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corps à la procession de Saint-Germain-l'Auxerrois, en 1789 et 1790 (1). L'année précédente (1791), où le clergé constitutionnel était installé, la seule partie gauche de l'Assemblée avait voulu assister à la procession (2). Le curé intrus de cette paroisse renouvela à l'Assemblée législative son invitation accoutumée, le 5 juin, à la séance du soir. L'Assemblée répondit par un refus. Brissot applaudit à cette résolution, qui lui paraissait très-philosophique; car on ne voulait plus de superstition à cette époque. « La religion du législateur, dit-il, c'est le culte de l'humanité; ses bonnes œuvres, ce sont de bonnes lois; son paradis, c'est la patrie, s'il la rend heureuse. Il est sûr de faire son salut s'il sauve l'État... Ce fut un spectacle étonnant pour un philosophe, ajouta-t-il, que de voir, l'année passée, la troisième année de la liberté française, à la fin du dixhuitième siècle, dans la patrie de Voltaire et de Rousseau; de voir, dis-je, le corps des représentants du peuple assister à la procession d'une paroisse : c'était un scandale (3). »

Le peuple n'était pas encore mûr pour ces idées sublimes de Voltaire et de Rousseau. La procession eut lieu; le peuple s'empressa de se rendre à ces pompes et d'escorter le dais, comme aux beaux jours du christianisme. Une foule de gardes nationaux, quoique non requis par l'autorité, vinrent en armes faire cortége aux processions. Les maisons étaient tapissées; cependant un petit nombre de citoyens philosophes avaient jugé à propos de ne pas tendre, selon la faculté don

(1) Moniteur, 10 juin 1789 et 9 juin 1790.

(2) Moniteur, 21 juin 1791.

(3) Patriote français, 8 juin 1792.

née par l'arrêté municipal. De là de vifs démêlés, des vitres brisées, des portes enfoncées. Mais les plus grands désordres eurent lieu à l'occasion de certains spectateurs qui s'obstinaient à garder leur chapeau sur la tête, ou à manquer de toute autre manière au respect de la solennité religieuse qui traversait les rues. Quand on n'obéissait pas à l'ordre, Chapeau bas! le peuple, joint à la garde nationale, tombait dessus en criant: A la lanterne! il faut le pendre! Plusieurs philosophes, qui avaient ri de la superstition du peuple, s'en trouvèrent mal. A la procession de Saint-Germain l'Auxerrois, on faisait rouler les chapeaux dans la boue, on donnait des coups de poing; on apprenait aux philosophes à respecter le culte. D'un autre côté, le fameux Legendre, qui, dans la rue du Vieux-Colombier, n'avait pas ôté son chapeau devant la procession de Saint-Germain des Prés, fut maltraité; il aurait péri peut-être, sans l'intervention d'un juge de paix qui parvint, non sans peine, à l'arracher à la foule, et à le faire conduire à la prison de l'Abbaye. On voulait le pendre à un réverbère (1).

Le peuple était égaré à un point extraordinaire. Les philosophes et les prêtres schismatiques avaient jeté de la confusion dans son esprit; il flottait entre la religion et l'incrédulité; il n'était point encore irréligieux ou à la hauteur, comme disaient les girondins; mais il conciliait la religion avec la révolte et avec le crime. Ainsi il assistait dévotement à la procession, brisait les vitres de ceux qui n'avaient pas orné leurs maisons, et pendait les philosophes qui n'ôtaient point leurs

(1) Hist. parlem., t. XIV, p. 429.

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chapeaux. Il ne s'emportait pas moins contre les ecclésiastiques fidèles qui ne voulaient pas recevoir la procession. Les prêtres des Missions étrangères, rue du Bac, ont failli devenir victimes de la fureur populaire à la même occasion. Le P. Poirée, curé intrus de Saint-Sulpice, leur avait fait demander, par un de ses vicaires et deux commissaires de la section de la Croix-Rouge, la permission de faire entrer la procession dans leur église, qui, depuis l'arrêté départemental et le décret de l'Assemblée sur la liberté des cultes, avait été ouverte aux catholiques. Le supérieur avait répondu, au nom de toute la communauté : « Nous nous opposons, autant qu'il est en nous, à ce que la procession entre dans notre église. Puisque la constitution a décrété la liberté du culte religieux, nous voulons en profiter. Nous ne sommes point de la même religion que ces messieurs; nous ne voulons avoir aucune communication avec eux nous n'allons point les troubler dans leur église; qu'ils nous laissent tranquilles dans la nôtre. >>

