صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

la perte d'un grand nombre de frères d'armes est arrivée à Dijon dans la nuit du 19, et que l'on a appris qu'il s'était trouvé, parmi les morts que les ennemis ont laissés sur le champ de bataille, des prêtres et autres émigrés, ces nouvelles excitèrent une indignation générale. Le peuple se rendit chez les prêtres réfractaires, et les transféra, au nombre de cent vingt, dans une maison du lieu des séances du directoire. Les commandants de la garde nationale, appelés pour mettre la force sur pied, répondirent qu'ils ne pouvaient espérer de réunir les gardes nationales, attendu qu'ils faisaient eux-mêmes partie de ce rassemblement, et que d'ailleurs l'appareil de la force armée pouvait compromettre la tranquillité publique et la sûreté des détenus (1). Le directoire se borna donc à les mettre sous la surveillance de la municipalité, et à la charger de pourvoir à leur subsistance. Cette expédition très-illégale s'est faite néanmoins avec ordre et modération, en sorte qu'il y aurait eu de l'imprudence et du danger à employer des moyens de violence. Ces administrateurs se trouvaient donc dans une position très-critique; car faut-il déployer le drapeau rouge et armer le peuple contre le peuple, lorsque les citoyens n'agissent que par amour de la constitution et pour les lois ?» (Applaudissements.)

Jamais on n'a donné de raisons plus pitoyables pour excuser une révolte, et autoriser l'arrestation de cent vingt prêtres qui n'étaient prévenus d'aucun crime. Une assemblée qui y applaudit est indigne de représenter la

(1) Ainsi, pour ne pas compromettre la tranquillité publique, il faut laisser faire!

nation française. En supposant vrai le fait des prêtres trouvés morts sur le champ de bataille, les ecclésiastiques de Dijon en étaient-ils coupables? le directoire avait-il le droit de les laisser en prison? Et l'Assemblée approuve sa conduite par ses applaudissements!

Le même jour 20 juin, un fait analogue se passa à Laval. Il y avait là, comme nous l'avons vu, de cinq à six cents prêtres, les plus doux, les plus dociles qu'il fût possible de trouver. Ils étaient dirigés et encouragés par M. de Hercé, évêque de Dol, qui se trouvait à leur tête, et qui était au milieu d'eux comme un père. Eh bien! malgré leur docilité, on les traita aussi de rebelles. Le 20 juin, à la même heure où la ville de Dijon était en désordre, et où, à Paris, le roi était entouré des satellites de Santerre, on battait la générale à Laval. Nul doute que cette journée n'eût été concertée avec les clubs de Paris; la coïncidence était trop frappante. Au milieu d'une émotion générale, on publia un arrêté qui ordonnait à tous les prêtres retenus à Laval de se rendre aux anciens couvents des Capucins et des Carmes. Les honnêtes gens, qui étaient en grande majorité dans cette ville, voulurent s'opposer à l'exécution de cet arrêté, et conseillaient aux prêtres de ne pas y obéir; mais ces ecclésiastiques, qui depuis trois mois édifiaient la ville par leur résignation et leur docilité à se présenter à l'appel nominal, prièrent les habitants avec les plus vives instances de rester calmes, et de donner comme eux l'exemple de l'obéissance. L'évêque de Dol se hâta d'aller s'enfermer aux Capucins; les autres prêtres se rendirent avec la même résignation aux couvents désignés. Les habitants de Laval

firent des prodiges de charité dans cette circonstance(1). Ces couvents avaient été dévastés; il n'y avait plus ni tables, ni chaises, ni lits; le département ne s'en occupait pas les prêtres devaient coucher sur le pavé. Mais les habitants pourvurent à tout. Dès huit heures du soir, six cents lits étaient dressés, avec un nombre de chaises et de tables suffisant. Le local était petit pour un si grand nombre d'ecclésiastiques. M. de Hercé était le quatrième dans la cellule; mais ils savaient se gêner; pas un murmure ne sortit de leur bouche. Le département n'avait alloué aucun fonds pour leur nourriture : la charité des fidèles y pourvut encore. Chaque maison se chargea de nourrir ceux qu'elle avait logés. Les prêtres se conduisirent comme des anges, acceptant leur captivité sans proférer aucune plainte, et donnant ainsi, par leur conduite, le démenti le plus formel aux accusations de révolte et de trouble dont ils étaient journellement incriminés (2).

