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Les administrateurs, touchés du discours de M. Aubert, et convaincus de son orthodoxie, le déclarèrent sur-le-champ exempt d'erreur et d'hérésie. Car, dans ce siècle de lumières, on n'avait plus besoin de la Sorbonne ou d'un concile pour les décisions théologiques. Cette science, que les universités catholiques avaient laissée tomber dans une extréme décadence, comme on l'avait dit dans l'Assemblée, était entrée dans le domaine public. Tous les administrateurs, depuis les membres du corps législatif jusqu'au maire du dernier des villages, étaient devenus théologiens, et jugeaient en dernier ressort et du dogme et de la discipline. Les membres de la section du faubourg SaintAntoine, voulant protéger MM. Aubert et Bernard, menacés de destitution, prirent l'arrêté suivant, qu'il convient de conserver comme monument précieux de l'état de l'Église constitutionnelle :

<< Considérant que le mariage étant de droit naturel et d'institution divine, il ne peut être incompatible avec la dignité du sacerdoce; qu'au contraire, le mariage des prêtres est un moyen sûr de rétablir la religion et les mœurs; que, par la déclaration des droits (art. 5), tout ce qui n'est point défendu par la loi ne peut être empêché; que la loi ne reconnait plus de vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels (1) ou à la constitution; que la qualité de citoyen français se perd... par l'affiliation à toute corporation... qui exigerait des vœux religieux;

« Considérant que l'Assemblée nationale, en abro

(1) Const., tit. II, art. vI.

geant les vœux religieux, et en restituant au peuple le droit sacré d'élire lui-même les ministres, n'a fait que rappeler la discipline ecclésiastique à son institution primitive;

<< Considérant que ceux-là seuls scandalisent les citoyens et troublent l'ordre et la tranquillité publique, qui signent et font colporter un libelle contre des hommes vertueux, dont le patriotisme, les talents et les mœurs sont si connus, et qui, pour tromper la religion d'un prélat respectable, ont l'audace de parler au nom de tous les paroissiens;

<< Considérant que c'est outrager et calomnier les citoyens de cette section, que de laisser soupçonner qu'ils sont capables d'agir contre la constitution qu'ils aiment et qu'ils défendront au prix de tout leur sang;

« Considérant que, d'après la conduite personnelle du curé, et le scandale public causé avec tant d'affectation par ses pénitentes, on est fondé à croire que sa signature ne fut mise à la tête de ce libelle que comme un piége tendu à la bonne foi et à la simplicité des paroissiens;

<< Considérant enfin que nul fonctionnaire public ne peut être destitué que pour un délit reconnu et jugé par la loi; qu'il est de la justice et du devoir des paroissiens de mettre MM. Aubert et Bernard sous la protection des lois; l'Assemblée arrête :

«< 1° Qu'elle improuve en tous points la conduite inconstitutionnelle du curé de Sainte-Marguerite et de ses adhérents;

« 2o Que MM. Aubert et Bernard n'ayant jamais été plus dignes de l'estime et de la confiance de leurs concitoyens, ils les maintiendront de tout leur pouvoir

dans leurs places respectives, et les défendront contre tous les efforts des fanatiques et des malveillants ;

« 3° Que le présent arrêté sera communiqué à M. l'évêque de Paris et à son conseil, ainsi qu'aux quarante-sept sections de la capitale, tant pour rendre un éclatant hommage à la vérité et à la justice qui est due à ces deux respectables ministres, que pour anéantir les calomnies qu'on a osé vomir contre eux. >>

