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Roland rapporte en effet que quarante-deux départements ont pris des arrêtés qui n'étaient ni proscrits, ni autorisés par la constitution. Il cite entre autres. l'arrêté du directoire de Strasbourg, qui prescrivait aux prêtres remplacés de s'éloigner à trente lieues de la frontière. Le ministre excuse ces directoires, prétendant qu'ils ont été forcés à prendre de pareils arrêtés. Leur nombre, dit-il, exclut tout soupçon d'exagération et de partialité.

Il fallait oublier étrangement ses devoirs de ministre pour excuser et justifier à la tribune des mesures aussi injustes et aussi inconstitutionnelles. La haine contre les prêtres catholiques pouvait seule l'y porter. Le ministre a l'audace de dire que ces mesures, si opposées à l'esprit comme au texte des droits de l'homme, ne sont pas proscrites par la constitution.

Mais laissons-le continuer; il se réfute lui-même en rapportant que son prédécesseur (1) s'est opposé à l'exécution de ces arrêtés, et qu'il projetait une proclamation générale pour les casser; que lui-même a montré le vice de ces arrétés et la nécessité de les annuler, si on ne les retirait pas. Quelques directoires, dit-il, ont eu égard à ses instructions ; d'autres n'y ont pas répondu; plusieurs ont répliqué que leurs arrêtés n'avaient pas été mis à exécution, et qu'ils étaient comme non-avenus. Mais il en est, tels que ceux d'Illeet-Vilaine, de l'Orne et de la Mayenne, qui ont répondu qu'ils étaient prêts à obéir, mais qu'ils ne pourraient plus assurer ni le payement de l'impôt, ni la paix et la sécurité des patriotes. On croirait, d'après ce rapport, que les prêtres sont des assassins.

(1) Cahier de Gerville.

Il avoue cependant qu'il a reçu de la Loire-Inférieure, de la paroisse de Clisson et de vingt autres municipalités, de vives réclamations contre ces arrêtés; mais il se hâte de faire observer que le directoire de Saintes, ayant cassé un arrêté répressif précédent, a vu renaître les troubles dans le département. De tout cela il conclut qu'il faut de nouvelles lois, de grandes mesures pour assurer la tranquillité (1),

Il avait eu soin d'avertir que, dans un temps de crise, l'application rigoureuse des principes (d'humanité) compromettrait le salut public.

Tel est le langage perfide et hostile du ministre Roland. Le clergé ne trouva dans cette circonstance aucun défenseur. Torné, qui l'avait si vaillamment soutenu dans la discussion de la loi du 29 novembre, s'était tourné du côté des jacobins, et ne voulait plus aucun clergé, ni constitutionnel ni catholique. Dans la séance du 28 avril, il dit que l'Assemblée constituante a fait une grande faute en ne supprimant pas tout le clergé comme corporation civile ; que tant que le clergé serait élu par des électeurs institués par la nation, il conservera il ne sait quel caractère national, qui parait étre un privilége accordé au culte catholique; qu'il fallait soumettre les prêtres à se pourvoir de patentes comme les citoyens de tous les autres métiers, anéantir les corporations monastiques par une loi spéciale, et non-seulement ne point reconnaître de voeux avec la constitution, mais encore prohiber toute obéissance aux vœux émis. « Vous n'avez, ajouta-t-il, porté que quelques coups légers à cet arbre, vous n'en avez séparé

(1) Moniteur, séance du 23 avril 1792.

que quelques branches honteuses; il est temps de l'abattre et de le déraciner (1). » Avec de tels principes, Torné ne devait pas se déclarer contre une loi qui tendait à son but. Fauchet, qui s'était vanté d'abhorrer la persécution et tout ce qui entravait la liberté des cultes, ne dit mot. Le parti des girondins, qui prenait la défense du clergé chaque fois qu'il s'agissait de porter atteinte à la liberté, avait abjuré son rôle. Bien loin de s'opposer à une nouvelle loi contre le clergé, il y poussa au contraire de toutes ses forces. C'est qu'il sait que cette nouvelle loi sera suivie d'un nouveau veto, et que ce veto sera un excellent prétexte pour soulever les masses et renverser le trône. Telle est la cause de l'abandon du clergé par le parti girondin; il adoptait tout ce qui pouvait contribuer au renversement du trône et de l'autel. Le clergé fut donc livré sans défense à ses ennemis. Un député affirma que dans le département du Nord, pendant la quinzaine de Pâques, les confessionnaux avaient retenti des imprécations des prêtres contre la constitution. C'étaient là des déclamations qui supposaient une profonde ignorance de ce qui se passe au confessionnal.

