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briser leurs chaînes? Ah! messieurs, ils en porteront les marques assez longtemps, jusqu'au tombeau! Quel terme avez-vous fixé à leurs maux? Sans doute yous ne les avez pas condamnés à une mort obscure et lente, et à ne sortir des longues agonies de la prison que pour aller expirer sur un lit d'hôpital.

« Je ne crains pas de vous assurer que votre intérêt même doit plaider leur cause auprès de vous. Si vous pensez que cette constitution, que vous avez juré de maintenir, puisse être consolidée, ne serait-ce pas, après tant de sacrifices, de pertes et de malheurs, par le retour de la justice, de la commisération, et enfin le repos? Vous jugez bien que la violation des droits, les traitements arbitraires ne pourront la rendre douce ni désirable à qui que ce soit; je puis même vous attester que les persécutions contre le clergé ont plus que tout le reste éloigné de la révolution française la nation généreuse où j'ai trouvé un asile. »

M. de la Marche a raison de le dire : les persécutions contre le clergé ont été le premier et le plus grand obstacle à cette révolution européenne que rêvaient les jacobins de Paris. Toutes les nations chrétiennes ont ouvert les yeux à ce spectacle qu'offrait l'impiété des révolutionnaires, et elles ont pris des précautions pour ne pas laisser introduire chez elles de semblables principes.

Enfin, messieurs, continue l'évêque, la conscience n'est pas en elle-même et n'est pas pour vous un vain nom. Croyez-vous qu'elle ne vous reprochera pas un jour vos procédés contre de pauvres ecclésiastiques? Croyez-vous pouvoir contempler, avec la sévérité d'une conscience juste, les humiliations, les amertumes, les

maladies, les souffrances sous lesquelles vous faites expirer vos semblables? Si en vous les exposant je sens que mon cœur se déchire, le vôtre resterait-il insensible?

<< Il est simple, messieurs, que je vous paraisse plus coupable que mes fidèles coopérateurs. S'il vous faut une victime, voici la compensation que je vous prie d'agréer. Dans la dernière lettre pastorale que j'ai adressée, le 20 août (1791), au clergé et au peuple de mon diocèse, je disais à mes prêtres prisonniers que je me verrais volontiers chargé de leurs fers, pourvu qu'à ce prix ils tombassent de leurs mains. Ce désir que je leur témoignais, je le change aujourd'hui en prière. Rendez à tous une liberté entière et inviolable, et je m'engage à traverser ensuite les mers pour aller me remettre volontairement à votre discrétion. J'ose croire que vous m'estimez du moins assez pour vous tenir assurés que, si vous acceptez ma proposition et en remplissez les conditions, je serai fidèle à mon engagement (1). »

L'évêque ne trouva que des cœurs de bronze. Le directoire, dirigé par des apostats, Expilly et son grand vicaire, fut insensible à cette généreuse démarche. Les prêtres captifs restèrent au fort de Brest, jusqu'à ce qu'on pût en disposer par une nouvelle loi dont le comité des douze devait présenter le rapport. Cette fois, ce comité, qu'on avait accusé de lenteur, ne se fit pas attendre. Le 26 avril, c'est-à-dire trois jours après le rapport du ministre, il apporta le résultat de son examen: c'est Français de Nantes qui était son organe.

(1) Londres, le 20 avril 1792, ap. Tresvaux, Hist. de la Perséc. révol., t. I, p. 341.

On remarquait qu'il renchérissait, par son impiété et ses calomnies, sur François de Neufchâteau, rapporteur dans la discussion du projet de loi du 29 novembre. Cela devait être, car leur plan était différent. Par la loi du 29 novembre, on avait pour but de chasser les prêtres de leurs paroisses, afin de faire prévaloir le culte schismatique, selon les vœux du clergé constitutionnel. Maintenant, il s'agit de s'en défaire complétement pour en finir avec le christianisme, et ramener les temps heureux où il n'existait pas. Français de Nantes, en sa qualité de rapporteur, remplit parfaitement les vues des révolutionnaires. Pendant plus de deux heures, il ne cessa de décharger sur le clergé fidèle le fiel dont le cœur des prétendus patriotes était rempli. Dans sa haine fougueuse, il comparait ces prêtres à une légion de génies malfaisants qui, dans leur indivisibilité, agitaient, tourmentaient la nation, et versaient le poison dans les familles..... à un fléau dont il fallait purger les campagnes qu'il dévastait.... à une faction parvenue au point qu'il fallait que l'État fût écrasé par elle, ou qu'elle fût écrasée par l'État. « Les familles divisées, dit-il, les municipalités insultées, les prêtres conformistes menacés et chassés, les campagnes fanatisées, l'assiette des contributions arrêtée, voilà leur ouvrage, voilà les maux qui sont dénoncés par tous les corps administratifs, par tous les citoyens. >>

