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substituer l'anarchie à l'empire de la loi; qu'elle seule contrarie l'assiette et la perception de l'impôt, sans lequel il n'y a ni gouvernement ni force publique ; qu'elle seule excite et entretient la défiance, en discréditant les assignats, dont elle ne se dissimule cependant pas la solidité.

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Jugez, Sire, de l'imminence du péril par l'uniformité de la conduite des départements. Est-ce par une coalition coupable qu'ils sont presque tous portés à prendre des arrêtés de rigueur contre les prêtres? Non, Sire; un saint enthousiasme les a dirigés, et, sans examiner s'ils compromettent leur responsabilité, ils se sont oubliés pour ne s'occuper que du salut public.

<< Leur zèle n'est pas refroidi; et, dussent-ils périr victimes de l'insuffisance de la loi, ils auront le courage (triste courage!) d'y suppléer jusqu'à ce que Votre Majesté se rende à leurs vœux, en sanctionnant le décret des 25 et 26 mai dernier (1).

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« Ce langage est clair, dit un excellent historien (2); on voit des hommes qui osent se vanter de leurs actes arbitraires, qui s'en font un mérite, et qui veulent qu'on prenne leur conduite pour du courage. Il leur était d'autant plus facile de paraître courageux, qu'ils n'avaient pas d'ennemis à combattre. Les prêtres, dont ils signalaient les prétendus forfaits, souffraient en silence, ét n'armaient pas contre leurs persécuteurs les populations indignées. Malgré la prudence du clergé du diocèse de Vannes, il ne put échapper aux calomnies de ces administrateurs, qui avaient besoin de l'accuser pour justifier leur conduite inique à son égard. »

(1) Moniteur, 24 juin 1792.

(2) Tresvaux, Hist. de la Perséc. révol., t. I, p. 366.

er

La journée du 20 juin avait donné un nouvel élan aux administrateurs du Finistère, toujours les plus ardents quand il s'agit de persécuter. Ils avaient déjà fait enfermer au château de Brest tous les prêtres qu'ils avaient pu découvrir; mais un grand nombre avaient échappé à leurs investigations. Les membres du directoire, excités par les événements de Paris, ordonnèrent de nouvelles expéditions dans les campagnes pour arrêter tous les prêtres sans distinction, et leur faire subir la loi du 26 mai. Le 1 juillet, le directoire publia un arrêté qui est un monument de la haine profonde qu'il entretenait contre les ministres des autels. Il le motiva sur un forfait inouï, atroce, dont il prétendait que les prêtres s'étaient rendus coupables. Et quel est ce forfait? C'est le meurtre commis dans le délire de la fièvre par un habitant du pays sur sa femme et ses trois enfants, meurtre qui avait déjà été exploité à la tribune de l'Assemblée nationale. Il fallait une insigne mauvaise foi pour attribuer ce meurtre aux excitations des prêtres; car le crime avait été commis dans l'accès de la fièvre. D'ailleurs, les tribunaux avaient prononcé. Le meurtrier avait été acquitté, comme n'ayant pas eu l'usage de sa raison et de sa liberté. Le directoire du Finistère eut l'infamie d'exploiter de nouveau ce fait, et d'en faire la base d'un arrêté contre les prêtres insermentés. Voici comme il s'exprime dans son préambule :

« Ce département, témoin récent de l'un des forfaits les plus atroces dont l'histoire des attentats du fanatisme ait souillé les annales des nations, était toujours en proie aux divisions funestes suscitées par la discorde des opinions religieuses. » Le directoire entassa ensuite les imputations calomnieuses mille fois repro

duites dans les clubs, et répétées par les orateurs des bornes. Ainsi il disait que les canaux de la fortune publique étaient obstrués par la malveillance et la perfidie des prêtres réfractaires; que leurs criminelles suggestions empêchaient le payement des impôts; qu'ils répandaient la défiance sur tous les pas de la législature; que le seul moyen de ramener la paix était d'arrêter, comme ennemis publics, ceux qui refuseraient encore le serment civique, en leur laissant néanmoins l'option d'aller professer sur une terre étrangère les opinions et les maximes antisociales qui troublaient la tranquillité de leur patrie. Il ordonnait, en conséquence, de saisir par la force publique tous les ecclésiastiques réguliers et séculiers, de les traduire. devant le district le plus voisin, et de les constituer en état d'arrestation au château de Brest. « Tous les ecclésiastiques, était-il dit, pourront opter pour leur permanence dans cette maison, ou pour leur sortie hors du royaume. Ceux qui préféreront l'exil seront embarqués sur le premier bâtiment qui fera voile pour l'Espagne, le Portugal ou l'Italie. »

