet d'adresse au roi, développèrent avec moins de grandeur, mais avec plus de haine, les idées de Vergniaud. Torné représenta le roi comme le chef des conspirateurs, comme agissant de connivence avec les ennemis, comme la première et la principale cause de tous les maux politiques. Il lui faisait un crime d'avoir opposé un veto anarchique à la loi contre les prêtres séditieux, qui secouent plus que jamais les torches du fanatisme et de la discorde. Il demandait que l'Assemblée déclarât la patrie en danger, et que, dans des circonstances extraordinaires, elle adoptât cette maxime, su

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périeure à toute constitution : Le salut du peuple est la loi suprême (1), c'est-à-dire il demandait la dictature pour l'Assemblée. Condorcet n'était pas moins violent.

Cependant le roi venait de faire un acte qui devait l'absoudre aux yeux des révolutionnaires. Les princes ses frères avaient ouvert un emprunt de huit millions, pour le bien du royaume et du roi. Louis XVI s'empressa de se déclarer contre cet emprunt dans une notification adressée aux puissances de l'Europe, et il fit part à l'Assemblée de l'imminence des hostilités de la Prusse, et d'une alliance entre les cours de Berlin et de Vienne (2). Mais rien ne pouvait lui faire pardonner le titre de roi. La haine contre la royauté était ardente; elle ne l'était pas moins entre les différents membres de l'Assemblée. Brissot allait prendre la parole, lorsque Lamourette, évêque intrus de Lyon, la demanda pour une motion d'ordre, et fit un coup de théâtre qu'on ne voit que rarement dans l'histoire parlementaire. Les assemblées ont, comme les individus, leurs moments d'abandon et d'enthousiasme : l'Assemblée constituante en a fourni un exemple dans la nuit du 4 août 1789. L'Assemblée législative devait avoir le sien il est l'effet d'une heureuse inspiration de l'évêque intrus de Lyon. Remontant à la cause des maux, il la trouvait uniquement dans la division des membres de l'Assemblée. Il se trompait comme s'était trompé le Guen de Kerengal, qui, le 4 août 1789, l'avait découverte dans le régime féodal. « Hé quoi! s'écria l'é

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(1) Moniteur, séance du 5 juillet 1792. (2) Hist. parlem., t. XV, p. 381.

vêque, vous tenez dans vos mains la clef du salut public, vous cherchez péniblement ce salut dans des lois incertaines, et vous vous refusez aux moyens de rétablir dans votre propre sein la paix et l'union! >> Cette paix lui semblait facile, car il n'y a d'irréconciliables que le vice et la vertu. Faisant ensuite l'examen rapide des erreurs, des fautes et des défiances de chaque parti, il conclut que le bonheur ne tarderait pas à renaître en France, si, des deux côtés, on s'accordait à renoncer à l'aristocratie et à la république (1), pour ne s'attacher qu'à la constitution. « Eh bien! dit-il, foudroyons, messieurs, par une exécration commune et par un irrévocable serment, foudroyons et la république et les deux chambres. » A ces mots, la salle retentit des applaudissements unanimes et de l'Assemblée et des tribunes, et l'on entendit ces cris plusieurs fois répétés : Oui, oui, nous ne voulons que la constitution! « Jurons, reprit l'évêque, de n'avoir qu'un seul esprit, qu'un seul sentiment; de nous confondre en une seule et même masse d'hommes libres, également redoutables à l'esprit d'anarchie et à l'esprit féodal; et le moment où l'étranger verra que nous ne voulons qu'une chose fixe, et que nous la voulons tous, sera le moment où la liberté triomphera et où la France sera sauvée. » Les mêmes applaudissements retentirent de nouveau. L'orateur reprit : « Je demande que M. le président mette aux voix cette proposition simple Que ceux qui abjurent également et exècrent la république et les deux chambres se lèvent. »

(1) L'idée républicaine avait donc fait bien des progrès, puisqu'il fallait y renoncer?

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A ces mots, l'Assemblée entière se lève, le serment sort de toutes les bouches, des cris d'enthousiasme retentissent dans la salle. Les spectateurs attendris mêlent leurs acclamations aux serments de l'Assemblée; la sérénité et l'allégresse sont sur tous les visages, et l'émotion dans tous les cœurs. Les membres des factions les plus opposées quittent leurs places, et vont embrasser leurs ennemis. La gauche et la droite n'existaient plus. Ramond, Vergniaud, Chabot, Vaublanc, Gensonné, Basire, Condorcet, Pastoret, jacobins et girondins, constitutionnels et républicains, tout se mêle, tout se confond, tout s'efface dans une fraternelle unité. On propose d'envoyer un message au roi pour lui faire part de cet heureux accord. Vingt-quatre membres partent à l'instant. Le roi accourt; il est reçu avec des cris d'enthousiasme. Son émotion lui inspire ces paroles :

Messieurs, le spectacle le plus attendrissant pour mon cœur est celui de la réunion de toutes les volontés pour le salut de la patrie; j'ai désiré depuis longtemps ce moment salutaire mon vœu est accompli. La nation et son roi ne font qu'un; l'un et l'autre ont le même but. Leur réunion sauvera la France. La constitution doit être le point de ralliement de tous les Français. Nous devons tous la défendre; le roi leur en donnera toujours l'exemple. » Ces paroles, prononcées avec un cœur ému, suffiraient seules pour justifier le roi des calomnies haineuses que pendant plusieurs jours on avait accumulées contre lui. Tous les corps administratifs et judiciaires furent appelés pour être témoins de cette union cordiale, qu'ils devaient prêcher par leur exemple. Le roi quitta l'Assemblée au

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