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disait-il en finissant, où ils voudront s'arrêter. Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont besoin d'un crime de plus, ils peuvent le commettre (1).

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Les révolutionnaires, girondins et jacobins, furent obligés de se taire pour le moment. Ils étaient écrasés par l'opinion publique, mais fort mécontents d'avoir manqué leur coup. Leurs affidés ne l'étaient pas moins; car on leur avait entendu dire à leur sortie des Tuileries : « On nous a amenés pour rien; mais nous reviendrons, et nous aurons ce que nous voulons (2). En effet, quelques chefs subalternes rassemblèrent le peuple le lendemain, dans le but de revenir; mais Péthion courut au lieu du rassemblement, arrêta sa marche, et lui ordonna de se disperser. Il sentait combien il serait imprudent de marcher sur les Tuileries, au moment où l'indignation générale éclatait de toutes parts. Péthion fut obéi, et les alarmes cessèrent au palais(3). Santerre avait compris également combien il était important de se tenir tranquille : il rétablit l'ordre dans son quartier, et se hâta d'annoncer à l'Assemblée-que la tranquillité était complète dans le faubourg SaintAntoine. Un député, Delfau, simple cultivateur, mais homme de bon sens, démêlant cette hypocrisie, ne put se contenir. Étant monté à la tribune, il signala à l'animadversion publique la société des Jacobins. « En << prononçant, dit-il, un arrêt de mort contre les cor

porations (religieuses), vous avez oublié la plus <«< étonnante, la plus dangereuse des corporations. Je << parle de ces douze cents sociétés répandues dans le

(1) Hist. parlem., t. XV, p. 189.

(2) Roederer, Chronique des 50 jours, p. 63. (3) Ibid., p. 74.

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<< royaume, et dont le point central est à Paris. Ces « sociétés présentent, sinon un gouvernement dans l'État, du moins une corporation qui peut perdre l'État........ Vous ne pouvez plus vous dissimuler que << les sociétés populaires sont un monstre politique qui << ne peut exister dans le système d'aucun bon gouver<< nement. C'est là, c'est dans leur sein que quelques << séditieux, sous le masque du patriotisme, à l'aide << de quelques talents oratoires, égarent la multitude; « c'est là que, sous prétexte du bien public, on entre<< tient le système perpétuel de dénonciation; c'est là << qu'on ose dire que les succès de nos généraux sont « plus à craindre que leurs revers. >> (Violents murmures) (1). L'Assemblée n'aimait pas ces sortes de discours qui lui disaient la vérité; elle passa à l'ordre du jour, aux grands applaudissements des tribunes.

L'indignation n'était pas moins vive en province. On a compté jusqu'à soixante-douze départements, directoires ou conseils généraux, qui ont protesté contre le 20 juin et envoyé des adresses d'adhésion au trône; ce sont ceux principalement qui avaient donné protection au culte catholique. Un grand nombre de conseils de districts, de municipalités, d'états-majors de la garde nationale, et même de particuliers, suivirent leur exemple (2). Tous demandaient vengeance des attentats du 20 juin, et l'anéantissement de la faction qui entretenait les désordres publics. Il n'était plus question de prêtres; on semblait les avoir oubliés pour s'occuper des vrais perturbateurs de l'ordre public.

(1) Moniteur, séance du 25 juin 1792.
(2) Hist. parlementaire, t. XVI, p. 262.

L'administration de l'Eure écrivait: Foudroyez, foudroyez enfin les factieux, cette secte impie qui ose rivaliser avec les autorités constituées (1). Les officiers municipaux d'Abbeville applaudissaient à la fermeté du roi, et voyaient dans le veto, qui désolait les ennemis de la patrie, une nouvelle preuve de son dévouement à la constitution (2). Le directoire de la Somme s'offrit à foudroyer lui-même les factieux, avec le secours de vingt bataillons prêts à marcher au premier signal pour assurer la vie du roi et la liberté du corps législatif. Il envoya à Paris deux commissaires chargés de remercier le roi de sa fermeté, de veiller à ses côtés, et d'avertir, en cas de danger, le département, qui enverra aussitôt ses bataillons pour le défendre (3)

Les membres de l'Assemblée étaient pleins de dépit à la lecture de ces adresses; celle de la Somme les contrariait au dernier point. Ils firent, quelques jours après, un crime au ministère de l'avoir fait imprimer, et de l'avoir envoyée aux quatre-vingt-trois départements (4).

