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pétitionnaires, la déportation sera également ordonnée (1). »

C'était l'article le plus important et le plus difficile. Les autres n'ont pas souffert de difficulté, et la rédaction définitive a été adoptée le 27 mai. La tyrannie a été poussée jusqu'à distinguer le cas où la dénonciation d'un seul suffirait pour la déportation.

Loi despotique et barbare, à laquelle la postérité ne croirait pas, si l'Assemblée n'avait livré à l'impression ses rapports et ses décrets. Ces philosophes législateurs n'avaient cessé de crier contre les lois exceptionnelles, contre les lettres de cachet, contre la tyrannie des souverains, qui n'avaient pas souffert dans l'État certains hérétiques dangereux qui prêchaient des doctrines subversives de la société : maintenant ils font, sous le règne de la liberté, la loi la plus exceptionnelle, la plus tyrannique qui ait jamais existé. Contrairement à la constitution et à toute règle de justice, ils proscrivent cinquante mille citoyens, livrent leur sort, leur existence ou plutôt leur vie, non à des juges ou à un tribunal, mais à vingt bandits qui voudront les dénoncer. Cette loi imprime une honte ineffaçable au règne philosophique (2).

Le ministre Roland devait être content; il avait obtenu les mesures rigoureuses tant sollicitées et si conformes à ses désirs. Aussi s'empressera-t-il d'en demander la sanction pour les faire exécuter sans délais. Mais le roi ne sera point aussi pressé que lui.

Je prie le lecteur de se rappeler que cette loi tyran

(1) Moniteur, séance du 25 mai 1792.

(2) Hist. parlem., t. XIV, p. 247. — Moniteur, 4 juin 1792.

nique et barbare avait pour but secret la destruction du christianisme, et pour raison fondamentale le refus du serment à la constitution civile du clergé, serment sacrilége et d'apostasie, ou le refus du serment civique, qui ne valait guère mieux que le premier, et que repoussait également la conscience. Ceux donc qui vont être persécutés ou mis à mort en vertu de cette loi seront, dans toute la rigueur du terme, confesseurs de la foi ou martyrs; car les prétendus troubles et complots dont ils sont accusés ne sont que des prétextes. La loi elle-même, si l'on veut y réfléchir, prouve leur innocence

car le considérant mentionne des manœuvres qui se dérobent aux regards de ceux qui pourraient les punir, c'est-à-dire des manœuvres dont on ne peut convaincre personne. Ce sont donc cinquante mille innocents qu'on jette sur le sol étranger sans pourvoir à leur subsistance, coupables de crimes invisibles que les tribunaux ne pouvaient atteindre. Les révolutionnaires trouvaient cela fort beau. L'Assemblée s'en faisait un jeu, car elle applaudit Vergniaud lorsqu'il prononça ces exécrables paroles : « Je ne doute point qu'en Italie ils (les prêtres) ne soient accueillis comme de saints personnages que l'on persécute, et qui méritent les palmes du martyre; et le pape ne pourra voir, dans le présent que nous lui aurons fait de tant de saints vivants, qu'un témoignage de notre reconnaissance pour les bras, les tétes et les reliques des saints morts dont il a gratifié pendant tant de siècles notre crédule piété.» (On rit et l'on applaudit) (1). Ces ris et ces applaudissements dans une discussion

(1) Moniteur, séance du 16 mai 1792.

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grave, où il s'agit du sort de l'élite de la société française, inspirent un dégoût qu'on ne peut rendre. Mais attendez la justice céleste est suspendue sur la tête des railleurs. Des lois impitoyables, conséquences de celle qu'ils portent aujourd'hui, vont les frapper à leur tour. Ils auront le même sort que les prêtres, mais ils ne pourront pas invoquer, comme eux, le témoignage de leur innocence.