Merlin exhala sa mauvaise humeur contre le ministre précédent, le malheureux Delessart, qui avait adressé aux directoires des circulaires en faveur de la liberté des cultes. Il proposa de charger les vaisseaux de tous les prétres non assermentés, et de les envoyer en Amérique. Vergniaud, du parti des girondins, demanda que le rapport fût envoyé au comité des douze, avec prière de développer au plus tôt le principe de la dépor

(1) Moniteur, séance du 28 avril 1792.

tation (1). Le député Mailhe voulait qu'on déclarât l'urgence; de cette manière, le rapport du comité ne se fera pas attendre. Enfin, on décida que le mémoire de Roland serait envoyé au comité des douze, auquel on recommanda la plus grande diligence. Le vœu du ministre était rempli.

Au milieu de cette haine et de cette barbarie, les prêtres expulsés de leurs demeures ou emprisonnés trouvèrent encore quelques âmes sensibles. Un ancien évêque, celui de Léon, M. de la Marche, demanda grâce pour eux au nom de la justice et de l'humanité; il s'offrit même en holocauste pour leur délivrance. Voici la lettre qu'il écrivit de Londres où il était exilé, en date du 22 avril (1792), au directoire du Finistère. Elle confond le mémoire du ministre par l'exposé des principes d'éternelle justice, si profondément oubliés alors:

<< Messieurs les administrateurs, c'est au nom de l'humanité que je veux rappeler à votre souvenir une multitude de prisonniers que vous paraissez avoir oubliés dans le château de Brest. C'est par vos ordres qu'ils y ont été conduits; depuis cinq mois ils sont entassés dans une même salle, placés près de deux infirmeries où sont traitées de malheureuses victimes du libertinage. La corruption de l'air, la rigueur de l'hiver, la qualité des aliments, ont porté de terribles atteintes à leur santé. Deux déjà ont succombé, un autre a perdu un œil; environ dix-huit ont été successivement transférés presque mourants à l'hôpital; le reste est languissant. Les chaleurs que nous commençons de sentir, et

(1) Hist. parlem., t. XIV, p. 202.

qui vont s'accroître, feront bientôt fermenter la corruption qui les environne, et infailliblement l'infection deviendra mortelle.

<< Ils ne sont prévenus d'aucun crime; seulement on les a soupçonnés de pouvoir en commettre. Mais, messieurs, emprisonner des hommes parce que vous appréhendiez qu'ils ne se portassent un jour à exciter des troubles, changer ainsi les précautions en châtiments, prévenir les délits par des punitions, infliger des peines à des crimes qui n'ont pas été commis encore: souffrez que je vous le représente, je vois dans cette conduite l'oubli de l'humanité, de la justice, de la raison, la violation des droits de l'homme, de votre constitution, de votre nouvel ordre judiciaire, de l'acte même qui constitue les corps administratifs.

« Vous avez juré fidélité à la loi, à la nation et au roi. La loi vous êtes en opposition avec elle. La nation! si elle est le plus grand nombre des habitants du royaume, son cri s'élève contre vous. Le roi! par l'organe de son ministre (1), il vous a fait connaître ses intentions, qu'il ne m'a pas laissé ignorer.

« Qu'attendez-vous donc, messieurs, pour rendre la liberté à ces innocentes victimes, qui ne font entendre aucune plainte contre vous; à ces prêtres respectables que vous avez estimés et que vous estimez encore, si vous avez conservé les principes religieux qu'ils vous ont enseignés, et que conserve une multitude de fidèles qui les honorent comme de généreux confesseurs de la foi?

<«< Ne vous semble-t-il pas qu'il est enfin temps de

(1) Cahier de Gerville.

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