On voit par cet arrêté que les administrateurs voulaient faire exécuter la loi de déportation malgré le veto royal. Ils donnaient l'option sans doute, mais c'était une hypocrisie de leur part. Ils auraient rendu la vie des prisonniers tellement dure, qu'ils auraient demandé eux-mêmes à être transportés. Dans l'espérance que cet arrêté serait adopté dans tous les départements, ils en envoyèrent un exemplaire à tous les directoires, comme le porte le dernier article : « Il sera envoyé des exemplaires à tous les départements. >>

Cet arrêté ne passa pas sans contradiction. Les hon

nêtes gens en étaient indignés. Plusieurs membres du directoire avaient fait de fortes réclamations. Ils avaient prétendu qu'au lieu d'arrêter et d'incarcérer les prêtres, on devait commencer par observer les lois, et mettre en liberté les prisonniers de Brest si arbitrairement enfermés; ils avaient menacé leurs collègues de publier des protestations à ce sujet, et de demander la liberté des détenus. On assure que les membres allaient céder sur ce point, mais qu'ils en furent détournés par le faux évêque Expilly, dont l'avis l'emporta dans le conseil. Dieu l'attend dans sa juste colère, pour venger son Église (1).

Dans certains départements, les prêtres vivaient déjà sous la terreur. Ils ne pouvaient plus exercer leur ministère qu'au péril de leur vie; ils étaient obligés de se déguiser, et de recourir à toutes les ruses innocentes de la charité, pour porter les secours de la religion aux mourants. Dans le diocèse du Mans, un vicaire se rendit dans la maison d'un boulanger malade, un sac de farine sur le dos, pour n'être point reconnu. Dans le même diocèse, un autre prêtre se fit porter comme malade à l'hôpital, pour administrer un homme mourant qui l'avait demandé (2).

Les vexations exercées en province firent affluer à Paris un grand nombre d'ecclésiastiques. C'était une imprudence de leur part; ils se fiaient trop à cette tranquillité apparente dont jouissaient les ecclésiastiques de cette ville. Il y avait en effet une tranquillité trompeuse pour les ecclésiastiques qui se trouvaient à Paris. Depuis

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. II, p. 9.

(2) Ibid., t. I, p. 263.

III.

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les scènes du séminaire des Irlandais et celles du Valde-Grâce, on n'avait été affligé par aucun excès. Les prêtres disaient la messe dans les couvents et dans des chapelles particulières; plusieurs portaient même l'habit ecclésiastique, malgré le décret de l'Assemblée qui l'avait aboli. Le peuple ne leur disait rien, et il est fort probable qu'il n'avait pas de mauvaises intentions envers le clergé catholique; il s'était habitué à la tolérance. Les prêtres, de leur côté, se tenaient sur la réserve; ils ne faisaient pas de bruit, et ne se mêlaient d'aucune affaire politique. Mais les meneurs du peuple ne les avaient point oubliés; ils se réservaient d'en faire un grand holocauste. Pour le moment, ils ne sont occupés que des moyens de renverser le trône, derrière lequel le clergé était abrité. Les prêtres des provinces ignoraient ces intentions perfides. Volés, pillés, chassés de chez eux et traqués comme des bêtes fauves, ils quittaient leurs diocèses et se réfugiaient à Paris, dans l'espérance d'y trouver quelque ressource et d'y être plus tranquilles. Mais on sait ce

que c'est que d'arriver à Paris sans argent, sans con

naissances et sans recommandation. Ces pauvres prêtres se trouvaient sur le pavé, sans savoir que devenir. Plusieurs cherchèrent des ressources dans la force de leurs bras; ils se firent porteurs d'eau. Leur air modeste et leur ton poli les firent bientôt distinguer de la classe à laquelle ils s'étaient associés. On préférait leurs services, pour avoir l'occasion de leur donner des secours; mais cette préférence même pouvait leur nuire, et les obligeait à chercher de nouveaux quartiers, où ils avaient soin de se déguiser davantage.

D'autres furent réduits à embrasser des professions

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