Le décret sur la déportation était à peine connu, que M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, qui avait joué un si beau rôle dans l'Assemblée constituante, publia des observations critiques et très-solides sur sa révoltante injustice. Il se plaignit avant tout de la cruauté avec laquelle on bannissait de leur patrie cinquante mille Français, auxquels on n'avait à reprocher que le refus d'un serment que leur conscience ne leur permettait pas de prêter. « Qu'ont-ils fait? s'écria-t-il. Un ministre du roi porte sa plainte, provoque le décret, ne nomme pas un coupable, et lui-même avoue qu'il n'a pas de preuves. S'il y a des preuves, il faut les connaître et les vérifier; s'il y a des coupables, il faut les entendre. On n'en accuse pas un seul, parce qu'il n'y en a pas un seul de coupable. On les condamne tous, quand on ne peut pas les accuser. Quel est leur crime? Celui de leur religion. Leur crime est de ne vouloir pas faire un parjure. On les bannit parce qu'ils ne prêtent pas un serment qui leur semble un parjure. Il s'agit ici de conscience on ne lui commande pas. >>

Tout ce que dit ici le prélat résulte des faits que nous avons exposés. On les proscrit tous indistinctement, parce qu'on n'a pu trouver un seul coupable. Le prélat s'élève ensuite avec énergie contre l'injustice qui fait

appliquer à des citoyens, comme moyen de sûreté et de police, une des plus grandes peines qu'on puisse infliger pour des crimes. Il montre, le texte en main, combien ce décret est opposé à toutes les lois publiées depuis la révolution.

M. Dulau, archevêque d'Arles, que nous verrons figurer si douloureusement dans les massacres de septembre, traita le même sujet dans une adresse au roi, qui est un modèle de force, de sensibilité, d'érudition et d'éloquence chrétienne, et qui fit une grande sensation dans Paris, où elle fut publiée.

Il était facile de confondre, le texte des lois à la main, les législateurs; mais il n'était pas facile de les faire revenir sur une mesure qui convenait si bien à leur impiété. Le décret avait causé une extrême joie aux révolutionnaires de Paris et de la province; il avait accru la haine contre les prêtres et leur audace contre eux. Cependant il ne pouvait pas être exécuté tant qu'il n'avait pas la sanction du roi : c'est ce qu'on cherche maintenant à obtenir, à quelque prix que ce soit. Si le roi la refuse, comme il était facile de le prévoir, on le renversera sa perte était jurée, comme celle du clergé.

Le département de Paris maintint la liberté des cultes précédemment établie. Le clergé constitutionnel, qui avait fortement à cœur de ne rien changer dans les cérémonies du culte, pour paraître aux yeux du peuple avoir conservé la religion catholique dans toute son intégrité, voulut faire cette année, comme l'année précédente, la procession de la Fête-Dieu, qui tombait au jeudi 7 juin. Le peuple de Paris, qui, quoique égaré par le schisme, avait conservé un fonds de religion

qu'on cherchait en vain dans les environs de la capitale, la réclamait avec instance; car les fêtes de l'Église étaient celles du peuple, et elles valaient certainement les fêtes profanes qu'on y a substituées depuis. La garde nationale de tous les quartiers s'offrait à faire cortége. La municipalité, agissant de concert avec le directoire, ne vit aucun obstacle à la célébration de la fête. Elle se déclara par un arrêté du 1er juin, affiché au coin des rues, pleine de respect pour les principes de la constitution, qui garantit à tout homme le droit d'exercer le culte auquel il est attaché. Mais elle déclara en même temps qu'on ne pouvait forcer aucun citoyen à tendre ou à tapisser sa maison, ni requérir la garde nationale pour les cérémonies d'un culte quelconque (1).

La défense de requérir la garde nationale, et la liberté accordée à chaque citoyen de ne pas orner le devant de sa maison, contrarièrent le peuple et la garde nationale autant que le clergé constitutionnel. Une partie de la garde nationale protesta vivement contre l'arrêté, et se proposa de marcher sans réquisition de la commune. Les philosophes, qui méditaient la destruction de la religion chrétienne, applaudissaient à l'arrêté municipal. <«< Les progrès de la philosophie sont rapides, disait Brissot; la municipalité de Paris vient de prendre un arrêté extrêmement philosophique, et que les vœux de tous les bons citoyens sollicitaient ardemment (2). »

L'Assemblée constituante avait assisté deux fois en

(1) Hist. parlem., t. XIV, p. 425.

(2) Patriote français, du 4 juin 1792.

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