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demandé et reçu la bénédiction nuptiale; que ses paroissiens ont assisté à la cérémonie, et ont reconduit leur curé et sa femme en criant: Vive la constitution! vive l'Assemblée nationale (1)! Nos législateurs trouvèrent cela fort édifiant, et exprimèrent leur satisfaction par des applaudissements.

Les habitants du faubourg Saint-Antoine n'étaient pas encore aussi avancés dans les idées philosophiques. Égarés par les doctrines schismatiques, ils étaient prévenus sans doute contre les prêtres appelés réfractaires; mais ils avaient conservé un reste de foi qu'on cherchait en vain dans les villages des environs. L'église de SainteMarguerite était encore fréquentée, parce que la masse du peuple ne distinguait pas entre l'une et l'autre Église; elle se croyait dans la foi romaine, dans la foi de ses pères, et détestait tout changement dans la discipline comme dans la foi : c'est pourquoi les habitants de la paroisse de Sainte-Marguerite étaient fort peu édifiés du mariage de leur vicaire, surtout quand ils le virent rester à sa place et continuer ses fonctions. Ils avaient espéré qu'il donnerait sa démission aussitôt qu'il serait marié; mais ils ont été trompés dans leur attente. Aubert brava l'opinion publique, resta à son poste malgré l'opposition du curé et des paroissiens; et, pour s'y raffermir, il chercha des appuis et dans le faubourg et dans l'Assemblée nationale.

Le 12 mai, il se présenta à la barre de l'Assemblée avec sa femme, son beau-père et toute la famille de sa prétendue épouse, et prononça ce discours :

<< Législateurs, je viens avec confiance annoncer dans

(1) Moniteur, séance du 9 décembre, 1791.

le sanctuaire auguste de la liberté que j'ai usé du droit imprescriptible qu'a rendu à tous les Français notre immortelle constitution. Il est temps que les ministres du culte rómain se rapprochent de leur sainte origine; il est temps qu'ils rentrent dans la classe des citoyens; il est temps enfin qu'ils réparent, par l'exemple des vertus chrétiennes et sociales, tous les scandales, tous les crimes et tous les maux que le célibat des prêtres a causés (Applaudissements); et c'est pour y parvenir que je me suis associé une compagne honnête et vertueuse. Déjà la calomnie, le fanatisme, l'hypocrisie, ont tenté de soulever le peuple contre cette union sainte, jurée au pied des autels et consacrée par la religion; mais les citoyens du faubourg Saint-Antoine n'ont plus de préjugés, et, loin de se laisser entraîner par les mauvaises perfidies, ce bon peuple, dont les suffrages m'ont appelé au conseil général de la commune de Paris, est venu en foule me féliciter et me conjurer de rester à mon poste, en me protestant que jamais je ne serais plus digne de sa confiance. Eh! comment n'aurais-je pas cédé aux désirs de ces hommes vertueux, que leurs mœurs simples et naturelles rendaient si dignes de la liberté; de ces hommes courageux qui ont renversé cette forteresse menaçante (la Bastille) où le despotisme enchaînait ses victimes; de ces hommes qui depuis n'ont cessé de donner l'exemple de la soumission aux lois, que chaque jour vous voyez applaudir à vos sages décrets, et surtout à ceux qui rapprochent l'homme de la nature perfectionnée? Législateurs, mon épouse, son respectable père, et toute sa famille, se joignent à moi pour vous présenter leurs respectueux hommages, et pour vous prier d'agréer

l'offrande que nous déposons sur l'autel de la patrie pour l'entretien de ses généreux défenseurs. »

Ce discours fut suivi d'applaudissements presque unanimes. Le président de l'Assemblée accorda aux nouveaux époux les honneurs de la séance (1).

