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étre gagnée. Tout se préparait à leur donner plus de latitude et plus de sécurité. Le peuple devait avoir le libre choix de ses pasteurs. D'après les discours de Torné et de Gensonné, et la sensation qu'ils avaient faite, le rapport dont le comité de législation était chargé ne pouvait être que favorable.

Malheureusement, deux jours après on reçut la nouvelle de nouveaux troubles qui avaient éclaté dans l'Anjou à cause de la question religieuse, et qu'on mit, comme toujours, sur le compte des prêtres non assermentés. Cette nouvelle, apportée à Paris par un courrier extraordinaire, changea toutes les dispositions précédentes en faveur de la liberté. La plainte formée par le directoire du département (Maine-et-Loire) a, dans l'histoire de cette époque, une trop grande importance pour que je ne la produise pas en entier. Elle fut lue dans la séance du 6 novembre 1791. En voici les termes :

« Les administrations du département vous envoient un courrier extraordinaire, pour vous faire part des troubles qui l'agitent; ils sont tels que, si l'Assemblée nationale ne prend pas des mesures promptes et sévères, il en résultera des malheurs qui sont incalculables. Des rassemblements de trois à quatre mille hommes armés se sont formés dans plusieurs parties de notre département, et se livrent à tous les excès que produit le délire de la superstition et du fanatisme; des pèlerinages, des processions nocturnes, conduites par des prêtres séditieux, ont été le prétexte de ces attroupements. Il était facile de les dissiper (1), tant que les

(1) On les a donc dissipés !

pèlerins n'avaient que le chapelet à la main; mais aujourd'hui que les prêtres les ont remplis de leurs fureurs sacrées, qu'ils sont parvenus à leur persuader que les administrateurs sont les ennemis de la religion; aujourd'hui qu'ils sont armés de fusils, de faux et de piques, qu'ils ont soutenu plusieurs actions contre les gardes nationales, il n'est plus temps de dire : Ce sont des querelles de religion, il faut les mépriser. Partout les prêtres constitutionnels sont maltraités, assassinés jusqu'au pied des autels. Les églises des campagnes, fermées en vertu des décrets de l'Assemblée nationale constituante, sont ouvertes à coups de hache, et les prêtres non assermentés y reprennent leurs fonctions. Les rôles des contributions ne se font pas, parce que les municipalités sont désorganisées. Trois villes, chefs-lieux de district, sont, pour ainsi diré, assiégées et près d'être surprises et incendiées; et les prêtres qui dirigent tous ces crimes pourront bien finir par nous mener à une contre-révolution par une guerre civile. Voilà le tableau simple des désastres qui affligent le département de Maine-et-Loire : nous nous en rapportons à vos lumières et à votre sagesse sur les mesures à prendre. Quelque danger terrible qui nous menace, nous vous jurons d'exécuter la loi, de rester fidèles à notre poste, et de mourir plutôt que de l'abandonner. >>

Telle est la dénonciation venant de la ville d'Angers, et apportée à Paris par un courrier extraordinaire.

Qu'y voyons-nous (car il est important d'en examiner tous les termes)? Un peuple qui veut exercer son culte, et qui, ne pouvant le faire le jour, le fait la nuit.

Les mots de pèlerinages et de processions nocturnes ne signifient rien autre chose. Qu'y voyons-nous encore? Un peuple qui a d'abord le chapelet à la main, mais s'arme de fusils, de faux et de piques lorsqu'on veut le troubler dans son culte, déclaré libre par la loi; un peuple qui ne souffre pas les prêtres constitutionnels, qui les chasse et les assassine, et qui s'empare à force ouverte des églises qu'on lui avait enlevées, et qui n'étaient point à l'usage du culte officiel. Et quelles sont les accusations contre les prêtres catholiques? Des accusations vagues, comme toutes celles que nous avons vues, et qui arrivent en foule à l'Assemblée législative. Les prêtres sont des factieux; ils remplissent les peuples de leurs fureurs sacrées; ils représentent les administrateurs comme ennemis de la religion (en quoi ils avaient bien raison); enfin ils dirigent tous les crimes, et tendent à mener à une contre-révolution. Tout cela est vague; rien de précis, rien de positif. Il y a troubles, il y a perturbations et meurtres; mais le rapport ne dit pas que les prêtres en soient les auteurs. Il insinue, il est vrai, qu'ils en sont les instigateurs; mais où en sont les preuves? Si l'on veut examiner attentivement ce rapport, on y voit que les véritables auteurs de ces troubles sont ceux qui s'en plaignent. S'ils avaient laissé les peuples tranquilles dans leurs pèlerinages et dans leurs processions, ils se seraient contentés de tenir le chapelet à la main, et ils n'auraient pas songé à s'armer de fusils, de faux et de piques; la tranquillité publique n'aurait pas été un instant menacée.