Ce mouvement spontané s'était communiqué à l'armée, qui n'était pas moins émue que la bourgeoisie. « Le roi est son chef, dit M. de Lamartine; les outrages faits au roi lui semblent toujours faits à ellemême. Quand l'autorité souveraine est violée, chaque officier tremble pour la sienne. D'ailleurs, l'honneur français fut toujours la seconde âme de l'armée. Les

(1) Moniteur, séance du 25 juin 1792.

(2) Id., 27 juin.

(3) Id, séance du 26 juin 1792.

(4) Id., séance du 2 juillet 1792.

récits du 20 juin qui arrivaient de Paris et circulaient dans les camps, montraient aux troupes une reine malheureuse, une sœur dévouée, des enfants naïfs, devenus pendant plusieurs heures le jouet d'une populace cruelle. Les larmes de ces enfants et de ces femmes tombaient sur le cœur des soldats; ils brûlaient de les venger et de marcher sur Paris. » La Fayette reçut, des régiments qu'il commandait, des adresses multipliées qui exprimaient toutes une profonde indignation. Comme la discipline militaire ne permettait pas de délibérer, la Fayette les interrompit par un ordre du jour (1), en promettant d'exprimer lui-même et en personne les sentiments de l'armée. En effet, il partit de son camp, accompagné d'un seul officier de confiance, et se présenta inopinément à la barre de l'Assemblée. Son entrée fut saluée par quelques salves d'applaudissements. Les murmures d'étonnement et d'indignation des girondins y répondirent. Sa démarche pouvait le conduire à la haute cour d'Orléans; mais il se confiait à l'influence qu'il avait exercée sur l'Assemblée et sur la garde nationale. Il s'exprima ainsi :

« Je dois d'abord, messieurs, vous assurer que, d'après les dispositions concertées entre M. le maréchal Luckner et moi, ma présence ici ne compromet aucunement ni le succès de nos armes, ni la sûreté de l'armée que je commande. Voici maintenant les motifs qui m'amènent. On a dit que ma lettre du 16, à l'Assemblée nationale, n'était pas de moi; on m'a reproché de l'avoir écrite au milieu d'un camp. Je devais peut-être, pour l'avouer, me présenter seul,

(1) Ræderer, Chronique des 50 jours, p. 94.

et sortir de cet honorable rempart que l'affection des troupes formait autour de moi.

<< Une raison plus puissante m'a forcé de me rendre au milieu de vous. Les violences commises le 20 aux Tuileries ont excité l'indignation et les alarmes de tous les bons citoyens, et particulièrement de l'armée. Dans celle que je commande, où les officiers, sous-officiers et soldats ne font qu'un, j'ai reçu des différents corps des adresses pleines de leur amour pour la constitution, de respect pour les autorités qu'elle a établies, et de leur patriotique haine contre les factieux de tous les partis. J'ai cru devoir arrêter sur-le-champ les adresses par l'ordre que je dépose sur le bureau. Vous y verrez que j'ai pris avec mes braves compagnons d'armes l'engagement d'exprimer seul nos sentiments communs; et le second, que je joins également ici, les confirme dans cette juste attente. En arrêtant l'expression de leur vou, je ne puis qu'approuver le motif qui les anime; plusieurs d'entre eux se demandent si c'est . vraiment la cause de la liberté et de la constitution qu'ils défendent. C'est comme citoyen que j'ai l'honneur de vous parler; mais l'opinion que j'exprime est celle de tous les Français qui aiment leur pays, sa liberté, son repos, les lois qu'il s'est données; et je ne crains pas d'étre désavoué par aucun d'eux. Il est temps de garantir la constitution des atteintes qu'on s'efforce de lui porter, d'assurer la liberté de l'Assemblée nationale, celle du roi, son indépendance, sa dignité; il est temps de tromper enfin les espérances des mauvais citoyens, qui n'attendent que des étrangers le rétablissement de ce qu'ils appellent la tranquillité publique, et qui ne serait pour des

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