Sur la première nouvelle de l'arrêté qui emprisonnait à Laval les confesseurs de la foi, les habitants de Chammes (3) crurent devoir protester contre un ordre si arbitraire. Ils avaient montré dès le commencement leur aversion pour le schisme. Au lieu de reconnaître pour curé le sieur Vallée, apostat bernardin, ils avaient menacé de le poursuivre juridiquement, s'il ne se justifiait d'un vol de trente mille livres dont il était accusé. L'apostat avait jugé à propos de se retirer sans bruit; le vrai pasteur, nommé Barrabé, était resté, ayant prêté,

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 221.

(2) Ibid., p. 222.]

(3) Bourg de l'arrondissement de Laval, de 1500 âmes.

le serment avec restriction. Les autorités locales, qui désiraient le conserver, avaient fermé les yeux; mais depuis l'incarcération des prêtres à Laval, on ne le laissa plus en repos. Quatre cents brigands se présentèrent tout à coup pour l'enlever; les habitants de Chammes, unis à quelques citoyens des paroisses voisines, s'armèrent contre eux, et allèrent porter une pétition au district d'Évron pour réclamer la liberté des cultes, garantie par la constitution. Le district promit tout; mais, peu de jours après, des cohortes nombreuses de gardes nationaux et d'autres bandits se montrèrent tout à coup à Chammes. Le zèle et l'empressement des habitants sauvèrent le pasteur, mais la paroisse fut livrée à mille horreurs. Douze citoyens, battus et garrottés, furent conduits au district. Ne pouvant les convaincre d'aucun crime, on les traîna de prison en prison, exigeant d'eux le serment, auquel aucune loi ne les obligeait. Un officier de la garde nationale mit le sabre sur la gorge de l'un d'eux, nommé Gouyet, le menaçant de lui couper le cou s'il refusait de le prêter. Cet homme plein de foi lui répondit avec une fermeté chrétienne : « Je suis catholique; toutes les menaces ne feront pas de moi un apostat. » On les conduisit à Laval, leur demandant à déposer contre leur pasteur; et comme ils ne voulaient pas le faire, on les laissa plusieurs mois en prison; mais ils ne cessaient de protester qu'ils n'avaient reçu de leur pasteur que les leçons et les exemples qu'il devait leur donner. On procéda néanmoins contre le curé, et on le condamna, lui et son vicaire, par défaut, à quatre heures de carcan. Et quel était leur crime? Celui d'avoir fait un serment restrictif, qui exceptait les choses spiri

tuelles. Mais la sentence était illusoire, car les habitants eurent soin de les soustraire aux perquisitions et au jugement du corps municipal (1).

Le directoire du Morbihan ne se contenta pas d'enfermer les prêtres, comme les départements voisins; il fit des remontrances au roi de ce qu'il l'empêchait, par son veto, de faire davantage. L'adresse qu'il envoya au roi est pleine de calomnies contre le clergé persécuté.

« Un vœu général, dit-il, a été prononcé. On a, de tous les points de l'empire, sollicité une loi appropriée aux circonstances, une loi répressive contre ces ministres des autels qui, abusant de la religion, s'en servent comme d'une arme propre à l'exécution de leurs forfaits. Une longue méditation, suivie d'une discussion profonde, a préparé cette loi salutaire, et enfin elle a été accordée aux voeux des Français. Vous ne la paralyserez pas, Sire; et, tandis que vous livrez les ennemis du dehors à la vengeance de la garde nationale, vous ne prendrez pas sous votre égide ceux que la nation recèle dans son sein. Votre Majesté ne peut avoir une telle intention; et s'il était même possible qu'elle hésitât, nous aurions le courage de vous le dire: Sire, vous êtes trompé par des ennemis pervers ou mal instruits.

<< Ils sont pervers, s'ils dissimulent à Votre Majesté les crimes de cette secte ennemie ; ils sont mal instruits, s'ils n'aperçoivent pas qu'elle seule occasionne l'agitation intérieure; qu'elle seule s'oppose au retour de l'ordre et de la tranquillité; qu'elle seule s'efforce de

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 225.

« السابقةمتابعة »