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pu trouver un seul coupable. Aux yeux de l'orateur, ils le sont tous les bulles, les mandements, les prédications, la conduite, en sont des preuves irrécusables; aussi demande-t-il une grande mesure; car, selon lui, <«<les demi-mesures ont le double danger d'irriter et d'enhardir les mécontents. » Et quelle est cette mesure? La déportation. L'orateur y attachait le bonheur de la France.

<< Partez, s'écria-t-il, artisans de discorde! le sol de la liberté est fatigué de vous porter. Laissez-nous jouir en paix chez nous des douceurs de la société et des sentiments de la nature. Partez! Eh quoi! s'est-il donc éteint tout à coup, ce beau zèle qui vous emporta tant de fois aux deux extrémités du monde pour y propager vos doctrines turbulentes? Ne vous vit-on pas autrefois sur les rives du Jeniscea et des Amazones, depuis ces froides contrées où le Groënlandais vivait heureux avant de vous connaître, jusqu'à cette zone brûlante où, avides d'or et de sang, vous portâtes au paisible Péruvien les vices de l'Europe et les poisons de l'1talie? Il est aisé de suivre les traces de votre passage sur ce globe; elles sont toutes marquées en longs ruisseaux de sang! Pourquoi donc aujourd'hui nous donner la triste préférence de ces discordes dont vous embrasâtes autrefois tout le monde?... Partez! nos gardes nationales protégeront votre sortie sur les frontières; elles vous garantiront des agitations que vous faites naître; nous vous nourrirons même, s'il le faut, chez l'étranger trop heureux de nous débarrasser de vous, à quelque prix que cela puisse être! Partez! Ou bien un penchant plus analogue à vos sentiments vous appelle-t-il en Italie ? Voulez-vous aller respirer l'air du

mont Aventin? Le vaisseau de la patrie est prêt; déjà j'entends sur le rivage les cris impatients des matelots; le vent de la liberté enflera les voiles, et les ondes, dociles à nos vœux, favorables à notre espoir, vous porteront doucement sur les rives du Tibre, auprès de votre cher souverain! Vous irez, comme Télémaque, chercher votre père sur les mers; mais vous n'aurez pas à craindre les écueils de Sicile ni les séductions d'une Eucharis. Le pontife vous protége; et n'avezvous pas pour vous vos vertus? Partez! Écoutez la voix de quatre millions de gardes nationales qui vous disent : Faites cesser nos inquiétudes et nos alarmes; rendeznous les cœurs de nos mères, de nos épouses, de nos filles, que vos sinistres inspirations ont enlevés à nos cœurs. Partez! mais dans quelque partie du monde que vous portiez vos pas, soit que vous passiez les monts ou traversiez un fleuve, mettez toujours entre vous et nous, s'il est possible, la plus haute des montagnes ou le plus large des fleuves.

«< Oh! quelle fête pour la liberté que le jour de votre départ! Quel triomphe pour les patriotes! Quel soulagement pour la patrie lorsqu'elle aura vomi de ses entrailles le poison qui les dévore! Je vois la paix reprendre son empire, les liens de la nature se resserrer plus touchants que jamais, la tranquillité de retour dans les hameaux, et les cris de douleur des villageois se changer en chants d'allégresse!

<«< Dis-moi, pontife de Rome, quels sentiments t'agiteront lorsque tu reverras tes dignes et fidèles coopérateurs? Je vois tes doigts sacrés préparer aussitôt ces foudres pontificales, qui n'auront pas même le triste succès d'une vaine et stérile explosion. Tu agis sur les

âmes ignorantes et faibles; mais la liberté remue les âmes courageuses et fortes; elle compte aussi dans ses fastes ses martyrs et ses apôtres; et si jamais chez nous elle était en danger, nous trouverions des milliers de Barneveldt. Qu'on apporte ici le réchaud de Scévola, et, les mains tendues sur le brasier, nous prouverons qu'il n'est sorte de tourments ni de supplices qui puissent faire froncer le sourcil de celui que l'amour de la patrie élève au-dessus de l'humanité (1). »

Ce sont là des déclamations inspirées par le fanatisme philosophique et la haine implacable qu'on avait contre le clergé. Il fallait de l'audace pour parler de liberté du réchaud de Scévola, lorsqu'on forgeait des chaînes pour cinquante mille citoyens dont on n'avait pu trouver un seul coupable, et qu'on ôtait aux peuples la dernière des libertés, celle de la conscience.