L'évêque de Paris, Gobel, qui était sous la domination des clubs, n'aurait pas osé aller contre cette décision, en supposant qu'il fût contre le mariage des prêtres, ce qui était fort douteux; il aurait eu contre lui tous les jacobins de la ville, avec lesquels il marchait de pair et compagnon. Il garda donc le silence, et laissa M. Aubert se débattre avec son curé et ses pénitentes. Le scandale était à son comble; mais M. Aubert et son ami Bernard surent braver l'opinion publique, et continuèrent leurs fonctions. Au reste, ce scandale se reproduisait dans bien des départements; car les nouveaux pasteurs, ramassés dans la lie du clergé, s'étaient montrés dès le commencement ce qu'ils étaient. Ils ne cherchaient point, comme les anciens hérétiques, à faire des prosélytes par un air de modestie ou d'austérité; ils décriaient au contraire leur symbole par la dépravation de leurs mœurs, et par une honteuse cupidité qui les portait à se fixer dans les paroisses, malgré les cris et l'opposition des habitants. Les jacobins, qui voulaient faire disparaître le christianisme, se réjouissaient de ces sortes de scandales, si propres à faire décrier ce qui restait encore de religion. Plus un prêtre était dépravé, plus ils s'attachaient à ses pas pour le soutenir.

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Le curé de Sainte-Marguerite ne recevant aucune réponse de l'évêché, et ne sachant comment faire partir son vicaire, prit une autre voie, dans l'espérance de le forcer à se retirer de lui-même : il invita M. Fauchet, évêque du Calvados et membre de l'Assemblée, à venir prêcher à la paroisse contre le mariage des prêtres. Il savait que cet évêque y était opposé, et qu'il l'avait défendu dans son diocèse par un mandement. La Convention lui en fera plus tard un crime (1), et décrétera la peine de la déportation contre les évêques qui s'opposeraient au mariage d'un membre du clergé (2).

Fauchet accepta l'invitation du curé, et vint prẻcher à la paroisse un jour de dimanche. Il prit pour sujet le célibat ecclésiastique, qu'il chercha à établir sur les monuments de l'antiquité chrétienne et sur la tradition constante et perpétuelle de l'Église, comme un prêtre catholique aurait pu le faire. C'était augmenter le scandale, et soulever de nouvelles contradictions dans la paroisse. Comme le vicaire s'était appuyé sur la latitude que laissait la constitution, Fauchet réfuta cet argument, en disant : « Mes frères, je dois vous prévenir que la religion vous défend bien des choses que la constitution vous permet. Par exemple, la constitution ne vous défend pas de vous faire juifs ou musulmans; mais votre conscience vous le permet-elle ? La constitution ne vous défend pas de manger des viandes les vendredis et samedis; mais votre conscience vous le permet-elle? La constitution

(1) Moniteur, séance du 22 février 1793.

(2) Id., séance du 19 juillet 1793.

III.

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ne défend pas le mariage des prêtres; mais la conscience le leur permet-elle ? >>

On peut s'imaginer facilement quel plaisir fit ce discours aux fidèles de la paroisse, et quelle fureur il excita dans l'âme du vicaire. Celui-ci y répondit par un écrit injurieux adressé à l'évêque Fauchet. Nous y lisons ces phrases :

« C'est avec ces misérables sophismes, Fauchet, que, contre ta conscience, tú veux faire entendre qu'un prêtre ne peut se marier, quoique la loi le lui permette! c'est avec de telles armes que tu cherches à enchaîner sous le joug honteux des préjugés les vainqueurs de la Bastille et les ennemis implacables des préjugés! Ils sont indignés contre toi, Fauchet. Nous savons, disent ces vertueux citoyens, que la loi ne défend pas absolument à Claude (Fauchet) de quitter quelquefois son poste pour aller ailleurs débiter des cafarderies; mais sa conscience le lui permet-elle ? La loi ne lui défendait pas d'être le vil panégyriste de l'assassin du peuple; mais sa conscience le lui permettait-elle ? La loi ne lui défendait pas de blanchir le ministre Narbonne; mais sa conscience le lui permettait-elle? Enfin, ils disent que la loi et ma conscience ne me permettent pas d'avoir une épouse honnête; mais que la loi et ta conscience te défendent, Fauchet, la fornication, l'adultère, etc., etc. »

Fauchet n'avait point à se louer d'avoir accepté l'invitation du curé, d'autant moins que sa vie n'était pas au-dessus de la critique. Aubert resta à sa place, et personne n'osait plus l'attaquer, lorsqu'on le voyait soutenu par les autorités constituées du faubourg et les jacobins de toute la ville. L'événement, quoique triste

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