Pour rendre cette opposition plus efficace, le supérieur s'était adressé à la municipalité, et avait obtenu une lettre qui autorisait ce refus. Elle fut communiquée au P. Poirée et au commissaire de la section. Cette communauté, composée de trente prêtres, parmi lesquels se trouvait l'abbé Edgeworth, qui a assisté Louis XVI dans ses derniers moments, était restée intacte. Malgré les sollicitations et les menaces, aucun membre n'avait prêté le serment. Des hommes qui ne redoutaient pas le martyre dans la Cochinchine ne devaient pas céder devant la fureur de quelques Parisiens.

La procession de Saint-Sulpice sortit de l'église, se

dirigeant vers la rue du Bac. La tête de la procession avait déjà dépassé l'église des Missions, dont la première grande porte, celle de la cour, était fermée; le guichet seul était ouvert. Mais ceux qui étaient à la tête du clergé s'arrêtèrent, firent ouvrir la grande porte, et entrèrent jusque dans l'intérieur de l'église. Le curé Poirée, averti qu'on s'opposait à l'entrée, ordonna de passer outre; le clergé, qui était déjà dans l'église, en sortit, et la procession continua sa marche.

Mais à peine fut-elle rentrée dans l'église de SaintSulpice, que le peuple revint sur la maison des Missions étrangères pour se venger du refus. Les cours, les corridors de la maison furent bientôt remplis d'hommes, de femmes et d'enfants. On frappait aux portes des cellules, on les enfonçait. Un des directeurs, vieillard âgé de quatre-vingt-cinq ans, fut frappé avec sa propre canne. De plus grands excès étaient à craindre, car on était occupé à enfoncer les portes, lorsqu'il arriva un détachement de troupes qui dispersa la foule et la chassa de la maison. Les prêtres des Missions, quoique souvent menacés, restèrent assez tranquilles jusqu'après le 10 août, où plusieurs furent incarcérés pour recevoir le martyre en septembre (1).

C'est la dernière procession que fit le P. Poirée : il mourut peu de temps après. On espérait le voir revenir, parce qu'on savait qu'il était déchiré de remords; mais le malheureux voulait et ne voulait pas, et la mort vint le surprendre après un an et quelques mois d'intrusion. Il porta dans le tombeau sa honte, ses remords et son parjure (2). Mahieu fut élu à sa place.

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 761.
(2) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 238.

On gémit sur l'égarement de ce peuple, qui était encore attaché à la religion, et qui, par conséquent, n'était pas sans ressource; mais le clergé schismatique et les philosophes vont lui ôter sa foi, cette dernière consolation des affligés. L'incrédulité du peuple est l'ouvrage de ses chefs; car lorsqu'à Paris les législateurs et les philosophes scandalisaient le peuple par leur impiété, les émigrés renouvelaient en Allemagne le mauvais exemple qu'ils avaient donné en France. Là, ils étaient à gémir sur les maux de leur patrie, et ils continuaient la conduite qui avait tant contribué aux excès qu'ils déploraient. « Les rapports familiers que j'eus <«< avec eux, dit un témoin non suspect, le cardinal « Pacca, me firent presque perdre l'espoir de voir un « terme à tant de maux qui désolaient le malheureux « pays de France. La plupart de ces nobles, surtout les grands seigneurs de la cour, n'exerçaient aucun acte << de religion bien plus, ils affectaient publiquement << une profonde indifférence pour tout principe religieux. « Ces exemples d'impiété scandalisèrent d'une manière « grave les bons Allemands, et firent beaucoup de mal « à la religion catholique en Allemagne. La ville de << Coblentz et le palais électoral, où logeaient les comtes << de Provence et d'Artois, neveux de l'archevêque « électeur Clément-Vinceslas, étaient devenus, pour « ainsi dire, un nouveau Versailles : c'étaient les mê<«< mes cabales, les mêmes intrigues de cour, la même <«< indifférence pour les maximes de la religion et de la «< morale, les mêmes débauches, sans respect pour le public; spectacle scandaleux qui affligeait profondé<< ment les gens de bien (1).

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(1) Mémoires du C. Pacca, t. II, p. 261.

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