Ce discours, vide de bon sens mais plein de fiel, a été vivement applaudi. Le clergé insulté, opprimé et indignement calomnié, n'a trouvé aucune voix amie, aucun orateur qui voulût plaider la cause de l'innocence et de la justice. Cependant le projet de loi présenté par l'orateur ne convenait pas à l'Assemblée; il paraissait trop indulgent. Français de Nantes avait encore mis une distinction entre les dissidents paisibles et les perturbateurs, tandis qu'on voulait les proscrire tous : son projet fut donc ajourné (2)

Cet ajournement ne plaisait guère au ministre Roland, qui était dans la plus vive impatience. Cependant il pouvait prévoir aisément que le roi, qui n'avait pu

(1) Moniteur, séance du 5 mai 1792. (2) Ibid.

se résoudre à sanctionner la loi du 29 novembre, n'approuverait pas une nouvelle loi pire que la première. Mais cette raison le stimulait encore davantage, parce qu'il y trouvait le moyen de renverser le trône avec le sacerdoce. Il sait quel effet produira un nouveau veto; il cherche donc à le provoquer par une nouvelle loi qu'il est dans l'impatience d'obtenir. En effet, trois jours s'étaient à peine écoulés depuis l'ajournement, que Roland vint presser l'Assemblée. Il écrivit le 9 mai la lettre suivante au président :

« Le jour d'hier avait été fixé par l'Assemblée pour la discussion du décret relatif aux troubles religieux; les circonstances ne lui ont pas permis de s'en occuper. Je crois devoir rappeler son attention sur un sujet dont son comité des douze lui a présenté l'importance et l'extrême instance, et auquel tiennent immédiatement la tranquillité intérieure, et, par suite, nos succès à l'extérieur.

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Chaque jour des réclamations s'élèvent, les unes des prêtres insermentés, les autres des citoyens inquiets, gémissant sur la fermentation sourde qui menace de nouveaux désordres. Cent cinquante de ces citoyens partant de Toulouse pour se rendre aux frontières, avec ce dévouement et cette énergie qui caractérisent les défenseurs de la liberté, implorent une mesure contre les prêtres réfractaires, dont la haine et l'hypocrisie agitent les faibles et les ignorants. Épargnez-nous, s'écrient-ils, le malheur d'avoir à combattre nos concitoyens trompés et séduits, et nous répondrons des despotes conjurés contre notre patrie. Je demande également cette mesure, qu'il n'appartient qu'à la sagesse de l'Assemblée de prescrire, et dont ma correspondance

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L'impatience de Roland reluit dans cette lettre, écrite probablement sous la dictée de sa femme, qui dirigeait ses conseils, et qui voulait ramener au plus tôt le temps où l'on était sans rois et sans christianisme; temps heureux où, suivant son imagination, on jouissait d'une paix profonde et d'un parfait bonheur.

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Dans l'intervalle, éclata dans l'Église constitutionnelle de Paris une scission qui mit à découvert la faiblesse et la honte de cette Église. Elle arriva bien à propos; car l'avilissement de l'Église schismatique ne pouvait que hâter l'œuvre de destruction qu'on méditait. Aussi les révolutionnaires des clubs et de l'Assemblée nationale y applaudirent-ils de tout leur cœur, et y prêtèrent la main autant qu'il était en leur pouvoir.

Aubert, premier vicaire de Sainte-Marguerite, au faubourg Saint-Antoine, sous prétexte que dans la primitive Église les prêtres se mariaient, contracta mariage, et fit bénir son union à l'église par le prêtre sacristain de la paroisse, nommé Bernard. Le cas n'était pas nouveau Cournand en avait déjà donné l'exemple, et l'on en voyait dans tous les départements. L'Assemblée avait déjà fait connaître ses sentiments à cet égard, en continuant la pension aux ecclésiastiques qui se marieraient. Dans les paroisses où il y avait encore un reste de foi, les curés qui contractaient mariage étaient chassés à coups de pierres; dans celles où la foi était éteinte, on les couvrait d'applaudissements. Le 9 décembre (1791), un député, Pierret, informe l'Assemblée que le curé de la paroisse de Saint-Cyr a

(1) Moniteur, 16 mai 1792.

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