Aubert, fort de l'assentiment de l'Assemblée, retourna à la paroisse avec sa femme, et s'installa au presbytère, à côté de l'appartement du curé. Les paroissiens étaient indignés; ils ne pouvaient s'habituer à voir un prêtre marié exercer des fonctions ecclésiastiques. Ils lui reprochaient d'avoir trompé l'Assemblée nationale en disant que les citoyens du faubourg étaient venus le complimenter : « Oui, répondait-il, ils sont venus, non pas les hypocrites, non pas les fanatiques, mais une infinité de respectables citoyens; et, de plus, j'ai chez moi un paquet énorme de lettres de félicitations, tant de Paris que des autres départements. Cela pouvait être vrai, mais les habitants de la paroisse n'y croyaient pas; ils se réunirent pour signer des protestations contre lui et le sacristain qui avait béni son mariage, et pour demander à l'évêque la destitution de l'un et de l'autre. Le curé était à leur tête, avec plusieurs autres ecclésiastiques. Dans la prévision du refus de la part de l'évêque, ils agitèrent la question de savoir si les prêtres élus par le peuple ne pouvaient pas être destitués par le peuple. La question fut résolue d'une manière affirmative.

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Le club des Jacobins fut alarmé de cette résistance. Tallien exprima la crainte que le vicaire ne fût condamné par le conseil de l'évêque. On proposa de donner

(1) Moniteur, séance du 12 mai 1792.

une meilleure éducation à ce peuple du faubourg, et d'y envoyer quelques membres du club pour lui communiquer les lumières de la société (1).

La division était dans l'Église constitutionnelle, et causait un grand scandale. Les uns prenaient fait et cause pour le vicaire; les autres, et c'était la majeure partie de la paroisse, se déclaraient contre lui, à tel point qu'un dimanche, le voyant à l'autel, ils jetèrent de hauts cris; et ils se seraient portés, dit-on, à des voies de fait, s'ils n'avaient pas été retenus par le respect du lieu et la crainte de troubler l'ordre du quartier. Le vicaire, se voyant menacé d'être destitué, soit par l'évêque, soit par le peuple, sentit le besoin de chercher un appui hors de la paroisse. Il s'adressa donc aux administrateurs de la section du quartier, dite de la rue de Montreuil, qui l'avaient encouragé précédemment en le faisant nommer membre du conseil de la commune, titre dont il se glorifiait à l'excès. Les administrateurs, qui étaient des jacobins, et qui favorisaient en cette qualité tout ce qui pouvait tendre à l'anéantissement de l'ancienne discipline, s'empressèrent de venir en aide au vicaire, et de le soutenir de tout leur pouvoir. Ils convoquèrent en conséquence une assemblée générale et extraordinaire de la section. La convocation, faite au son du tambour, attira un grand concours de citoyens et de citoyennes. Je me sers des termes de la relation. M. Aubert parut au milieu de cette foule, et prononça un discours tendant à justifier sa conduite et à répondre aux reproches qu'on lui avait faits relativement à son mariage. Il le fit d'une manière peu

(1) Hist. parlem., t. XV, p. 220.

flatteuse pour les habitants de la paroisse, auxquels il prodiguait les noms d'ignorants, de fanatiques et d'hypocrites qui, par leur plainte, tendaient un piége à l'évêque, dont ses lumières et son patriotisme sauront le préserver. Il ne ménagea pas plus son curé, qui avait signé cette plainte, et qui avait adressé en outre, à l'évêque, une dénonciation particulière en demande d'interdiction et de destitution du vicaire et du sacristain. Il leur opposa la constitution, ce second Évangile, qui ne reconnaissait plus de vœux contraires à la nature. Son principal argument était tiré des paroles de saint Paul Que chaque femme ait son mari, et chaque homme sa femme : conseil qui, selon lui, avait été suivi dans la primitive Église, où, comme il le prétendait, les prêtres se mariaient et vivaient avec leurs femmes, tout en servant à l'autel. Il leur était même défendu, disait-il, de s'en séparer sous prétexte de religion. Il proposait cet exemple au curé et aux autres prêtres qui l'avaient dénoncé, en leur demandant s'ils se croyaient plus purs et plus fidèles observateurs de l'Évangile que ces fondateurs de la religion, que ces héros du christianisme. Il les renvoyait ensuite aux excellents ouvrages sur les inconvénients du célibat ecclésiastique, publiés, depuis la révolution, par des évêques et des prêtres dont un grand nombre ont déjà fait comme lui, ou du moins ont applaudi à sa conduite.

Ces principes de la théologie nouvelle étaient du goût des vertueux citoyens du faubourg Saint-Antoine, qui s'étaient délivrés du fanatisme et des préjugés vulgaires pour s'en tenir uniquement à l'Évangile de la constitution et des droits de l'homme et du citoyen.

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