Il se déchaîna surtout contre le pape, qu'il traitait de la manière la plus impudente : « Ce prince, burlesquement menaçant, dit-il, cherche à prendre l'attitude du Jupiter tonnant de Phidias; mais ses traits impuissants viennent s'émousser contre le bouclier de la li

III.

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berté, placé sur le sommet des Alpes..... Pourquoi se mêle-t-il de nos affaires, tandis que nous nous mêlons si peu des siennes? >

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Revenant ensuite aux prêtres, qu'il appelait une secte de dissidents, il prétendait que la société avait le droit d'expulser de son sein ceux qui refusent de la reconnaître comme si l'on méconnaissait la société en refusant un serment que la loi avait déclaré libre! Mais, selon Français de Nantes, ce sont eux qui conspirent contre la liberté. « On établit en France, dit-il, une constitution libre, et ils conspirent contre cette liberté; on établit la fraternité et l'égalité (nous avons vu comment), et ils protestent contre ces principes, qu'ils ne veulent reconnaître que dans leurs livres. On reprit les biens qu'ils avaient usurpés sur la crédulité, et ils se révoltèrent (indigne mensonge); on leur demanda (et non pas on leur donna) la paix, et ils rendirent la discorde; ils se dirent persécutés, parce qu'on voulait qu'ils cessassent d'être persé

cuteurs. »

Il s'emporta non moins contre la religion elle-même. « Qu'est-ce donc que cette secte, demanda-t-il, qui, dans ses principes, damne tout ce qui ne pense pas comme elle?... Notre religion, notre conscience! s'écrie-t-il. Qu'est-ce que c'est donc? une religion insociable par sa nature, une conscience qui se prosternait devant le despotisme?... La diversité des cultes est plus agréable à l'Être suprême que le froid spectacle d'un culte uniforme, dont la monotonie ressemble plutôt à l'étiquette réglée de la cour d'un despote, qu'à l'émulation d'une famille nombreuse qui, par des soins toujours nouveaux, par des hommages empressés et

divers, honore les auteurs de ses jours. » Il déclama de toute sa véhémence contre le confessionnal, ой l'enseignement secret est bien plus dangereux, selon lui, que celui qui se fait en public (1).

L'orateur ne présente pas de projet; trop pressé pour son rapport, il n'a pas eu le temps de le rédiger. Il n'avait rien dit de nouveau; son discours, d'un bout à l'autre, n'était que le résumé des déclamations banales qui étaient venues des départements. Il avait été applaudi à diverses reprises par l'Assemblée, qui en ordonna l'impression et l'envoi aux quatre-vingt-trois départements. C'était dire aux directoires : « Vous voyez ce que pense l'Assemblée, agissez en conséquence. >>

Mais l'orateur avait très-vivement à cœur l'expulsion du clergé dissident; il travailla nuit et jour à son projet de décret; enfin il le présenta dans la séance du 5 mai, et l'accompagna de nouvelles déclamations plus véhémentes que les premières. Il trouvait la culpabilité des prêtres dans leurs protestations, dans leurs écrits, leurs sermons, leur conduite, dans les bulles du pape, les mandements et les pastorales des évêques. Les preuves lui paraissaient palpables : « Il est connu de tout le monde qu'un grand nombre d'entre eux, depuis trente mois, ont écrit, prêché et confessé pour la cause de la contre-révolution, fanatisé et armé les villages; » et il ajoute Pas un seul n'a été puni. On pouvait lui répliquer: Ce n'est pas votre faute s'ils n'ont pas été punis, car vous les avez assez poursuivis; mais, à votre honte, vous n'avez

(1) Moniteur, 28 avril 1792.

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