Que devait faire l'Assemblée d'après un pareil rapport? que devait-elle faire? Sa marche était tracée et

sautait à tous les yeux : elle devait accorder aux peuples la liberté des cultes et le choix de leurs pasteurs, comme Gensonné l'avait demandé; par ce moyen, elle apaisait tous les troubles, et se faisait bénir par les populations.

Mais nos législateurs sont loin de sentiments aussi pacifiques. Ils s'emportent contre les prêtres catholiques, comme les seuls auteurs des troubles et des assassinats. Isnard, député du Var, s'écrie que l'impunité est la seule cause de cette désorganisation sociale; il engage les membres de l'Assemblée à mettre de côté l'indulgence pour ceux qui ne veulent tolérer ni la constitution ni les lois, et qui, avec les torches du fanatisme, incendient tout le royaume. Il leur demande s'ils ne sentiront les dangers de l'indulgence que quand le sang français aura teint les flots de la mer? Un autre député affirme que les troubles sont l'effet d'un système sanctionné à Rome, et demande que le comité de législation soit tenu de présenter incessamment des mesures vigoureuses et fermes.

Ce dernier avis fut adopté. Les ennemis du clergé catholique étaient cette fois-ci vainqueurs. L'Assemblée arrêta que le comité de législation lui proposerait, le 8 du même mois, c'est-à-dire dans deux jours, des mesures rigoureuses contre les prêtres perturbateurs, et que l'Assemblée, toute autre affaire cessante, s'occuperait de cet objet jusqu'au décret définitif (1). Cependant, le travail du comité de législation ne put être présenté que le 14.

Dans l'intervalle (le 11 novembre), on reçut la nou

(1) Moniteur, séance du 6 novembre 1791.

velle d'une collision sérieuse et sanglante qui avait eu lieu à Caen au sujet des dissensions religieuses. On ne l'attribuait pas directement aux prêtres non assermentés; cependant on les punissait comme s'ils en étaient coupables. On rapporta donc qu'une foule d'émigrés et de ci-devant nobles de Caen et des environs se réunissaient depuis quelque temps sur les places publiques de la ville, et semblaient, par leur arrogance, leurs propos et leurs menaces, annoncer des projets hostiles. Ils prenaient pour prétexte la cause des prêtres non assermentés, dit le rapport; en conséquence, les administrateurs du département firent un arrêté qui prescrivait aux prêtres ci-devant fonctionnaires publics de quitter leurs paroisses, à l'exception seulement de ceux dont les municipalités rendraient bon témoignage; c'est-à-dire, ils leur ordonnaient de quitter leur demeure, et de s'établir on ne dit pas où. Selon le même rapport, le ministre de l'intérieur s'opposa à l'exécution de cet arrêté, et les rétablit dans les droits précédemment accordés. Les prêtres non assermentés allaient donc dire la messe dans les églises, et le clergé constitutionnel, dit-on, leur fournissait les ornements, quoique souvent il fût mortifié, injurié et menacé par ceux qui suivaient les prêtres non assermentés.

Un de ces prêtres, M. Bunel, ancien curé de la paroisse de Saint-Jean, se présenta dans son église pour y dire la messe. L'église était pleine; mais le ton aigre de ceux qui y assistaient, et qu'on soupçonnait d'avoir des armes cachées, irrita les patriotes. Il y eut des propos échangés. Le conseil général de la commune, dans son extrême sollicitude, engagea M. Bunel à ne pas dire la messe le lendemain, comme il l'avait annoncé. Le

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